« LES ACTES DE LA DESCO » Apprendre et enseigner la guerre d’Algérie et le Maghreb contemporain ©CRDP de l'académie de Versailles, 2002 Sous la direction de Dominique Borne, Jean-Louis Nembrini et Jean-Pierre Rioux actes de l’université d’été organisée du 29 au 31 octobre 2001 à l’Institut du Monde Arabe Programme national de pilotage Inspection générale de l’éducation nationale Direction de l’Enseignement scolaire Bureau de la formation continue des enseignants Ministère de l'Education nationale CRDP de l'académie de Versailles Enseigner la guerre d'Algérie et le Maghreb contemporain - actes de la DESCO Université d'été octobre 2001 Ouverture des travaux .....................................................................................3 Jack Lang Comprendre et faire comprendre .....................................................................8 Jean-Pierre Rioux Géographie et géopolitique du Maghreb aujourd’hui ....................................... 13 Armand Frémont Repères sur l’historiographie algérienne de la guerre ..................................... 16 Benjamin Stora Entendre et enseigner l’expérience du combattant français de la guerre d’Algérie ............................. 21 Jean-Charles Jauffret Retour sur la décolonisation de la Tunisie et du Maroc .................................... 34 Daniel Rivet Justice et torture à Alger en 1957 : apports et limites d’un document.............. 44 Raphaëlle Branche Sylvie Thénault L’Algérie d’une guerre à l’autre ...................................................................... 57 Benjamin Stora L’islam au Maghreb aujourd’hui ..................................................................... 66 Rémy Leveau Langue arabe et connaissance du Maghreb..................................................... 70 Rachida Dumas Bruno Levallois L’actualité démographique du Maghreb .......................................................... 74 Kamel Kateb Zahia Ouadah-Bedidi La mémoire et l’histoire ................................................................................. 99 Table ronde animée par Henry Rousso Ateliers ....................................................................................................... 113 Entendre la guerre d’Algérie : interview, récits et témoignages .............................113 Femmes en guerre d’Algérie et dans le Maghreb contemporain .............................114 Langue arabe et connaissance du Maghreb contemporain ....................................115 Les manuels scolaires....................................................................................117 Guerre d’Algérie et Maghreb contemporain dans les réformes du collège et du lycée 119 Le 17 Octobre 1961 ......................................................................................120 Le refus d’en parler : recherche d’identité chez les élèves et délégitimation des enseignants.................................................................................................121 Apprendre et enseigner l’immigration algérienne ................................................122 Clôture des travaux ..................................................................................... 123 Jean-Louis Nembrini © ministère de l'Education nationale - direction de l'Enseignement scolaire pour Eduscol avril 2002 2/125 Enseigner la guerre d'Algérie et le Maghreb contemporain - actes de la DESCO Université d'été octobre 2001 Ouverture des travaux Jack Lang ministre de l’Éducation nationale J’ai tenu à venir vous dire personnellement toute l’importance que j’accorde à cette université d’été. Ce qui m’a incité à demander sa mise en place, c’est d’abord la réactivation très polémique et très médiatisée de la mémoire, ou plutôt des mémoires antagonistes, de la guerre d’Algérie. Cette réactivation s’est fixée sur deux points douloureux : la répression de la manifestatio n organisée à Paris par le Front de libération nationale (FLN), le 17 octobre 1961, et l’emploi de la torture par des militaires français lors de ce conflit. Le problème de la torture a resurgi en force sur la place publique avec le témoignage de Louisette Ighilahriz et les aveux du général Aussaresses. Les médias ont donné un grand retentissement à ce retour sur le devant de la scène de pratiques qui avaient déjà été clairement dénoncées à l’époque du conflit, notamment par Henri Alleg, et qui ont été reconnues par le général Massu. Il ne s’agit donc pas de révélations mais de confirmations. On peut néanmoins se demander, dans la mesure où tout cela était connu, pourquoi la résonance de ces récentes déclarations a été aussi forte. Pierre Vidal-Naquet, qui fut parmi les premiers à stigmatiser ces dérives, a avancé une première explication intéressante d’un tel retentissement : le procès de Maurice Papon a été celui d’un