Enquête Sur Les Monuments Aux Morts Du Canton De Bischwiller ” Benoît Léthenet

Enquête Sur Les Monuments Aux Morts Du Canton De Bischwiller ” Benoît Léthenet

“ ”La cruelle guerre 1914-1918”. Enquête sur les monuments aux morts du canton de Bischwiller ” Benoît Léthenet To cite this version: Benoît Léthenet. “ ”La cruelle guerre 1914-1918”. Enquête sur les monuments aux morts du canton de Bischwiller ”. Cahiers alsaciens d’archéologie d’art et d’histoire, Société pour la conservation des monuments historiques d’Alsace, 2016, 59, pp.195-209. hal-03116640 HAL Id: hal-03116640 https://hal.archives-ouvertes.fr/hal-03116640 Submitted on 20 Jan 2021 HAL is a multi-disciplinary open access L’archive ouverte pluridisciplinaire HAL, est archive for the deposit and dissemination of sci- destinée au dépôt et à la diffusion de documents entific research documents, whether they are pub- scientifiques de niveau recherche, publiés ou non, lished or not. The documents may come from émanant des établissements d’enseignement et de teaching and research institutions in France or recherche français ou étrangers, des laboratoires abroad, or from public or private research centers. publics ou privés. « La cruelle guerre 1914-1918 » : Enquête pédagogique sur les monuments aux morts du canton de Bischwiller Par Benoît LÉTHENET * Résumé : Plus de 40 000 monuments aux morts ont été érigés en France après la première Guerre Mondiale. Ils représentent une source importante pour comprendre, non-seulement, comment les populations des communes ont voulu honorer la mémoire des combattants, mais encore pour avoir un aperçu du drame vécu par les soldats par l’enquête sur les listes des tués. Cette étude veut rendre compte, par l’étude des monuments aux morts du canton de Bischwiller, de l’expérience combattante des Alsaciens lors de la Grande Guerre. En Alsace, dans le contexte particulier d’une société soumise à l’effort de guerre allemand, le document d’histoire qu’est le monument témoigne des choix auxquels firent face les communes pour honorer les combattants défunts et du choix déchirant pour ces combattants : servir la France ou servir le Reichsland. Les commémorations structurent la mémoire collective autour de valeurs partagées et contribuent au développement d’un sentiment d’appartenance commune. Aujourd’hui 12 journées1 sont répertoriées dans les commémorations nationales. Six ont été créées entre 1880 et 1999 ; les six autres en l’espace de 7 ans, entre 1999 et 2006. Ces créations récentes portent toutes sur des évènements postérieurs à 1940. Elles s’adressent à des publics différents mais toutes sont porteuses de valeurs républicaines : la liberté, la fraternité, l’égalité, la démocratie. S’y ajoutent des valeurs patriotiques comme l’héroïsme, le sacrifice, l’engagement, l’indépendance nationale, le devoir d’obéissance, la défense de la paix. Des valeurs sociales sont également fortement présentes comme la réconciliation, la réhabilitation des victimes innocentes et le respect des droits de l’homme en général. Le rituel traditionnel de l’hommage que les pouvoirs publics rendent aux morts, marqué par la minute de silence et le dépôt de gerbe, s’accompagne de la participation d’une classe de CM2 ou de quelques enfants. Inévitablement quelques militaires ou pompiers dont les accords militaires ou municipaux donnent de l’éclat à la cérémonie. Quand cela est possible, la lecture des « morts pour la France » voire des noms qui figurent sur le monument aux morts. Ces commémorations sont aussi autant d’occasions de transmettre la mémoire des événements aux générations suivantes. 1. Un projet inscrit dans une démarche pédagogique Le monument aux morts est un « lieu de mémoire » et davantage encore un « lieu d’histoire ». Celui du passé dramatique d’une commune, au carrefour de parcours individuels et collectifs. Il est souvent peu étudié pour lui-même, car la démarche consiste à l’approcher 1 Outre le 14 juillet, journée nationale du souvenir des victimes et héros de la déportation (dernier dimanche d’avril, loi du 14 avril 1954) ; commémoration de la victoire du 8 mai 1945 (jour chômé, loi du 2 octobre 1981) ; fête nationale de Jeanne d’Arc et du patriotisme (2ème dimanche de mai, 10 juillet 1920) ; journée nationale d’hommage aux « morts pour la France » en Indochine (8 juin, décret du 26 mai 2005) ; journée nationale commémorative de l’appel du 18 juin 1940 (décret du 10 mars 2006) ; journée nationale à la mémoire des victimes des crimes racistes et antisémites de l’Etat français et d’hommage aux « Justes » de France (dimanche le plus proche du 16 juillet, lui du 10 juillet 2000) ; journée nationale d’hommage aux harkis et aux membres des formations supplétives (25 septembre, décret du 31 mars 2003) ; commémoration de l’armistice du 11 novembre 1918 (loi du 24 octobre 1922) ; journée nationale d’hommage aux morts de la guerre d’Algérie et des combats du Maroc et de la Tunisie (5 décembre, décret du 26 septembre 2003) ; cérémonie en hommage à Jean Moulin (17 juin, consacré par l’usage). 