ASIE OBSERVATOIRE POUR LA PROTECTION DES DÉFENSEURS DES DROITS DE L'HOMME RAPPORT ANNUEL 2011 367 ANALYSE RÉGIONALE ASIE OBSERVATOIRE POUR LA PROTECTION DES DÉFENSEURS DES DROITS DE L'HOMME RAPPORT ANNUEL 2011 En 2010-2011, les élections qui se sont déroulées dans plusieurs pays de la région Asie ont souvent été accompagnées de vastes fraudes et d’irrégu- larités, avec un renforcement des restrictions pesant sur les libertés d’ex- pression et de réunion, tandis que les Gouvernements ont muselé encore davantage l’opposition et les voix dissidentes (Afghanistan, Bangladesh, Birmanie, Malaisie, Philippines, Sri Lanka, Viet Nam). En Birmanie en particulier, les premières élections nationales tenues depuis 20 ans, en novembre 2010, se sont avérées ni libres ni équitables, ayant été entachées d’une série d’irrégularités et de restrictions draconiennes sur la liberté d’as- sociation et de la presse. Bien que l’année 2010 ait aussi été marquée par la libération historique après les élections de l’assignation à domicile de la cheffe de l’opposition, Mme Daw Aung San Suu Kyi, la Birmanie attend toujours une amnistie générale, plus de 2 000 prisonniers politiques étant maintenus en détention. Une sécurité publique inadéquate et l’absence d’un climat propice aux défenseurs des droits de l’Homme ont pesé de manière significative sur le travail des militants dans toute la région (Afghanistan, Inde, Népal, Pakistan, Philippines, Sri Lanka, Thaïlande), notamment dans les zones échappant en partie à l’autorité gouvernementale, telles que les régions méridionales du Terai au Népal, les trois provinces frontalières au sud de la Thaïlande, le Baloutchistan, les zones tribales sous administration fédérale (Federally Administered Tribal Areas - FATA) et la province de la frontière du nord-ouest (North West Frontier Province - NWFP) au Pakistan, les zones contrôlées par les Talibans en Afghanistan, le nord du Sri Lanka et les Etats de l’Inde où le Gouvernement devait lutter contre l’insurrection naxalite (maoïste) et au Manipur, Jammu et au Cachemire, où les exécutions extrajudiciaires, les disparitions forcées et autres formes de violence se sont poursuivies, restant souvent impunies. Dans un tel contexte, plusieurs Etats de la région ont continué d’utiliser le prétexte de l’instabilité politique et la sécurité nationale pour accroître leur main- mise sur les libertés fondamentales, notamment par des lois sécuritaires ou d’urgence (Inde, Philippines, Sri Lanka, Thaïlande). En Thaïlande, par exemple, dans le contexte de la répression des manifestations antigouver- 368 nementales du mouvement dit des “chemises rouges”, le Décret d’urgence RAPPORT ANNUEL 2011 sur l’administration publique en situation d’urgence (2005) a donné aux autorités des pouvoirs étendus en matière d’interrogation arbitraire, de détention sans charges et de censure. Les violations passées et présentes des droits de l’Homme, notamment les actes de torture, les mauvais traitements et les exécutions extrajudiciaires, sont comme par le passé restées impunies en 2010-2011 (Bangladesh, Indonésie, Népal, Pakistan, Philippines, Sri Lanka), tandis qu’au cours de cette période, la confiance de la population dans la justice a continué de s’éroder dans la plupart des pays d’Asie (Cambodge, Iran, Malaisie, Viet Nam). La corruption et l’ingérence politique, la vente d’informations, les pots-de-vin et les extorsions ont affecté le fonctionnement des organismes judiciaires, restés vulnérables aux influences extérieures, et ont continué d’être utilisés comme instruments de répression. En même temps, les pauvres et les marginalisés, notamment les victimes de litiges concernant la terre, avaient toujours des difficultés à obtenir justice auprès des tribunaux. La liberté d’opinion et d’expression n’a cessé de faire face à des restric- tions croissantes en 2010-2011, tandis que la tolérance envers les voix et opinions dissidentes a diminué. De lourdes restrictions ont continué de peser sur l’accès à l’information. Les attaques et les actes de harcèlement visant les journalistes, la fermeture de journaux et de chaînes de télévision et les contraintes qui leur ont été imposés, le filtrage du contenu d’Internet et les fermetures de sites sont restés répandus (Bangladesh, Chine, Iran, Laos, Malaisie, Népal, République populaire démocratique de Corée, Sri Lanka, Thaïlande, Viet Nam). Les révolutions au Moyen-Orient et en Afrique du nord ont également eu un impact sur l’environnement profes- sionnel des défenseurs des droits de l’Homme, dans la mesure où elles ont entraîné de nouvelles restrictions sur Internet, ainsi que sur l’utilisation des E SI téléphones portables et des réseaux sociaux comme Facebook et Twitter. A En outre, les réactions des autorités à la moindre velléité de défendre ou de promouvoir les droits de l’Homme ont été extrêmement vives (Chine, Iran). La Commission intergouvernementale sur les droits de l’Homme (ASEAN Intergovernmental Commission on Human