Stéphane de TAPIA * Directeur de Recherche au CNRS Université Marc Bloch / CNRS - UMR 7043 « Cultures & Sociétés en Europe » MISHA- Maison Interuniversitaire des Sciences de l’Homme / Alsace) Campus de l’Esplanade 5, allée du Général Rouvillois CS 50008 F-67083 STRASBOURG Cedex Tél. : 33 (0)3.88.41.63.32. e-mail : [email protected] http://umr7043.u-strasbg.fr/site1/1.htm * Chercheur Associé Equipe MIGRINTER de l’UMR 6588 « Migrations Internationales, Territorialités, Identités » http://www.mshs.univ-poitiers.fr/migrinter * Chargé de Cours Département d’Etudes Turques Université Marc Bloch – BP 80010 F-67084 STRASBOURG Cedex Tél. : 33 (0)3.88.41.73.99. – Fax : 33 (0)3.88.41.74.40. e-mail : [email protected] http://turcologie.u-strasbg.fr/dets (recherche) http://umb-foad.u-strasbg.fr/dokeos/index.php (enseignement: turc) Télévision turque et nouveaux média : L’entrée de la Turquie dans le XXI° siècle Dans le sillage de la Révolution d’Atatürk. La transformation des Arts et des Lettres dans la Turquie Républicaine Colloque de Strasbourg Lundi 26 et mardi 27 octobre 1998 &&& Il n’est pas dans mon propos de retracer ici l’histoire des média ou même simplement de la télévision turque à l’occasion de ce Colloque rassemblé pour commémorer le 75° Anniversaire de la République de Turquie. Cette contribution ne s’attache pas en détail à l’historique des premières années de la modernisation de la Turquie dans le domaine des média, et ce pour la simple raison que l’auteur n’est aucunement qualifié pour le faire. N’étant pas spécialiste des média, ni même de la communication en tant que telle, ce n’est pas l’Histoire politique ou idéologique, mais plus l’Histoire et la Géographie sociales de la population turque dans son ensemble qui retiendra ici l’attention, les aspects à la fois matériels et immatériels – lorsqu’il s’agit du transport d’ondes, qu’elles soient hertziennes ou autres – de l’évolution de l’offre d’information et de communications à la population turque, population qui se caractérise en cette fin de siècle par une formidable ouverture dans tous les domaines et une expansion démographique – et de ce fait géographique notable –, aussi bien sur le territoire national que sur des terrains nouveaux, par le biais de nombreuses communautés turcophones installées à l’étranger, sur un 1 champ migratoire très vaste. Le secteur des communications a dû ainsi faire face à des défis nouveaux, à la fois desserte du territoire national et desserte du champ migratoire, dans un contexte général dit de globalisation ou de mondialisation. Avec environ 63 millions d’habitants pour l’an 2000, la Turquie dont on sait les relativement bonnes performances en matière économique, restera malgré tout, au moins pour les quelques années à venir, une puissance moyenne, loin derrière les principaux pays européens (Allemagne, France, Grande-Bretagne…), a fortiori derrière les géants américain et japonais. Cependant, la Turquie, dans ce dernier quart de siècle, a réalisé d’énormes progrès dans l’usage des technologies nouvelles, et ce, en particulier, dans le domaine des communications (télévision, informatique, télématique, vidéocommunications). Il n’y a pas là d’effet « baguette magique » et il est certain que les évolutions les plus récentes dans ces domaines de l’information et des communications trouvent leurs racines dans l’Histoire contemporaine, aussi bien de la fin de l’Empire ottoman que des premières années de la République. Dans cette communication, il sera surtout question d’un média, la télévision, et d’un aspect particulier, l’ extrusion / intrusion – pour reprendre la terminologie de Jean-Paul Constantin (1994) 1 – de ce média vers les populations vivant hors du territoire turc, populations turques émigrées à partir des années 1960, voire populations turcophones ressortissantes d’autres Etats en cours de construction, les Républiques turcophones d’Asie centrale, mais aussi minorités turques des Balkans, du Proche et du Moyen-Orient. Extrusion – émission de messages originaires d’une entité politique et sociale déterminée, la Turquie –, si l’on se place du côté turc, intrusion – réception des mêmes messages dans des entités étrangères, non turques –, si l’on se place dans la logique des pays récepteurs. Pour bien se représenter les progrès en cours, il peut être utile de se rappeler que la radio turque commence à émettre dans les années 1920, que la télévision à l’usage du public n’apparaît qu’à la fin des années 1960, dans un contexte de monopole et de contrôle par le pouvoir politique de l’information à usage interne, puis dans celui de la Guerre Froide, alors qu’aujourd’hui fonctionnent des centaines de chaînes les plus diverses, que l’on peut capter en Turquie, dans les Balkans, dans le Caucase et en Asie centrale, mais aussi dans presque tous les pays d’immigration relevant du champ migratoire turc. En d’autres termes, les média turcs sont passés en peu de temps d’un système très contrôlé par l’Etat à un système au contraire très ouvert qui pose question sur la démocratisation du système politique et sur l’émergence d’une société civile. 