Les Vacances De M. Hulot

Les Vacances De M. Hulot

Les Vacances de M. Hulot de Jacques Tati FFICHE FILM Fiche technique France - 1953 - 1h36 N. & B. Réalisateur : Jacques Tati Scénario : Jacques Tati, Jacques Lagrange et Henri Marquet Musique : Alain Romance Jacques Tati Interprètes : Résumé Critique Jacques Tati (M. Hulot) Monsieur Hulot va passer quelques On sait que Jacques Tati se promena des Nathalie Pascaud semaines de vacances à l’Hôtel de la Plage années durant avec dans sa poche le scé- dans une petite station de la côte breton- nario de Jour de Fête avant de trouver un Michèle Rolla ne. A l’écart de la foule, du bruit des gares producteur en la personne de Fred Orain. Louis Perrault et des trains, il arrive seul dans sa petite Ce dernier n’eut pas à regretter le courage Valentin Camax teuf-teuf d’un autre âge. Il observe les tou- qu’il montra en l’occasion, et du succès ristes de l’hôtel et essaie de se mêler à financier de l’opération naquirent ces André Dubois eux… Vacances de M. Hulot que nous applau- dissons aujourd’hui. Heureux Tati qui sait se renouveler avec autant d’aisance qu’il met de désinvolture à ignorer les conven- tions établies du spectacle cinématogra- phique, à se tailler une place bien à lui dans la comédie burlesque ! Heureux M. Hulot qui réussit cet exploit de transformer un sinistre petit Trou-sur-Mer quelconque L E F R A N C E 1 D O C U M E N T S en un hâvre de grâce, tout baigné de poé- Sur la route, une voiture ridicule pro- le rituel tient lieu de dogme.(…) tique humour et où nous ne désirons plus gresse, se perd dans le nuage de pous- L’économie de moyens est constante. qu’aller passer nos prochaines vacances ! sière soulevé par un bolide ou fait un Du moins ce que l’on appelle l’économie Les Vacances de M. Hulot est formé écart timide au passage d’un autre et de moyens, c’est-à-dire l'élimination du d’une suite d’épisodes reliés par un lien finit par s’arrêter devant l’hôtel de la superflu, Ia non-insistance, Ie refus des assez lâche, les gags se succédant en cas- Plage. Le conducteur en sort ouvre la effets appuyés et des longs clins d’œil cades à l’intérieur de chaque épisode. Nous porte de l’hôtel et, le vent extérieur au spectateur pour le prévenir qu’il ne avons ainsi le départ en vacances (homé- aidant, déclenche une tempête qui va pas tarder a rire. Mais comme il rit rique, comme dit Barry Fitzgerald), l’arrivée à dérange tous les occupants. Monsieur quand même constamment, ce ne sont l’hôtel (un chef-d’œuvre), la partie de tennis, Hulot vient de faire son entrée dans le pas les moyens de création qui man- le pique-nique (avec la scène, inoubliable, de monde ordonné de petits bourgeois en quent. Simplement on ne les affiche l’enterrement), la promenade à cheval avor- vacances, monde qu’il va traverser le pas. tée. J’en passe, et des meilleurs. On a recon- pas léger décollant du sol, I’itinéraire Le secret est dans une minutieuse pré- nu la construction classique des burlesques, des rectiligne, Ia démarche assurée de celui paration des gags et dans la justesse de Charlot à La Croisière du Navigator et au qui est là pour vivre ses vacances à l’organisation géographique, donc du pleins poumons avec des égards pour cadrage. L’élimination de tout ce qui Mécano de la Générale. Le film de Tati n’est les autres sans s’apercevoir qu’il ne pourrait inutilement l’encombrer rend pas indigne de ces noms illustres, et pour lui cesse de perturber leur belle ordonnan- l’image directement lisible. Alors Hulot trouver des ancêtres dans la production françai- ce si propre à satisfaire le capitaine en peut se contenter de regards rapides, de se, laquelle manifeste un déplorable pen- retraite. On ne le lui pardonnera pas. gestes esquissés pour que son combat chant à tomber, dès qu’elle se veut comique, Sauf quelques individus dont il s’est avec la guimauve soit évident. Pas dans les pires branquignolades, il faudrait attiré la sympathie : prisonniers des besoin d’encombrer le montage par une remonter jusqu’au grand Max Linder. contraintes sociales ou familiales, mais lourde succession de gros plans. Tout, Un caractère de l’art comique de Tati favori- gardant un regard amusé sur leur envi- ou presque, se passe en plans moyens, se le rapprochement avec celui des bur- ronnement, ils lui seront reconnaissants si efficaces que personne ne s’étonnera lesques de la grande époque, c’est son refus d’y avoir apporté quelque fantaisie. Des ultérieurement de voir, par exemple, délibéré du dialogue. Les Vacances de M. enfants, une vieille Anglaise charmante, dans les livres et les revues, Hulot en Hulot est un film muet en ce sens que le un sexagénaire toujours deux mètres gros plan hors de son vasistas.