l’autre, à l’ouest, le secteur de la vallée du Fier et COMPRENDRE GLIÈRES FÉVRIER / MARS 1944 celle de la Filière. Par la suite d’autres groupes Les événements des premiers mois de 1944 de maquisards, notamment en provenance du liés au Maquis des Glières occupent une nord du département (Vallée Verte, Giffre et place prééminente dans la mémoire Chablais) viennent renforcer ce dispositif, pour collective de la Haute-Savoie. Le Plateau est faire face au harcèlement par les Forces de plus que jamais une icône de la Résistance. l’Ordre du gouvernement de Vichy. Leur nombre Autour de lui se sont développées deux finit par atteindre, au mois de mars, environ 460 légendes contradictoires : d’un côté la légende combattants répartis en quatre compagnies dorée d’un héroïsme à la hauteur de la bataille encadrées par des officiers et des sous-officiers des Thermopyles invoquée par André Malraux issus en majorité du 27ème B.C.A.. Intégrés à ce dans un discours célèbre, et, de l’autre, la petit bataillon de l’Armée Secrète, se trouvent légende noire du sang versé pour rien. Il serait deux groupes de Francs-Tireurs et Partisans qui temps de mettre en lumière la signification ont rejoint le Plateau pour échapper à la réelle de ce qui ne fut pas simplement un drame pression des forces de l’ordre. de plus dans l’histoire sanglante des maquis. Pour comprendre l’enchaînement des LES RAISONS DU RASSEMBLEMENT DES événements, il faut prendre en compte GLIÈRES l’interaction des cinq protagonistes qui se sont affrontés par maquisards interposés : d’un côté, L’histoire des Glières commence véritablement la Résistance locale, la France Libre à le 27 janvier, à Londres. Winston Churchill, Londres et l’état-major britannique, et de reçoit des représentants du général de Gaulle, l’autre, le gouvernement de Vichy et l’armée qui lui a adressé à plusieurs reprises des Allemande. demandes pressantes pour que les Alliés envoient des armes aux maquis français1. L’état- LA MONTÉE AU PLATEAU major britannique n’est guère favorable à l’idée de renforcer ces maquis s’ils ne sont pas placés À l’origine, le 31 janvier 1944, le lieutenant sous le contrôle direct de ses agents. Les Théodose Morel (« Tom »), en sa qualité de Américains y sont nettement opposés. Mais le chef départemental des maquis, donne Premier Ministre britannique, prend la l’ordre aux maquisards de l’Armée Secrète des décision d’armer les maquis des Alpes du vallées de Thônes de monter au Plateau des Nord, donc, en premier lieu, la Haute-Savoie. Glières. Dans les jours suivants d’autres camps En effet le département avait fait l’objet d’une proches rejoignent le Plateau (notamment 58 mission de reconnaissance interalliée à Espagnols). En moins d’une semaine, environ l’automne, concluant à la validité d’un tel projet2. 200 hommes sont aux Glières, organisés L’annonce de cette décision capitale est militairement en deux compagnies. L’une immédiatement transmise à l’Armée Secrète. Le tient, à l’est, les accès de la vallée du Borne, terrain choisi pour les parachutages est déjà 1 Compte-rendu de cette réunion et référence des sources 2 Sur cette mission, voir : Alain Dalotel, Le Maquis des Glières, officielles britanniques dans : Jean-Louis Crémieux-Brilhac, La chapitre 7 “ La Mission Interalliée ”, p.71-83. France Libre, p. 774. Association des Glières Pour la mémoire de la Résistance 1 /6 connu : le Plateau des Glières, utilisé pour un pratique jusqu’à la libération : triste record dont premier largage le 21 mars de l’année les Haut-Savoyards sont les victimes, non précédente. seulement autour du Plateau des Glières et dans les villes (notamment Annecy), mais dans tout le Or, en ce début d’année 1944, où l’aviation alliée département, principalement dans le Chablais n’a pas encore neutralisé la Luftwaffe, les où la Milice fera des ravages dans les rangs de la parachutages ne peuvent se faire Résistance. normalement que de nuit - à la différence de ce qui se fera au mois d’août. Cela veut dire qu’ils DES PARACHUTAGES POUR ARMER LA RÉGION se font obligatoirement pendant la huitaine de nuits où la pleine lune permet aux pilotes de se L’ordre donné par Tom Morel4 de monter au repérer à vue. La première pleine lune Plateau, est parfaitement clair : il s’agit de faire possible est celle du 9 février. Il faut donc face à l’action des forces de police françaises et, monter prendre position sur le Plateau pour cela, réceptionner d’abord les quelques jours avant : c’est ce qui se passe à « parachutages importants » qui doivent partir du 31 janvier. permettre d’armer toute la région (et pas seulement Glières). Il n’a jamais été décidé de LA HAUTE-SAVOIE EN ÉTAT DE SIÈGE constituer un « réduit », même si le capitaine Rosenthal (« Cantinier ») le représentant du