FFooccuuss ssttrraattééggiiqquuee nn°°1199 ______________________________________________________________________ Soutien santé : le défi afghan ______________________________________________________________________ Aline Lebœuf Février 2010 . Laboratoire de Recherche sur la Défense L’Ifri est, en France, le principal centre indépendant de recherche, d’information et de débat sur les grandes questions internationales. Créé en 1979 par Thierry de Montbrial, l’Ifri est une association reconnue d’utilité publique (loi de 1901). Il n’est soumis à aucune tutelle administrative, définit librement ses activités et publie régulièrement ses travaux. L’Ifri associe, au travers de ses études et de ses débats, dans une démarche interdisciplinaire, décideurs politiques et experts à l’échelle internationale. Avec son antenne de Bruxelles (Ifri-Bruxelles), l’Ifri s’impose comme un des rares think tanks français à se positionner au cœur même du débat européen. Les opinions exprimées dans ce texte n’engagent que la responsabilité de l’auteur. ISBN : 978-2-86592-676-3 © Ifri – 2010 – Tous droits réservés Toute demande d’information, de reproduction ou de diffusion peut être adressée à [email protected] Ifri Ifri-Bruxelles 27 rue de la Procession Rue Marie-Thérèse, 21 75740 Paris Cedex 15 – FRANCE 1000 – Bruxelles – BELGIQUE Tel : +33 (0)1 40 61 60 00 Tel : +32 (0)2 238 51 10 Fax : +33 (0)1 40 61 60 60 Fax : +32 (0)2 238 51 15 Email : [email protected] Email : [email protected] Site Internet : www.ifri.org « Focus Stratégique » Les questions de sécurité exigent désormais une approche intégrée, qui prenne en compte à la fois les aspects régionaux et globaux, les dynamiques technologiques et militaires mais aussi médiatiques et humaines, ou encore la dimension nouvelle acquise par le terrorisme ou la stabilisation post-conflit. Dans cette perspective, le Centre des études de sécurité se propose, par la collection « Focus stratégique », d’éclairer par des perspectives renouvelées toutes les problématiques actuelles de la sécurité. Associant les chercheurs du centre des études de sécurité de l’Ifri et des experts extérieurs, « Focus stratégique » fait alterner travaux généralistes et analyses plus spécialisées, réalisées en particulier par l’équipe du Laboratoire de Recherche sur la Défense (LRD). L’auteur Aline Leboeuf est chercheur au LRD et responsable du programme santé et environnement de l’Ifri. Le comité de rédaction Rédacteur en chef : Etienne de Durand Rédacteur en chef adjoint : Marc Hecker Assistante d’édition : Caroline Aurelle Comment citer cet article Aline Leboeuf, « Soutien santé : le défi afghan », Focus stratégique, n° 19, février 2010. Cette version a été mise à jour le 9 juin 2010. Sommaire Introduction _____________________________________________ 5 Le défi afghan ____________________________________________ 7 Expérience de la guerre et réforme des SSA ____________ 7 Les SSA à l’épreuve de la guerre asymétrique __________ 8 Les nouveaux « troubles du vent du boulet » __________ 12 L’absence de protection spécifique pour le SSA _______ 13 Uzbin, un rôle catalyseur ___________________________ 15 Les réformes ___________________________________________ 17 Renforcer la médicalisation de l’avant ________________ 17 Prévention et prise en charge des blessures psychiques __________________________ 23 L’enjeu clef des ressources humaines ______________________ 29 Conclusion et perspectives _______________________________ 33 Références _____________________________________________ 35 Introduction « On doit s’adapter, sans cesse, sans cesse. »1 « Le principal problème de la médecine militaire est que nous avons vécu de nombreuses décennies de paix où nous avons fait moins de progrès […] que le secteur civil. Cette guerre nous a permis de rattraper notre retard. »2 ares sont ceux qui écrivent ou parlent du Service de santé des Armées R sans insister sur le fait qu’une armée doit être capable de prendre en charge ses combattants blessés3. Comme l’explique le Livre Blanc sur la Défense et la sécurité nationale : « Les pertes subies par un contingent sur un théâtre exercent une profonde influence sur la perception que la nation se fait de l’opération. Un pic brutal de pertes ou un flux continu peuvent avoir des conséquences stratégiques. Protéger les forces est donc non seulement un impératif humain, mais aussi une nécessité stratégique – pour préserver l’adhésion –, et tactique – pour assurer le succès. […] Le soutien santé […] est d’abord et avant tout une obligation morale que l’Etat assume vis-à-vis de ses ressortissants, surtout lorsqu’ils sont confrontés à un risque accru. »4 Malgré cet impératif, connu depuis l’époque romaine5, les services de santé des armées se sont avant tout développés et renforcés au cours des guerres, depuis la fin du XVIIIème siècle, surtout dès lors que lesdites guerres étaient médiatisées, ce qui mettait en lumière les lacunes du Nous souhaitons remercier toutes les personnes qui ont accepté de nous accorder un entretien dans le cadre de cette étude, et tout particulièrement S. et T. qui ont accepté de critiquer la version intermédiaire de cet article. Leurs remarques nous ont été fort utiles. 