fonctionnaire zélé de Vichy qui s’est fait à ce titre le complice de la « solution finale », mais il a été aussi l’occasion d’évoquer la répression brutale de la manifestation du 17 octobre 1961 dont il fut responsable en tant que préfet de police. Maurice Papon cristalliserait ainsi sur sa personne les deux grandes brûlures de l’histoire contemporaine française : Vichy et l’Algérie. Il est de fait que ces deux épisodes historiques participent du « passé qui ne passe pas », pour reprendre l’expression appliquée par Henry Rousso à Vichy. Ils ont été certes, pendant un temps, comme des « cadavres dans le placard » de notre histoire, mais on ne peut pas dire aujourd’hui qu’on les y ait oubliés, tant ils font l’objet de travaux historiques et de débats. Le danger serait même que la dimension médiatique n’en vienne à gêner la recherche historique. Une seconde explication de cette résurgence de la guerre d’Algérie peut tenir à un phénomène classique de génération, les enfants demandant aux parents ce qu’ils ont fait (ou pas fait) pendant cette période. Enfin, il faut prendre en compte le fait que les événements qui ensanglantent l’Algérie depuis plusieurs années la placent sous les feux de l’actualité et conduisent à s’interroger sans doute sur son avenir mais également sur son passé. Des mémoires antagonistes Expliquer cette résonance ne suffit pas. Il faut aussi se demander pourquoi elle a pris une telle dimension polémique. Pour le comprendre, il faut considérer qu’il n’existe pas, dans notre pays, de mémoire consensuelle sur la guerre d’Algérie. Dès l’issue de la guerre, des mémoires antagonistes se sont affrontées. D’abord, celle des Français de métropole qui se sont peu à peu désolidarisés de leurs compatriotes d’Algérie et ont appuyé la politique du général de Gaulle ouvrant la voie à l’indépendance. Ensuite, celle de la majorité des Pieds-noirs pour lesquels cette politique fut une trahison et qui ont vécu cette indépendance comme une injustice (ce qui ne doit pas faire oublier que certains d’entre eux sont souvent tombés sous les coups de l’OAS car ils avaient accepté l’idée d’une Algérie indépendante dans laquelle musulmans et Pieds-noirs auraient fraternellement coexisté). Puis, celle des Harkis qui ont pu se réfugier en France et ainsi échapper aux massacres dont furent victimes ceux qui sont restés. Enfin, celle des Algériens qui ont afflué en quête d’emploi et sont venus grossir les rangs de ceux déjà présents en France. N’oublions pas non plus la mémoire des soldats de cette guerre longtemps « sans nom », mémoire souvent elle-même contradictoire et déchirée. © ministère de l'Education nationale - direction de l'Enseignement scolaire pour Eduscol avril 2002 3/125 Enseigner la guerre d'Algérie et le Maghreb contemporain - actes de la DESCO Université d'été octobre 2001 J’ai pu personnellement mesurer l’ampleur de ces conflits de mémoire à travers un abondant courrier qui m’a été adressé en tant que ministre de l’Éducation nationale. Les lettres reçues montrent que beaucoup pensent à tort que la guerre d’Algérie n’est pas étudiée dans les classes. Certains s’indignent, également à tort, que la pratique de la torture ou la répression du 17 octobre 1961 n’y soient pas évoquées alors que pour d’autres, au contraire, les massacres de Pieds-noirs, d’Algériens et de harkis perpétrés par le FLN y seraient systématiquement occultés. Outre le problème de l’affrontement conflictuel des mémoires des différents groupes, se pose donc celui d’une mauvaise information qu’il convient de combler en ce qui concerne la place faite à la guerre d’Algérie dans l’enseignement de l’histoire. On ne peut laisser dire qu’elle serait toujours victime d’une occultation. Plusieurs raisons permettent d’invalider une telle assertion. Des historiens travaillent et publient depuis longtemps sur ce sujet. Un formidable travail d’investigation, ouvert par d’éminents spécialistes tels Charles-Robert Ageron, est poursuivi au sein de l’école historique française. Je tiens à rendre un hommage à la qualité de leurs travaux. Je l’adresse, pour eux tous, aux universitaires présents à cette université d’été. Ils ont su travailler avec sérieux, mus par le seul souci de la vérité historique et sans tabou, comme l’atteste notamment la thèse récente de Raphaëlle Branche consacrée à « l’armée et la torture en Algérie ». Les programmes d’enseignement L’étude de la guerre d’Algérie est prévue dans les programmes d’enseignement aussi bien au collège (en classe de troisième) qu’au lycée (en classe de terminale), sans oublier le lycée professionnel (en classe de seconde professionnelle et de terminale baccalauréat professionnel). Cette présence dans les programmes n’est pas chose nouvelle (en terminale, par exemple, elle est acquise
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