(…) héros ne parle presque jamais et que les derrière son encombrante épouse et qui La force de Tati, nous l’avons déjà vu paroles prononcées par les autres person- jette négligemment les coquillages dans Jour de fête, c’est aussi de ne nages ne forment guère qu’un bruit de fond, qu’elle lui tend, des enfants, une jeune pas tirer systématiquement les effets au même titre que le bruit des vagues défer- fille un peu amoureuse de Hulot (et réci- comiques à lui. Si Hulot est au centre de lant sur la plage, la cloche de l’hôtel ou le proquement, mais la timidité aidant...). l’action, le monde qu’il traverse existe, disque-rengaine. C’est toute l’intrigue des Vacances de ses personnages ont une épaisseur. Tati adore les leitmotive. Il trouve dans la Monsieur Hulot, réduite, on le voit, à Suffisamment pour que, vingt-quatre répétition (après Chaplin) un de ses plus sa plus simple expression. L’important ans après, nous puissions encore les sûrs moyens de déclencher le rire, et dans se trouve ailleurs dans une accumula- reconnaître sur les plages de l’été, aux l’image leitmotiv le lien qui réunit ses tion de détails en forme de gags qui nuances mode près. Le serveur a sa vie sketches. Aussi son film est-il aussi drôle sont autant de regards sur un groupe propre, il crée le comique. Il lui suffit à la deuxième vision qu’à la première, et déterminé, un certain mode de vie. Ce pour cela de regarder sa montre, de garde-t-il une certaine unité de construc- qui compte, c’est moins ce que fait jeter un œil par-dessus l’épaule d’un tion, que vient renforcer celle - de ton - Hulot que ce qu’il déclenche, ou, plus client, de se planter devant un menu, de que lui donne l’humour très personnel et exactement, son rapport à cet environ- passer une porte à abattant au bruit plein de fraîcheur de Tati. Cet humour, fait nement. Or, tout Hulot est dans le geste, insistant, et lorsqu’il est aux prises avec de poésie autant que d’invention cocasse, et ici essentiel. Hulot marche droit. Il a son les traces énigmatiques de Hulot, il fait préexistant en quelque sorte à chacun des itinéraire loisirs et le parcourt sans hési- jeu égal dans la construction drama- gags du film, a permis à ce dernier de ne pas tation. Le monde extérieur ne l’ébranle tique. La démarche de Tati consiste à prendre cet aspect de mécanique bien hui- pas, ou si peu. Courtois avec tous il ne nous apprendre à découvrir I’humour là lée mais sans chaleur humaine qui limite s’impose pas. Il va sa vie, sans outrager où il est : partout autour de nous ; en des films tels que ceux des Marx ou la morale ni les moeurs. Sans bien se nous aussi. Hulot ne peut donc pas être Hellzappopin. rendre compte, non plus, que le simple l’objet exclusif du film, mais seulement Serge Parmion fait de se comporter naturellement, un catalyseur, quelqu’un qui traverse le Les cahiers du cinéma n°22, Avril 1953 d'être soi, peut offusquer ceux pour qui monde et révèle les faiblesses d’un L E F R A N C E SALLE D'ART ET D'ESSAI CLASSÉE RECHERCHE 8, RUE DE LA VALSE 42100 SAINT-ETIENNE 77.32.76.96 2 RÉPONDEUR : 77.32.71.71 Fax : 77.25.11.83 D O C U M E N T S rituel artificiel. Celui des vacances ici, ve autour des événements et des objets s’en va. d’autres plus tard. cette ambiance de légèreté, de gratuité, Mais il y a le garçon de restaurant qui, Hulot, pas élastique le soulevant à peine de liberté, c’est que l’auteur a «laissé devant les traces sur le sol, a commencé de terre, itinéraire rectiligne et salut faire», tandis qu’Hulot ne sait pas lui- par soupçonner le militaire. Quand celui- courtois, c’est une façon de vivre, de même jusqu’où il ira. (…) ci se met en route, il constate que ce rechercher le contact naturel avec les Tati a poussé du doigt les personnages n’était pas lui. Les mystérieuses traces choses et les êtres, de regarder, de com- et Ies choses de son film, les projetant qui s’évanouissent l’attirent vers le prendre, d’admettre. C’est aussi comme dans le déroulement du temps. L’appari- porte-manteau ; le temps que le garçon cela qu’il faut regarder le film.

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