Université Toulouse II – Jean Jaurès UFR Sciences humaines et sociales Département d’histoire « Les caféières les plus belles de l’Ituri » Café, colons et planteurs : histoire de la société Plantations du Congo Oriental (1910 ─ 1943) Dessin 1: Premières floraisons. 1929 Mémoire de M2 Histoire et civilisations moderne et contemporaine Sous la direction de Sophie DULUCQ et Sylvie Vabre Stéphanie DELMOTTE 1 2 Remerciements Ma gratitude à toutes les personnes rencontrées autour de cette histoire. Particulièrement : Jacques Frémeaux, à l’origine de ce travail, pour la dimension humaine que recèlent ces témoignages Sophie Dulucq et sa patience pour la néophyte en histoire que j’étais Sylvie Vabre qui a accepté de suivre cette étude Ma sœur Brigitte, infatigable dans le recueil de la mémoire familiale Ma belle-sœur Béatrice, sans qui je n’aurais pu scanner les archives Les archivistes de l’université catholique de Louvain : Françoise Mirguet, Caroline Derauw, Françoise Hiraux et tous les agents des archives, professionnels, aimables et terriblement efficaces Hommages À mon grand-père, cet aventurier de génie À ma grand-mère et ma mère, laissées en marge de l’histoire À mon père, industrieux et noble Illustration de la page de titre : Premières floraisons, Collignon dans les caféières, 1929 3 TABLE DES ABRÉVIATIONS ARSOM Académie Royale des Sciences d’Outre-Mer AIMO Affaires Indigènes et Main-d’Oeuvre ARCA Archives Africaines SPF Affaires étrangères, Bruxelles ARCF Archives familiales ARCG Archives Générales du Royaume, Bruxelles ARCJ Archives SPF Justice, Bruxelles ARCT Archives de la ville de Tournai ARCV Archives de l’Université Catholique de Louvain BACB Bulletin Agricole du Congo Belge BOCB Bulletin Officiel du Congo Belge EIC État Indépendant du Congo INEAC Institut national pour l’étude agronomique du Congo belge KBR Bibliothèque Royale de Belgique MB Moniteur belge MOI Main-d’Oeuvre Indigène, terme utilisé par l’administration MRAC Musée Royal de l’Afrique Centrale, Tervuren (1960- ) MRCB Musée Royal du Congo Belge, Tervuren (1898 – 1960) SPF Affaires étrangères Service public fédéral Affaires Étrangères SPF Justice Service public fédéral Justice UCL Université Catholique de Louvain ULB Université Libre de Bruxelles 4 Introduction Origine et genèse Ce travail est le résultat d’une rencontre et il est fait de rencontres. Ce projet a débuté grâce aux conseils bienveillants du professeur des universités en histoire contemporaine, spécialiste de l'histoire coloniale, Jacques Frémeaux. Croisé lors d’un échange à la bibliothèque de l’École normale supérieure Ulm-LSH où j’étais responsable de l’accueil et réceptionnais des ouvrages sur la colonisation, lorsqu’une conversation à ce sujet débuta. Jacques Frémeaux a insisté alors sur l’importance de recueillir des témoignages sur l’histoire de l’entreprise de Fernand Delmotte au Congo Belge. Il a su me convaincre d’entreprendre ce travail malgré mes réticences et il a su voir toute l’importance d’un travail de mémoire, autant pour une famille que pour les historiens. Cette étude a pu ensuite se concrétiser grâce à Mesdames Sophie Dulucq et Sylvie Vabre, qui ont bien voulu m’accueillir au laboratoire Framespa, et me donner les moyens de traiter ce sujet. Nous nous proposons d'étudier l’histoire d’un colon et d’une entreprise agro- alimentaire, créée en 1926 en Ituri, après avoir mené une carrière comme fonctionnaire. La société Plantations du Congo oriental était située dans la province orientale du Congo Belge, à l’extrême limite des frontières Nord-Est avec l'Ouganda. C’est la région des Monts Bleus, qui s’étendent à environ 2.000 mètres d’altitude, le long de la rive occidentale du lac Albert. On pourra voir en Annexe 1 les zones détaillées de l’Ituri. Illustration 1 : Ogondjo. La plaine d'Iswa. 1933 [Archives familiales « ARCF », Pierre Delmotte, Album bleu, page 18] 5 La société Plantations du Congo Oriental, plus couramment désignée sous le nom de « Planco », a été fondée en 1926, par Fernand Delmotte et a dû déposer le bilan en 1963. Elle s’étalait, à son apogée, sur plusieurs sites : Ogondjo, Mê, Logo, Mahagi-Poste, Niarembe, Mahagi-Port. Elle était constituée de deux plantations de café, de routes carrossables, de quatre maisons d’habitation pour Européens, d’un barrage sur la rivière « Arow » proche, d’une usine alimentée par la force motrice hydraulique, d’un village de travailleurs, d’une école, de bois, de cultures vivrières, d’un élevage de bétail, d’une pêcherie et d’une corderie, de hangars et de claies de séchage pour le poisson, de cinq magasins. Cette entreprise, de petite taille à ses débuts, a ainsi acquis de l'ampleur pour mériter le qualificatif de « moyenne », dans les années 1950, avec une superficie de 1.186 hectares. Illustration 2: Planco. Maisons et champs. 