Dans le camp opposé, celui de Vichy et de ses service action de la France Libre (le B.C.R.A.) maîtres allemands, ce mois de janvier est aussi semble l’avoir pensé possible au moment où le début d’une vaste offensive contre les maquis Vichy était manifestement mis en échec. de Haute-Savoie. Les autorités allemandes, au début du mois, envoient un véritable C’est dans cette logique que s’inscrit toute la ultimatum au gouvernement de la suite des événements à partir du 1er février. Ce collaboration : Vichy, revendiquant la sont les circonstances qui obligent les responsabilité du maintien de l’ordre sur son maquisards des Glières à tenir le Plateau territoire, devra - selon le vocabulaire des jusqu’au 26 mars. Sur ces cinquante-cinq jours occupants – « nettoyer les nids de (car février cette année-là en comptait 29), ce terroristes » dans les plus brefs délais sinon sont des Français qui, pendant cinquante- l’armée allemande s’en chargera. trois jours, assiègent le Plateau et immobilisent les maquisards jusqu’à l’arrivée Dès la mi-janvier, le gouvernement de Vichy de la 157ème division de la Wehrmacht le 23 prend une série de mesures d’exception qui mars, les contraignant alors à affronter les aboutissent à mettre le département en état de Allemands. siège3. Il envoie des renforts de police (plus de deux mille hommes) avec notamment la Milice LA NEIGE RETARDE LE PARACHUTAGE sous les ordres directs de Darnand, Secrétaire au Maintien de l’Ordre. Il met en Le rôle des forces françaises du Maintien de place une cour martiale permanente et l’Ordre n’aurait pas suffi à lui seul à conduire le nomme un « Intendant de Police » avec tous maquis des Glières à la fin que nous lui les pouvoirs, qui proclame la loi martiale. connaissons. Dans toute tragédie, on voit à Ainsi se multiplient les rafles, les arrestations, les l’œuvre un élément incontrôlable qui détermine emprisonnements et les exécutions. Ce système l’enchaînement fatal des circonstances. On peut d’exception durera officiellement jusqu’au dire que les événements du Plateau se milieu du mois de mai mais se prolongera en déroulent comme une tragédie dans laquelle 3 Voir Michel Germain, Glières Mars 1944, chapitre II “ État de Siège L’opération d’ensemble de Lelong en Haute-Savoie doit être ” ; Jean Truffy, Mémoires du Curé du Maquis des Glières, p. 81, qui terminée le 10-3-44, sinon des forces allemandes interviendront ”. donne le texte du télégramme de la Gestapo au chef régional de la 4 Témoignage de Louis Jourdan, Musée de la Résistance, Morette, sûreté allemande (S.I.P.O.) à Lyon en date du 27 février : “ reproduit par Michel Germain, op.cit. p. 42. Association des Glières Pour la mémoire de la Résistance 2 /6 l’instrument du destin est la neige de cet hiver Maintien de l’Ordre au cours de l’attaque particulièrement rigoureux. Étant donné contre le poste GMR d’Entremont. l’altitude du Plateau (de 1400 à 1800 mètres), cette neige tombe en quantités importantes et LES ALLEMANDS BOMBARDENT LE PLATEAU répétées, du 1er février jusqu’au 16 mars, presque sans interruption, sauf quelques jours Le dimanche 12, le Plateau est bombardé pour au moment de la pleine lune de mars. la première fois par l’aviation allemande. Son intervention indique bien que les Allemands À cause de tempêtes quasi continues, les entrent en action. Leurs avions reviennent à parachutages attendus pour la pleine lune de chaque éclaircie pour détruire février ne peuvent avoir lieu, sauf un largage systématiquement les chalets : le Plateau ne de cinquante-quatre containers dans la nuit du dispose pas d’armes anti-aériennes. 13 au 14 février, c’est-à-dire à l’extrême fin de la lunaison, en profitant d’une « fenêtre météo » de Le soir de ce même jour, au moment où arrive courte durée5. un groupe important de maquisards venus en renfort, la neige se remet à tomber. Pendant À cette date-là, même si les maquisards du plusieurs jours le Plateau reste enfoui sous la Plateau ne le savent pas, il est clair pour leurs couche qui s’épaissit. chefs que Glières doit attendre la pleine lune suivante, celle du 10 mars, pour recevoir les DÉCROCHER OU RESTER ? parachutages annoncés. Donc il faut tenir le Plateau pour éviter que les troupes de Vichy n’en Les responsables départementaux de la prennent le contrôle. Face à ces troupes c’est Résistance réunis à Annecy, le 15 mars6, après relativement facile. Mais que vont faire les une longue confrontation de leurs points de vue Allemands ? Personne ne peut le savoir à ce divergents, estiment à l’unanimité qu’il ne moment-là. saurait être question d’évacuer Glières sans combattre et en abandonnant les armes qui Le capitaine Rosenthal (« Cantinier ») qui assure venaient enfin d’arriver.
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