L'autofiction Dans L'œuvre De Colette Jury

L'autofiction Dans L'œuvre De Colette Jury

Université du Maine - U. F. R. de LETTRES Thèse Pour l’obtention du doctorat de littérature française Présentée par Stéphanie Michineau le 22 juin 2007 L’Autofiction dans l’œuvre de Colette Directeur de thèse : Madame Michèle Raclot Université du Maine - U. F. R. de LETTRES Thèse Pour l’obtention du doctorat de littérature française Présentée par Stéphanie Michineau le 22 juin 2007 L’Autofiction dans l’œuvre de Colette Jury : Directeur de thèse : Madame Michèle Raclot Président : Monsieur Jean-Pierre Goldenstein Autres membres : Madame Daniela Fabiani Monsieur Pierre Masson 2 Alors que Colette suggérait ironiquement que « les œuvres ne peuvent être que fatalement autobiographiques pour la femme », j’ai plaisir à ouvrir cette thèse sur de vieilles photos retrouvées de mes regrettés parents dont le souvenir cher et impérissable m’a portée tout au long de la rédaction de cette thèse : 3 Ma mère, Madame Marie-Madeleine Michineau (née Girault) à Châtillon- sur-Colmont le 31 octobre 1943, décédée à Mayenne le 29 août 1997. Mon père, Monsieur Alain Michineau né à Cigné le 17 juin 1945, décédé à Mayenne le 17 mars 2001. Mais également à mes chers disparus : mon grand-père maternel, Monsieur Armand Girault (1904-1988) mon grand-père paternel, Monsieur Maurice Michineau (1911-1998) ma grand-mère paternelle, Madame Lucienne Michineau (1909-2003) ma grand-mère maternelle, Madame Marie-Reine Girault (1911-2004) 5 REMERCIEMENTS : - Je commencerai cette série de remerciements par celle qui le mérite le plus, Madame Michèle Raclot. Je souhaiterai me placer au-delà de la coutume universitaire qui remercie brièvement son directeur de thèse pour rendre hommage à ses qualités humaines (de gentillesse, de patience et d’écoute) et à ses capacités intellectuelles (rigueur, clairvoyance et perspicacité). Je profite donc de cette page qui m’est imparti pour saluer la constance méritoire de Madame Michèle Raclot qui m’a accompagnée depuis la maîtrise, dans un long et passionnant travail de recherche. - Je remercie Monsieur Jean-Pierre Goldenstein de présider à ma soutenance ainsi que Madame Dianela Fabiani et Monsieur Pierre Masson d’avoir accepté de participer à mon jury. - La distance étant un facteur parfois contraignant dans l’exercice de la recherche, je salue l’initiative des accords du R.U.O.A (Réseau des Universités de l’Ouest Atlantique) qui favorisent les relations entre les Universités de l’Ouest de la France. Dans le même esprit, merci à Madame Michelle Gesland qui, lorsqu’elle était encore en activité, m’a facilité bien souvent l’accès à l’emprunt des livres de la bibliothèque universitaire du Mans. - Mention particulière pour la richesse du « fonds Colette » à la médiathèque de Nantes (inventaire du don Delanoë). - Toute ma gratitude, enfin, va à ma sœur Florence Soltar qui a illustré cette thèse ainsi qu’à mon amie de longue date Corinne Pereira et à son compagnon Damien qui m’ont aidée à numériser ces illustrations. A mon compagnon, enfin, Giuseppe qui m’a laissé le champ libre. 6 Introduction 7 Il nous paraît judicieux, en ouverture de cette thèse, d’effectuer un bref état des lieux afin de se rendre compte de l’avancée des recherches actuelles concernant l’autofiction, depuis l’apparition du mot dans les années 70 à nos jours ; cela nous permettra d’apporter quelques légitimités à notre travail. Ainsi, nous ne pouvons que nous rendre à l’évidence que l’autofiction, loin de subir un effet de mode, perdure. Qu’on la critique ou qu’on l’adule, il est un fait indéniable, elle ne laisse pas indifférent. D’ailleurs, l’usage est tel qu’elle possède désormais deux entrées dans le dictionnaire depuis 2003. Dans le Larousse, l’autofiction est perçue comme « une autobiographie empruntant les formes narratives de la fiction ». Dans le Robert, on trouve la définition suivante : « L’autofiction est un récit mêlant la fiction et la réalité autobiographique. » Suivant le même ordre d’idées, tandis que le terme « autofiction » apparaissait à l’origine sur la quatrième de couverture de Fils, elle peut désormais orner la page de couverture si l’on en croit le témoignage de Pierre-Alexandre Sicart ( 1 ). A la sortie de Laissé pour conte du même Doubrovsky, en 1999, le livre arborait un bandeau rouge sur lequel se détachaient en lettres blanches « autofiction » comme pour mettre en évidence « le genre » auquel il appartient. Serge Doubrovsky revient dans Autobiographie/ Vérité/ Psychanalyse sur la genèse du mot à l’origine duquel il est. Il relate que c’est à partir de la lecture de Philippe Lejeune et de son Pacte autobiographique lors de la rédaction de son premier livre Fils que lui est venue l’idée de l’autofiction. Dans Le Pacte autobiographique ( 2 ), il est vrai, Philippe Lejeune établit une définition de l’autobiographie suivant trois axes essentiels : personnage, narrateur et auteur doivent recouvrir la même identité, une autobiographie retracerait, selon lui, l’histoire de la personnalité de la personne réelle ( 3 ) et ( 1 ) Pierre-Alexandre Sicart, Autobiographie, Roman, Autofiction, thèse en cotutelle entre l’Université Toulouse II-le Mirail & New-York University, 2005, p. 14. Le directeur de thèse pour la France s’appelait Pierre Glaudes et pour les USA Eugène Nicole. Parmi les membres du jury on comptait Jacques Lecarme qui présidait et Serge Doubrovsky, 2005, p. 14. ( 2 ) Philippe Lejeune, Le Pacte autobiographique, Paris, éd. du Seuil, 1ère édition date de 1975, la 2ème , revue et augmentée par l’auteur, de 1996. ( 3 ) C’est seulement dans Le Pacte autobiographique que Philippe Lejeune précise qu’il s’agit d’une personne réelle. 8 l’auteur devrait nécessairement contracter un pacte autobiographique. Alors que ce pacte doit être, selon lui, clairement revendiqué par l’auteur dans L’Autobiographie en France ( 1 ), dans Le Pacte autobiographique, il le définit essentiellement à partir du critère d’identité ou de non identité du nom de l’auteur et du personnage. D’où le commentaire de Serge Doubrovsky : Ce qui l’amène au terme d’une nomenclature savante et subtile, à repérer des « cases aveugles » : « Le héros d’un roman déclaré tel peut-il avoir le même nom que l’auteur ? Rien n’empêcherait la chose d’exister […] Mais, dans la pratique, aucun exemple ne se présente à l’esprit d’une telle recherche.( 2 ) Doubrovsky tend donc un peu comme une gageure à remplir la case aveugle laissée par Philippe Lejeune en inventant le terme d’autofiction. « Tout se passe comme si Fils avait été écrit pour remplir cette case aveugle » ( 3 ) explique-t-il. En effet, alors que ce dernier inscrit « roman » en sous-titre sur la couverture de Fils, le héros du roman s’appelle pourtant Serge Doubrovsky. L’on ne saurait certes contester que Doubrovsky, à l’origine, tendait à éloigner l’autofiction de l’autobiographie et ce pour principalement deux raisons que l’on pourrait formuler de la sorte : parce qu’elle est moins et plus qu’une autobiographie. Moins qu’une autobiographie en ce sens que l’autobiographie est réservée aux grands de ce monde ainsi qu’il le dit lui- même : « Autobiographie ? non, c’est un privilège réservé aux grands de ce monde. » Plus qu’une autobiographie dans le sens où l’autobiographie serait appréhendée comme un simple témoignage à l’état brut dépourvu d’art. Les témoignages de Doubrovsky par la suite ne laissent plus aucun doute sur la ( 1 ) Philippe Lejeune, L’Autobiographie en France, Paris, éd. Armand Colin , 1ère édition date de 1971, la 2ème de 1998. ( 2 ) Serge Doubrovsky, « Autobiographie/ Vérité / Psychanalyse », in Autobiographiques : de Corneille à Sartre, Paris, éd. PUF, 1988, p. 68. Il s’agit là d’une version écourtée parue dans L’Esprit créateur, « Autobiography in 20th-Century French Littérature », automne 1980. ( 3 ) Ibid. 9 finalité autobiographique que revêt l’autofiction pour lui. En 1980, il déclarait déjà : Non seulement auteur et personnage ont la même identité, mais le narrateur également […] En bonne et scrupuleuse autobiographie, tous les faits et gestes sont littéralement tirés de ma propre vie ; lieux et dates ont été maniaquement vérifiés. La part d’invention dite romanesque se réduit à fournir le cadre et les circonstances d’une pseudo journée […].( 1 ) En 2001, il revient encore sur l’origine de sa théorisation du concept lors d’un entretien avec Michel Contat : La formule qui est devenue « canonique » en la matière est celle du prière d’insérer de Fils, « fictions de faits et d’événements strictement réels » - « autofiction qui a transformé le langage d’une aventure en aventure du langage ». Je crois que cette aventure du langage définit l’autofiction. Les faits sont réels – pour autant, bien sûr, que les faits soient réels dans une autobiographie – et je crois qu’on a tendance à faire la part belle au mot « fiction » dans « autofiction ». L’autobiographie la plus classique est faite aussi de tous les fantasmes du scripteur.( 2 ) Quelques lignes plus loin : Il s’agit d’une fiction non dans le sens où seraient relatés des événements faux, car je considère que dans mes livres j’ai vraiment raconté ma vie de façon aussi véridique que si j’avais écrit mon autobiographie – et aussi fausse également… Mais cela devient une fiction à partir du moment où cela se lit comme une fiction. Pour moi, c’est une fiction par la mise en mots.( 3 ) En s’appuyant sur ses différents discours, l’on peut en déduire que Doubrovsky n’oppose pas l’autofiction à l’autobiographie. Il en fait plutôt ( 1 ) Serge Doubrovsky, « Autobiographie/ Vérité / Psychanalyse », op. cit., p. 69. ( 2 ) « Quand je n’écris pas, je ne suis pas écrivain », Entretien entre Serge Doubrovsky et Michel Contat, in Autobiographies, éd.

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