Rights - AICHR) de l’Association des nations d’Asie du sud-est (Association of Southeast Asian Nations - ASEAN) a tenu sa réunion inaugurale à Jakarta (Indonésie), du 28 mars au 1er avril 2010. Lors de sa première réunion, la Commission a confirmé qu’elle n’était pas en mesure d’examiner des plaintes individuelles de violations des droits de l’Homme, car elle devait d’abord adopter son règlement intérieur pour déterminer la procédure d’examen de ces plaintes. Au cours de ses trois réunions en 2010, la Commission ne s’est penchée que sur des questions procédurales, et ce n’est que lors de sa quatrième 369 OBSERVATOIRE POUR LA PROTECTION DES DÉFENSEURS DES DROITS DE L ' HOMME réunion, en février 2011, qu’elle a adopté les Directives opérationnelles (Guidelines of Operations) de l’AICHR. Fin avril 2011, ces Directives et le relevé complet des décisions et accords intervenus au cours de la réunion n’avaient pas encore été publiés. Bien que selon son mandat la Commission doit “développer des stratégies pour la promotion et la protection des droits de l’Homme et des libertés fondamentales1 pour compléter la construction de la communauté ASEAN” , cet organisme n’a pas interprété cette dispo- sition comme allant jusqu’à lui permettre d’examiner des cas individuels de violations des droits de l’Homme. En outre, la présidence de l’ASEAN et de son nouveau mécanisme des droits de l’Homme assurée en 2010 par le Viet Nam n’a pas eu d’effet positif tangible sur la situation intérieure des droits de l’Homme dans ce pays. Au contraire, il semblerait qu’il y aurait eu davantage de violations des droits et libertés fondamentales au cours de cette période. Le fait de décerner en 2010 le Prix Nobel de la paix au défenseur chinois M. Liu Xiaobo a renforcé la reconnaissance des défenseurs des droits de l’Homme et leur a donné un nouvel espoir et un nouvel élan, non seulement en Chine, mais dans toute l’Asie. Pourtant, le fait qu’il ait été empêché de se rendre à la cérémonie car il purge une peine de prison de onze ans et que les autorités chinoises aient censuré toutes les informations relatives au Prix, a mis encore davantage en lumière le sort que continuent de subir les défenseurs des droits de l’Homme, les violations de leurs droits restant très nombreuses en 2010-2011. En effet, alors que ce sont les Etats qui ont en premier lieu la responsabilité de protéger les défenseurs des droits de l’Homme et de poursuivre les auteurs de violations à leur encontre, ils ont encore manqué à leurs devoirs en la matière dans la plupart des pays de la région. Stigmatisation et utilisation de la législation pour imposer des restrictions aux activités de défense des droits de l’Homme et sur l’environnement dans lequel travaillent les défenseurs En 2010-2011, à travers toute la région, les Gouvernements ont continué d’avoir recours aux méthodes législatives pour restreindre encore davantage les activités de défense des droits de l’Homme et l’espace disponible pour les défenseurs (Bangladesh, Cambodge, Chine, Indonésie, Iran, Pakistan, Thaïlande, Viet Nam). Les libertés d’association et d’expression sont restés sévèrement entravées. Au Cambodge, l’adoption de textes de loi flous et restrictifs a suscité de nouvelles préoccupations, car certaines des 1 / Cf. termes de référence de la Commission intergouvernementale sur les droits de l’Homme de l’ASEAN, 370 Jakarta, octobre 2009. Traduction non officielle. RAPPORT ANNUEL 2011 dispositions de ces lois et projets de loi ouvrent la voie à une intensification du harcèlement administratif et judiciaire arbitraire des défenseurs des droits de l’Homme. En Chine, les amendements à la Loi sur la protection des secrets d’Etat, qui sont entrés en vigueur en octobre 2010, permettent encore que pratiquement n’importe quelle information puisse être consi- dérée comme secret d’Etat. En Iran, des dispositions au libellé flou et des considérations de sécurité nationale ont souvent été invoquées pour brider les activités de défense des droits de l’Homme. Des dispositions sur la diffamation, l’incitation et les lois sur le blasphème ont continué d’être invoquées au Cambodge, en Indonésie, en Iran, au Pakistan et en Thaïlande afin de museler toute critique envers le Gouvernement ou les autorités locales. Des lois d’urgence et sécuritaires, parfois en vigueur depuis des décennies, ont encore été utilisées par plusieurs Gouvernements d’Asie pour restreindre les activités des défenseurs des droits de l’Homme et pour les poursuivre pour divers motifs d’ordre criminel (Inde, Malaisie, Sri Lanka, Thaïlande). Le droit au rassemblement pacifique a continué d’être restreint dans un certain nombre de pays d’Asie (Bangladesh, Cambodge, Chine, Malaisie, Thaïlande, Viet Nam) tout au long de 2010 et début 2011, par le biais d’une législation encore plus restrictive et par le refus des autorités de délivrer des licences, parfois en violation des lois en vigueur.
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