1 Jean-Paul Constantin : intrusion et extrusion satellitaire, communication au Colloque d’Antalya, les Nouvelles Technologies de la Communication, les Transformations Socioculturelles en Europe Méridionale, en Turquie et dans les Pays Voisins, 15- 20/03/1994, non publiée. 2 L’étude de ce média spécifique, dans le cadre de l’exportation de messages, d’images, turcs (culturels, politiques, idéologiques, religieux, linguistiques…) me semble hautement révélatrice de capacités d’évolution, d’une société en pleine transformation depuis les premières années de la République, aventure débutée il y a soixante-quinze ans. Si l’émigration est bien révélatrice des tensions socioéconomiques que vit une société, la capacité d’exporter des messages sera à son tour révélatrice du rayonnement économique, culturel, politique, de cette société. La radio turque, rappel rapide (1927-1964) Selon le quotidien Cumhuriyet , la date de naissance de la radio en Turquie serait le 5 mai 1927 2. Une première société créée par la Banque du Travail ( Đş Bankası), l’Agence Anatolie, deux députés et un ingénieur, la Société à Responsabilité Limitée du Marché de la Téléphonie Sans Fil ( Telsiz Telefon Pazar Ltd ou TTTA Ş) émet d’Istanbul d’abord, puis un an après, d’Ankara. Malgré le soutien de l’Etat, les débuts seront difficiles. Ainsi les émissions sont interrompues du 18 janvier au 10 juillet 1930, faute de financement ; le siège et les studios de Radio Ankara déménagent de Babaharman (aujourd’hui Telsizler) à Ulus, puis à la Présidence de la République, de là à Cebeci, puis de nouveau à Ulus (Ankara Palas) avec une annexe à Sıhhıye. Ce n’est qu’en 1937, dans le cadre de la Loi 3222, que la radio publique prend forme avec son transfert aux PTT et la construction d’un immeuble pourvu des installations adéquates à Ankara (l’actuel immeuble d’Ankara Radyoevi, 9, bld Atatürk, Opera). En 1940, la radio se trouve rattachée à la Direction de la Presse. Alors que la radio d’Istanbul réapparaît en 1949, la Municipalité d’Izmir crée sa propre diffusion cette même année, radio qui se verra rattachée à la radio publique en 1953. En 1961, les émetteurs d’Ankara, Istanbul, Izmir, Adana, Antalya, Gaziantep, Kars et Van, permettent de couvrir la majeure partie du territoire turc. En 1964, l’établissement public TRT prendra possession de ces émetteurs auxquels se sont entre temps ajoutés Erzurum, Diyarbakır et Iskenderun. La radio turque est une radio publique, liée à l’Etat, formellement depuis 1937, mais de fait depuis le départ lorsque l’on se rappelle les personnalités des fondateurs (Celal Bayar, Mahmut Soydan, Cemal Hüsnü Taray, Fatih R. Atay et Sedat N. Đleri). Les missions que se réservent la radio sont l’information – politique évidemment, mais aussi économique ou éducative, avec les campagnes d’alphabétisation des adultes avec le nouvel alphabet latin ( Millet Mektepleri ) en 1928-1929 –, la diffusion de la culture turque et occidentale (place importante laissée à la musique classique européenne), musique, théâtre… La Loi 3222 de 1937 établit un monopole étatique ( Đnhisar ) qui précise que toute installation ou émission radiophonique, sur territoire turc, à partir de navires ou aéronefs turcs, sont soumises à 2 Selon la presse de l’époque, les dates du 5 ou 6 sont retenues. La Fédération Mondiale de la Radio (Paris) retient le 4 mars 1927 comme date officielle de début des émissions turques (Yurt, Türkiye Genel, 1982-84 : 8988). 3 contrôles et autorisation du ministère de l’Information ( Nafia Vekâleti ). Seuls les établissements scolaires et universitaires peuvent, sur autorisations des ministères de l’Education ( Maarif Vekâleti ) et de l’Information, installer et diffuser des ondes radiophoniques. De fait, nous rappelle Aysel Aziz (1971), ce monopole – repris par la Constitution de 1961, art. 121 et art. 35 de la Loi 359 relative à la création de l’Etablissement Public TRT – n’est pas aussi strict ; un certain nombre de radios locales, liées généralement au secteur public (ministères, universités, entreprises nationalisées…) fonctionnent en Turquie et préfigurent ce que sera le développement des radios indépendantes bien plus tard. Il s’agit souvent de résultantes d’équilibres politiques passagers. En 1971, date de publication de l’article, la Turquie compte une vingtaine de radios autonomes – si elles dépendent des émetteurs de TRT – ou indépendantes, car possédant leur propre émetteur. Ces radios locales se subdivisent comme suit : • stations exploitées par des établissements publics (hors TRT), • stations exploitées par les Forces Armées, • stations exploitées par des établissements relevant du ministère de l’Education Nationale, • stations exploitées par les Universités, • stations exploitées par des administrations étrangères.
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