1 comme document d’histoire, pour donner aux élèves des éléments matériels objectifs pour s’approprier l’histoire de leur commune, en lien avec les programmes scolaires. Ce travail est donc le résultat d’une enquête réalisée en 2013 et 2014 par des élèves de première ES et première S du Lycée André Maurois de Bischwiller2. En première ES, la question « Guerres mondiales et espoirs de paix » (B.O. du 30 septembre 2010) fait une place aux cultes du souvenir. Ce thème permet d’étudier le monument aux morts comme l’une « des différentes formes de production artistiques ». Il a été mené en classe de première S lors du traitement du sujet « la Première Guerre mondiale » (B.O. du 21 février 2013), particulièrement lorsqu’est abordé le thème des expériences combattantes. Pour replacer monuments et inscriptions dans leur contexte historique, un questionnaire a été remis aux élèves portant sur les sujets suivants : l’environnement du monument (nom de la commune, emplacement, mise en valeur), sa forme, ses inscriptions et ornements (représentations figurées, dédicaces, classement des noms inscrits), son élaboration (sculpteur, financement) et son histoire éventuelle (déplacement, destruction durant la Seconde Guerre mondiale, reconstruction). Ce questionnaire a permis de réaliser un tableau à huit colonnes : « Commune », « Emplacement », « Représentation », « Date(s) », « Sculpteur », « Financement », « Dédicace », « Inscriptions complémentaires ». Par ailleurs, dans un second temps, un traitement statistique des noms gravés sur le monument a été rendu possible grâce à l’élaboration d’un tableau portant sur les données suivantes3 : - « N° » (enregistrement), - « inscription » exacte portée sur le monument, - « commune » du monument, - « classe » (année de naissance), - « date du décès » (année, mois), - « âge » (au moment de la mort), - « situation » (C : célibataire, M : marié, M+E(n) : marié avec enfant(s)), - « profession », - « MPF » (mention « mort pour la France »), - « lieu du décès », - « type du décès » (TAE : « Tué à l’ennemi », Mbles : mort de ses blessures, Mhop : mort à l’hôpital, Disp : porté disparu, MaccS : mort accidentelle en service, MmalS : mort de maladie en service, Fusill : fusillé), - « régiment » (type, n°, compagnie, bureau de recrutement), - « grade », - « décorations », - « inhumation » (lieu, n° de tombe, commune), - « réf. JMO », - « circonstance du décès » (évènements rapportés dans le JMO au jour du décès). Des cartes localisant les lieux de stationnement ou de décès ont pu être établies. 2 Le lycée André Maurois reçoit des élèves des communes de : Auenheim, Bischwiller, Dalhunden, Drusenheim, Forstfeld, Gambsheim, Gries, Herrlisheim, Kaltenhouse, Kilstett, Kurtzenhouse, Leutenheim, Neuhaeusel, Oberhoffen-sur-Moder, Offendorf, Roeschwoog, Rohrwiller, Roppenheim, Rountzenheim, Schirrhein, Sessenheim, Soufflenheim, Stattmatten et Weyesheim. 3 Ces données apparaissent, en partie seulement, sur les monuments (âges, dates). Elles ont été complétées par les livres d’or des communes, la base de données Mémoire des hommes et le site internet memorial-genweb.org. 2 Les travaux effectués par les élèves ont permis de mener deux niveaux d’analyses. Un premier, assez classique, a été réalisé en autonomie sur le terrain par les élèves : il concerne le mémorial et son environnement ; un second, en classe, conduit par le professeur, a permis d’exploiter et d’interpréter les listes de tués. Trois séances ont été nécessaires pour la restitution du travail de recherche des élèves et une première exploitation des listes. 2. L’environnement mémoriel 2.1 Un aperçu général Les monuments aux morts4 tiennent une place spécifique dans le paysage urbain ou villageois. On remarque que le nombre des monuments est variable selon les communes5. Bischwiller en compte trois, Gambsheim, Schirrhein et Soufflenheim en possèdent deux, les autres communes un seul. L’histoire locale, plus que l’importance de la localité, est à l’origine de la multiplication des monuments aux morts. Ainsi, la bataille de Bischwiller, du 6 août 1870, a conduit à l’érection par souscription de deux colonnes au cimetière municipal en l’honneur des tués français et allemands. La Première Guerre mondiale a donné lieu à l’élévation, le 24 juin 1922, d’un troisième monument. À Gambsheim, le premier monument, datant de 1919 et représentant le Sacré-Cœur ressuscitant une victime de guerre, a été mitraillé et le Christ décapité au cours de la Seconde Guerre mondiale. Le monument est resté en place, mais un second a été érigé en remplacement. À Soufflenheim, c’est dans l’enclos ecclésiastique du e XIV siècle, l’Oelberg (« le Mont des Oliviers »), que se trouve le monument de la Première Guerre représentant Jeanne d’Arc. En partie démonté au cours de la Seconde Guerre mondiale, il a retrouvé sa place d’origine. Il est aujourd’hui accompagné d’un second monument : une colonne, mise en place en 1959, au pied de l’enclos ecclésiastique. À Schirrhein, c’est une stèle monumentale datant de 1949-1950 qui vient doubler le monument aux morts. Elle a été financée par le football-club de la commune. Ces monuments s’inscrivent au cœur de la commune. Ils bénéficient d’une mise en valeur souvent accentuée par une surélévation, la présence de végétation et l’emploi de matériaux de qualité.

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