Magnolia Orageux En Fin De Journée Magnolia, États-Unis, 1999, 188 Minutes Claire Valade

Magnolia Orageux En Fin De Journée Magnolia, États-Unis, 1999, 188 Minutes Claire Valade

Document généré le 26 sept. 2021 21:00 Séquences La revue de cinéma Magnolia Orageux en fin de journée Magnolia, États-Unis, 1999, 188 minutes Claire Valade Il était une fois… Sergio Leone Numéro 207, mars–avril 2000 URI : https://id.erudit.org/iderudit/48893ac Aller au sommaire du numéro Éditeur(s) La revue Séquences Inc. ISSN 0037-2412 (imprimé) 1923-5100 (numérique) Découvrir la revue Citer ce compte rendu Valade, C. (2000). Compte rendu de [Magnolia : orageux en fin de journée / Magnolia, États-Unis, 1999, 188 minutes]. Séquences, (207), 34–35. Tous droits réservés © La revue Séquences Inc., 2000 Ce document est protégé par la loi sur le droit d’auteur. L’utilisation des services d’Érudit (y compris la reproduction) est assujettie à sa politique d’utilisation que vous pouvez consulter en ligne. https://apropos.erudit.org/fr/usagers/politique-dutilisation/ Cet article est diffusé et préservé par Érudit. Érudit est un consortium interuniversitaire sans but lucratif composé de l’Université de Montréal, l’Université Laval et l’Université du Québec à Montréal. Il a pour mission la promotion et la valorisation de la recherche. https://www.erudit.org/fr/ LES FILMS CRITIQUES an Fernando Valley, en Californie. Une journée dans la vie de explorés tels que la mort, le malheur, le hasard et le destin, le sort Sneuf personnages apparemment disparates en quête de de la plupart des personnages ne laisse aucun doute dès le début du rédemption : un producteur célèbre sur son lit de mort, sa jeune film), Magnolia est toutefois beaucoup plus proche du roman. Bâti femme éperdue, un gourou de la croissance personnelle prêchant les sur une structure romanesque absolument exemplaire, le film vertus du machisme, un animateur de quiz atteint du cancer, un prend soin d'établir le ton dès le départ et de présenter chacun des jeune génie négligé par son père, un ancien prodige vivant sur les éléments et des personnages au sein de l'univers qui leur est pro­ vestiges de sa gloire passée, un officier de police ordinaire, une pre, pour ensuite s'ouvrir et révéler ses secrets couche par couche, jeune cocaïnomane au bout du rouleau. Tous ont des comptes à comme on tourne les pages d'un livre lentement, avec délectation et régler avec eux-mêmes, avec leur passé et leur proches, avec la vie. émotion. La montée dramatique ainsi créée entraîne le spectateur- Au cœur du maelstrom, le neuvième personnage, Phil Parma, l'in­ lecteur à la découverte de la nature profonde du réseau de liens firmier du producteur : invisibles tissés entre cha­ unique personnage totale­ cun de ces éléments à la ment transparent, sans MAGNOLIA dérive, jusqu'à une ca­ bagages et sans attente per­ Orageux en fin de journée tharsis commune, qu'ils sonnelle, comme un écran partagent symboliquement, blanc simplement réceptif unis à travers un événe­ aux événements qui se ment météorologique inex­ dérouleront autour de lui, pliqué et complètement Phil permet au spectateur absurde qui permet enfin à de pénétrer cet univers clos, tous les masques de tomber. de s'ouvrir à la quête des Au delà de la solitude des personnages et de les personnages, des regrets accompagner jusqu'au bout qui les rongent, du pardon du chemin. Mais la rédemp­ qu'ils cherchent à obtenir, tion n'est pas pour tout le les lois qui régissent l'univers monde et, si la plupart ont ultimement autant d'in­ trouveront au moins une fluence sur les êtres humains délivrance, l'essentiel con­ que sur l'espace et le temps siste à boucler la boucle qu'ils occupent. d'un cycle de vie, avant de Les choix artistiques s'engager vers un autre, contribuent à créer une quel qu'il soit. atmosphère fragile et déli­ Souvent comparé aux cate, oscillant entre la films de Robert Altman à comédie humaine et le cause de la complexité de sa drame psychologique, sans structure narrative et du La catharsis qui permet aux masques de tomber jamais tomber ni d'un côté nombre de destinées qui s'y entrecroisent, Magnolia, qui com­ ni de l'autre. Portés par des comédiens exceptionnels, tout parti­ porte effectivement un certain air de famille avec Short Cuts, est culièrement Philip Seymour Hoffman, Julianne Moore, William cependant une œuvre extrêmement personnelle, dont l'essence H. Macy, John C. Reilly et une révélation, le jeune Jeremy même est fondamentalement différente de celle de l'œuvre Blackman dans le rôle de Stanley l'enfant-prodige, sans oublier d'Altman. En effet, bien qu'Altman et Paul Thomas Anderson, Tom Cruise dans un étonnant contre-emploi très médiatisé, le scé­ l'auteur de Magnolia, s'attachent tous deux à décrire un sujet (une nario et les dialogues atteignent un niveau de rigueur et de vérité journée passée dans le grand Los Angeles) et des