DICTIONNAIRE DU PAS-DE-CALAIS e Pas r>-Ç,Vuu<î 1 ; ,^1^Z J ^ DICTIONNAIRE V-^TT *> HISTORIQUE ET ARCHÉOLOGIQUE DÉPARTEMENT DU PAS-DE-CALAIS PUBLIÉ PAR LA COMMISSION DÉPARTEMENTALE DES MONUMENTS HISTORIQUES Arrondissement de Boulogne TOME III SUEUR-CHARRUEY, IMPRIMEUR-LIBRAIRE-ÉDITEUR 20 ET 22 PETITE-PLACE 1882 PRÉFACE En se chargeant de tout l'arrondissement de Boulogne pour le Dictionnaire historique et archéologique du Pas-de-Calais, M. D. Haignere entreprenait un rude travail; mais nous savions que cette entreprise n'était pas une témérité, M. le Secrétaire perpétuel de la Société Académique de Boulogne ayant fait ses preuves il y a longtemps. Aujourd'hui, nous pouvons regarder cette œuvre comme accomplie. En effet, dans les vingt chapitres qui composent un premier volume, M. Haignere a traité d'une manière complète de toute l'histoire de la ville de Boulogne, considérée sous ses divers points de vue. La conquête, les dominations successives, la reli­ gion, le commerce, les arts, l'industrie, la biographie, tout y a sa place, tout y est étudié avec soin. Ce premier volume est une histoire de Boulogne, non pas faite de seconde main et sur pièces connues, mais souvent composée sur documents originaux et inédits, et toujours appuyée de la citation exacte des sources et éclairée par la critique. Cette his toire de Boulogne constitue une œuvre remarquable, jugée telle par les hommes compétents : o'est un travail consciencieux, et qui restera. Dans le second volume, outre les notices sur les cantons, puis- que Boulogne-Ville a seul été l'objet du premier, on trouvera une autre histoire non moins difficile et non moins importante, celle de la Ville de Calais. Là aussi on pourra constater la sûreté des documents, la justesse des appréciations. L'histoire de Calais est, à certains égards, plus émouvante encore que celle de Boulogne : on verra que l'auteur n'a pas été inférieur à la tâche qu'il a entreprise, et que nous avons aussi une nouvelle et bonne histoire de Calais. Il y a dans ce volume un grand nombre de notices, toutes riches autant qu'il est possible de le faire avec les documents qui nous restent des siècles passés; il y a surtout l'histoire de Desvres qui attirera particulièrement l'attention. Le troisième volume, qui paraît en ce moment, avril 1882, traite des cantons de Guînes, de Marquise et de Samer. La Mai­ son de Guînes possède, à elle seule, toute une histoire, et ce pays tout entier est fertile en données archéologiques et surtout historiques, soit dans les temps anciens, soit surtout lors des luttes de la France et de l'Angleterre. En somme, dans ces trois volumes si pleins de choses, M. Haigneré donne au département des notices sur une quantité de communes et de hameaux ; il fait l'histoire complète de plu­ sieurs villes, dont deux importantes. Assurément, par ce tra­ vail exceptionnel l'érudit et laborieux auteur a, une fois de plus, bien mérité du Département et de la Commission des Monu­ ments, qui a eu la bonne pensée de le lui demander et l'insis­ tance qui a réussi à l'obtenir. Arras, le 20 avril 1882. Chanoine E. VAN DRIVAL, Président de la Commission. CANTON DE GUINES VILLE DE GU1HTES I. LES ORIGINES.—En remontant,au sortir du canton de Ca­ lais, la plaine marécageuse située entre le canal de St-Omer et la déclivité du plateau qui sépare le Boulonnais du Calaisis, on rencontre la ville de Guînes, autrefois capitale d'un comté qui n'a pas été sans renom dans l'histoire. C'est aujourd'hui le chef- lieu d'un canton, composé de seize communes, formant un grou­ pe dont elle occupe la lisière extrême, au nord-est. Sa superficie territoriale est de 2.608 hectares, avec 4.247 habitants. Les origines de la ville de Guînes se perdent dans la nuit du moyen âge. Suivant la légende, elle fut, sous la dynastie méro­ vingienne, l'apanage d'Hagneric, maire du palais de Théode- bert II, roi de Bourgogne, à la fin du VIe siècle (1). Ses enfants, saint Walbert, abbé de Luxeuil, saint Faron, évêque de Meaux, sainte Fare, abbesse de Faremoutier, auraient commencé dans notre pays l'exercice de leur vocation religieuse. Le premier, saint Walbert, ne serait autre que le généreux seigneur de qui saint Bertin reçut le comté d'Arqués, avec beaucoup d'autres domaines parmi lesquels Ipérius croit que se trouvaient Guînes Escalles et la plus grande partie du Calaisis. Les deux autres, saint Faron et sainte Fare, auraient fondé à Estrouannes et à {1) Quidam vir nobilis Hagnericus, Theodeberti conviva, vir sapiens et consiliis régis gralus (Vit. S. Colurnban., ap. Bouquet, M, p. 481,). BOULOGNE m. 