1 Entretien avec V, Service de santé des Armées, mars 2009. 2 Peter Rhee, John Holcomb, Donald Jenkins, « Modern Combat Casualty Care », in David V. Feliciano, Kenneth L. Mattox, Ernest E. Moore, Trauma, New York, McGraw- Hill, 2008 (6ème édition), p. 1134. 3 M.C.M. Bricknell, N. Hanhart, « Stability operations and the implications for military health services support », JR Army Med Corps, vol. 153, n° 1, p. 19. Egalement souligné à plusieurs reprises lors de nos entretiens. 4 Défense et sécurité nationale. Le Livre blanc, Paris, Odile Jacob, La Documentation française, 2008, pp. 218 et 201. 5 « Roman generals and emperors realized that a soldier who knew his wounds would be looked after was more likely to fight ». Jack E. McCallum, Military Medicine. From Ancient Times to the 21st Century, Santa Barbara, ABC-CLIO, 2008, p. xv. A. Lebœuf / Soutien santé : le défi afghan soutien santé. Cette dynamique se poursuit aujourd’hui avec l’Irak pour les Etats-Unis et l’Afghanistan pour les pays de l’OTAN. Le chef d’état-major des Armées, le général Jean–Louis Georgelin, a insisté à plusieurs reprises, dans ses discours, sur le « durcissement »6 des conflits. Des opérations extérieures comme l’Afghanistan mettent à rude épreuve toutes les armées qui y combattent parce qu’elles exigent de mobiliser bien plus de ressources et de savoir-faire, et qu’elles requièrent plus d’innovations sur la durée que les conflits des années 1990. Cette remise en cause – les moyens et les capacités mobilisées suffisent-ils ? – touche également les services de santé des armées, qui sont confrontés eux-aussi au « durcissement » du conflit afghan. Ils doivent s’assurer que l’intervalle qui sépare la blessure de la prise en charge voire du rapatriement dans les pays de l’OTAN est réduit au maximum, garantir les meilleurs soins possibles et déployer la chaîne médicale permettant le traitement le plus rapide et le plus efficace. Pour la France, notamment en raison du rôle catalyseur joué par l’attaque d’Uzbin du 18 août 2008, l’Afghanistan a favorisé la mise en place de réformes et conforté celles déjà engagées. A l’instar de guerres antérieures, l’Afghanistan interroge voire met au défi les services de santé des armées (par exemple en les confrontant à un type particulier de blessure, ou à de nouveaux « troubles du vent du boulet ») et les oblige à se réformer. Ces réformes sont de deux types : d’un côté le renforcement de la médicalisation à l’avant cherche à améliorer le traitement des blessés physiques, de l’autre on constate une meilleure prévention et prise en charge des blessures psychiques, notamment les stress post-traumatiques. Toutefois, ces changements ne suffisent pas à résoudre les difficultés plus structurelles posées par un cadre d’intervention aussi contraignant que l’Afghanistan : le problème des ressources humaines risque en effet de se poser de façon croissante dans tous les services de santé des armées de l’OTAN. Le Service de santé des Armées (SSA). Créé en 1708 par Louis XIV, le Service de santé des Armées est un service interarmées7. Il remplit une mission duale : concourir au service public hospitalier et assurer le soutien santé des forces armées. A ce titre, sa principale mission consiste à soutenir les opérations extérieures, mais il assure également des missions de prévention et de soin des forces non projetées. Il dispose d’environ 2 600 lits dans 9 hôpitaux militaires en métropole. Il est chargé également de missions spécifiques comme la prise en charge des blessés en ambiance nucléaire, radiologique, biologique et chimique (NRBC). Son plafond d’emplois autorisés en 2009 était de 15 992 équivalents temps plein, dont deux tiers de militaires pour un budget de 1,8 milliard d’euros8. 6 Commission de la défense nationale et des forces armées, Audition du Général d’armée Jean–Louis Georgelin, chef d’état–major des armées, sur le projet de loi de finances pour 2009, Mercredi 8 octobre 2008, Compte rendu n° 7, http://www.assemblee.tv/13/cr-cdef/08-09/c0809007.asp, consulté le 25 janvier 2010. 7 « Le Service de santé des armées », www.freresdarmes.org/pdf/6.pdf, consulté le 25 janvier 2010. 8 Sénat, Projet de loi de finances pour 2010 : Défense, « VI. Le Service de santé des Armées », http://www.senat.fr/rap/l09-101-3-8/l09-101-3-844.html, consulté le 26 janvier 2010. - 6 - Le défi afghan e sont les guerres et surtout leur médiatisation qui ont suscité des Cinnovations permettant d’améliorer la prise en charge médicale des combattants depuis deux siècles. Après une période de paix relative depuis la fin des guerres de décolonisation et du Vietnam, les guerres d’Irak puis d’Afghanistan ont imposé aux services de santé des armées occidentales une remise en question et des réformes que le Liban, la Somalie ou la Bosnie n’avaient pas suffi à entraîner, malgré les traumatismes que ces opérations avaient pu causer.
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