thèmes similaires incroyablement poignant. L'utilisation de couleurs chaudes et de (la solitude, l'isolement, le besoin d'amour), là où Altman choisit jeux d'ombres pour illustrer les intérieurs et de couleurs froides, l'attaque frontale et une dérision mordante, Anderson choisit une d'une lumière crue et bleutée pour illustrer le monde de la télévi­ approche plus subtile issue du réalisme poétique ainsi qu'un sion, marque bien le contraste entre les deux univers, mais humour doux-amer doublé d'un sens de l'absurde qui donnent au accentue aussi le réalisme du portrait d'époque brossé ici à la film une sensibilité, une humanité et une fluidité le situant à un manière d'une fresque historique contemporaine. La musique est tout autre niveau stylistique que celui, corrosif, d'Altman. d'une telle justesse, des chansons d'Aimée Mann aux compositions Malgré l'utilisation de certains méchanismes inspirés des instrumentales originales de Jon Brion, que, loin de devenir règles de la tragédie (entre autres, de par la nature des thèmes envahissante et agaçante comme cela aurait pu être le cas, elle porte SÉQUENCES 207 mars/avril 2000 CRITIQUES LES FI au contraire le film à bout de bras, liant chacune des scènes et, par Paul Thomas Anderson1 entre définitivement dans la cour des la même occasion, l'évolution des personnages en une grande grands. Magique et lumineux, Magnolia est indéniablement une montée lyrique qui rassemble toute l'émotion du film. œuvre majeure. Qu'y a-t-il de si incroyablement fascinant dans le spectacle de Claire Valade la condition humaine ? Sans avoir la prétention d'offrir une réponse nette et définitive à une question aussi intangible et insai­ 1 Par un de ces merveilleux et mystérieux tour du destin, il semble sissable, Magnolia propose à tout le moins un constat personnel, qu Anderson était tout simplement destiné à réaliser un film aussi ancré dans l'air du temps : il entrait dans la trentaine le 1er janvier 2000... humaniste, philosophique et même, d'une certaine manière, méta­ physique sur l'état du monde actuel, un monde à cheval entre la fin d'un siècle qui a vu l'évolution de la culture et de la société accélé­ États-Unis 1999, 188 minutes- Real. : Paul Thomas Anderson -Seen. : Paul Thomas Anderson rer à une vitesse jamais égalée jusqu'alors dans l'histoire de l'hu­ — Photo : Robert Elswit — Mont. : Dylan Tiehenor - Mus. : Jon Brion, Aimée Mann — Son : manité et le début fébrile d'un nouveau millénaire rempli de Richard King, John Pritchett - Eff. spec. : Lou Carlucci, Joseph Grossberg, Joe Leterri - Dec. : William Arnold, Mark Bridges - Cost. : Mark Bridges - Int. : Jeremy Blackman (Stanley Spector), promesses mais aussi d'inconnues à la fois excitantes et volatiles. Le Philip Baker Hall (Jimmy Gator), John C. Reilly (le policier Jim Kurring), Julianne Moore (Linda résultat est un film profondément intelligent, émouvant et trou­ Partridge), Tom Cruise (Frank Mackey), Philip Seymour Hoffman (Phil Parma), William H. Macy (Donnie Smith), Melora Walters (Claudia Gator), Jason Robards (Earl Partridge), Ricky Jay (le nar­ blant, choquant même. Qu'on aime ou qu'on déteste, Magnolia ne rateur/le producteur du quiz), Henry Gibson (Thurston Howell) — Prod. : Paul Thomas Anderson, laisse personne indifférent. Avec ce troisième long métrage, après Joanne Sellar - Dist. : Alliance Atlantis Vivafilm. l'intéressant Hard Eight, mais surtout le très réussi Boogie Nights, MOLOCH Le pardon ans la brume, une arcade de pierre massive. Apparaît une D petite femme blonde bien proportionnée, musclée et agile. Elle fait des pirouettes. Deux hommes l'observent à travers la lunette de leur fusil. Cette femme est Eva Braun, la maîtresse d'Hitler, et le lieu, la retraite privée du Fùhrer, le nid d'aigle qu'il a fait construire près de Berchtesgaden. Reléguée par Hitler (Moloch, la divinité monstrueuse à qui on offrait des sacrifices humains) au strict domaine de sa vie privée réservé à ses rares intimes, Eva Braun demeure au yeux de l'Histoire un personnage secondaire, obscur et sans importance dans la tragédie que l'humanité a connue entre 1933 et 1945. Cette Eva qui n'a rien d'une Evita est portée par Aleksandr Sokourov et ses scénaristes, au centre de l'histoire de Moloch. La raison paraît Une étrange complicité simple : cette femme a profondément et fidèlement aimé un s'ajuste. La journée s'écoule paisiblement : thé, promenade, pro­ homme qu'elle appelait Adi et que nous appelions Adolf Hider. jection de films, dîner, coucher, départ. Eva, à laquelle Adi ne prête Elle l'a aimé, nous dit l'Histoire, bien avant sa monstrueuse ascen­ aucune attention en public, essaie, en privé, de le sortir de son sion et jusqu'à la mort qu'ils se donnent ensemble alors que les délire hypocondriaque, d'attirer son attention, de le séduire, d'en­ Russes sont aux portes de Berlin.

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