1 — 2 — Sombres, près de la ville de Wissant, deux monastères que les Normands de Gormund et Isembart auraient détruits dans leurs excursions (1). Mais, ni ces détails, ni ces données généalogiques, ne parais­ sent s'accorder avec les documents historiques les plus certains; car, saint Walbert de Luxeuil siégeait plus de quarante ans avant que saint Bertin vînt dans laMorinie; et les plus ancien­ nes vies qui existent de saint Faron et de sainte Fare ne don­ nent à ces pieux cénobites aucun frère du nom de Walbert (2). La première mention que l'on trouve de l'existence de la ville de Guînes est de l'an 807, sous le nom de Gisna. Une dame qu'on appelait Lebtrude, et qui était restée veuve avec trois filles nom­ mées Ilildeberte, Nidlebus et Erpswid, y avait des propriétés dont elle fit donation à Nanthaire II, abbé de St-Bertin. L'acte en fut passé le 11 octobre, avec intervention des officiers publics factum Gisna villa publiée), en présence et sous la signature de cinq témoins, parmi lesquels on en remarque un qui prend la qualité de centenier (3), c'est à-dire de juge, ou de magistrat exerçant sous l'autorité du comte. Il ressort de là que Guinestétait alors autre chose qu'une sim­ ple villa, plus môme qu'un village ordinaire, probablement ce qu'on appelle généralement une ville, puisqu'il y avait des offi­ ciers de magistrature capables de donner un caractère officiel aux transactions particulières. La donation de Lebtrude constituait un domaine assez impor­ tant. Elle comprenait, en effet,des manses ou maisons ouvrières, avec une casa, ou maison de maître, des bâtiments divers (cas- ticiis, édifiais), probablement à usage de granges et d'étables, des prés, des pâtures, des terres labourables avec leurs chemins d'accès (peroiisj et leurs fossés d'écoulement fwadriscapisj, en un mot avec tous leurs droits utiles. En retour, pour sa subsistance et celle de ses filles, Lebtrude stipulait que l'abbé de St-Bertin (1) Larab. Ard., Cap. III-VI. Ipériug, chron. S. B., 1. X. (2) Voit' les notes 19 à 25 de l'édition de Lambert par M. de Godefroy. (3) Cart. deFolquin, pp. 70, 71. — 3 — voudrait bien lui concéder en bénéfice, à titre viager d'usufruit et sous la redevance annuelle de deux pains de fromage, deux bonniers de terre que l'abbaye possédait à Eclémy (1). Une c'au- se de l'acte indique jusqu'à un certain point la valeur du domai­ ne dont Lebtrude se dessaisissait : je veux parler de celle par laquelle, en cas de répétition de la part de ses héritiers, elle édicté contre eux une amende de six onces d'or (2) et de plusieurs livres d'argent, outre l'excommunication solennelle dont elle appelle les foudres sur leur tête. Tous les biens que la noble veuve donnait ainsi à l'abbaye de St-Bertin se trouvaient situés, dit l'acte, au lieu nommé Gisna ou Totingetun, dans le Pagus Bononensis, sur la rivière Wasco- ningawala. On a beaucoup disserté sur ce texte, dans lequel on a voulu chercher renonciation de deux localités distinctes et très éloignées l'une de l'autre (3). A mes yeux,l'interprétation la plus simple est celle qui consiste à voir dans Totingeiun un hameau deGuînes, disparu de la carte, et situé sur le cours du Gisnervlet rivière dont l'appellation mérovingienne Wasconingawala, est restée dans le nom de la Walle ou YOuèle, et peut-être aussi dans la Wotine, Wastinia ou Solitudo de Gisnes des chartes d'Andres (4). Quoi qu'il en soit de ce dernier point,la donation de Lebtrude, quelque considérable qu'on la suppose, ne semble pas de nature à rendre compte do tout ce que l'abbaye de St-Bertin possédait à Guînes avant l'arrivée des Normands. En effet, un état des propriétés de cette maison religieuse, dressé vers le milieu du IXe siècle, nous montre que le domaine rural de Guî­ nes comprenait 80 bonniers (5) de prairies, 148 bonniers de ter- (1) Eeloum, in ipso pago Bononensi. (2) L'once d'or, au titre légal de 900"1, pesant 30 gr. 59, six onces équi­ valent aujourd'hui à une somme de 569 fr. 03 c, valeur monétaire. (3) Il existe un hameau de Todincthun sur Audfnghen. (4) Partem meam Wastiniœ quse jacet juxta boscum Lantershont, sci- licet in parte oriontali (Spicil. II, col. 788, 2. E. C. ibid. 795, 1 A). (5) Le bonnier, d'après M. II. de Laplane. équivalait à environ trois me­ sures de St-Omer, ou un hectare, 6 ares, 38 centiares (Les abbés de S.-B, t. I, p- 4*.) _ 4 — res à labour, 30 bonniers de bois de haute futaie, 40 bonniers de bois taillis, et un droit de vaine pâture égal à l'importance du reste, (de pastura commuai sufftcienter).
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