1933 [Archives familiales « ARCF », Pierre Delmotte, Album bleu, page 20] La Planco avait pour but initial la production de café et l’élevage. Elle a développé ces objectifs en créant d'abord les plantations puis le cheptel pour la boucherie ; l'entreprise s'est encore diversifiée par la suite. Par ailleurs, la création d’éléments annexes, comme des magasins offrant des produits de première nécessité et des cultures vivrières, a permis d’avoir des revenus commerciaux pour tenir les premières années, avant la production des caféiers et ensuite équilibrer les budgets les années difficiles. La gestion de la société échappe à la famille Delmotte, avec un premier épisode en 1939 où le directeur est écarté de la gérance, puis après le décès prématuré de son fondateur en 1949. Un administrateur extérieur est nommé et envoyé par le conseil d’administration depuis la Belgique. À la suite des événements inattendus qui ont suivi l'indépendance du pays, octroyée en juin 6 1960 par les autorités belges et à la « dangereuse instabilité du pays »1, le conseil d’administration tente de transformer l’entreprise en « société de droit congolaise » et intègre le fils de Fernand dans le conseil d’administration2. « Pour les planteurs blancs, c’est la "fin des illusions" : les départs précipités de juillet 1960 s’étaient soldés par de nombreux retours quelques semaines plus tard. En 1961, face à la situation catastrophique, l’exode devient massif et il se fait durable » note Guillaume Léonard3. Pierre Delmotte a essayé vainement de sauver la société, en restant courageusement sur place de 1960 à 1963 et il a été finalement contraint à l’abandonner4. Nous allons maintenant expliciter les positions que nous avons adoptées pour raconter l’histoire de cette entreprise. Il nous faut, en effet, déterminer de quelle manière traiter ce sujet car il pose plusieurs problématiques imbriquées les unes dans les autres et se situe au carrefour de plusieurs disciplines. Différents domaines doivent être mobilisés et nous verrons que la teneur des archives elles-mêmes a dicté certains de nos choix. Nous allons donc détailler le cheminement de notre raisonnement de manière à approcher notre sujet. Histoire, mémoire et témoignages Notre position dans ce travail est particulière, car Fernand Delmotte se trouve être notre grand-père. S’il ne nous reste que peu de choses matériellement, après l’indépendance et le chaos qu’elle a entraîné, nous avons cet héritage mémoriel à partager, qui se révèle une grande richesse pour notre fratrie de quatre enfants. 1 VILLERS, G. DE « Du Congo au Zaïre. Épilogue d’une décolonisation » in DUMOULIN Michel, GIJS Anne- Sophie, PLASMAN Pierre-Luc et VAN DE VELDE Christian, Du Congo belge à la République du Congo, 1955- 1965, Bruxelles, Lang, 2012, p. 120. 2 Archives africaines du SPF Justice, Bruxelles, « ARCA », Léopold Génicot, Bilan annuel du 7 octobre 1961, Boîte IS 42, Liasse no.138. 3 VAN SCHUYLENBERGH PATRICIA, LANNEAU CATHERINE et PLASMAN PIERRE-LUC, 2014, L’Afrique belge aux XIXe et XXe siècles: nouvelles recherches et perspectives en histoire coloniale, Bruxelles Bern Berlin [etc., PLang (coll. « Outre-Mers 2 »), 281 p., p. 214 4ARCF, Pierre Delmotte, Album bleu, p. 66. 7 Illustration 3: Dans la plantation. Pollet, Mlle Meessen, Fernand Delmotte. 1933 [ARCF, Pierre Delmotte, Album bleu, page 205] Félix Torrès, historien d’entreprise, pose la question : « Les entreprises ont-elles une mémoire6 ? », qui renvoie à une double interrogation : « Comment les entreprises se souviennent-elles ? » et « Pourquoi les entreprises se souviennent-elles ? ». Il répond en montrant que, dans l’histoire des entreprises, il y a deux dimensions : 1) la reconnaissance d’une dimension historique, une recherche fouillée, des publications diverses et 2) l’aspect mémoriel avec le poids du passé dans les consciences collectives et ses représentations. Il estime qu’il faut donc parler de relations multiples à l’histoire, tant dans le moment présent qu’en arrière dans le temps et que cela peut contribuer à éclairer le faisceau de rapports complexes qui lie toute entreprise à son passé. On ne saurait mieux dire pour éclairer la complexité de notre démarche. Cette mémoire est celle, à la fois, de la société Plantations du Congo oriental et celle de la famille Delmotte. Elle a continué à vivre dans ses descendants, au travers de souvenirs, sous forme de bribes ou de mythologies familiales. Notre place est au croisement de deux mondes antagonistes : la métropole et la brousse, qui ont chacun leur vision des choses. Jean-Luc Vellut a tenté de donner des éléments de ces visions croisées en étudiant des Matériaux d’Europe et d’Afrique pour une image du Blanc en colonie7. Les 5 N.B. On voit l’épouse de J. M. Th. Meessen, auteur de la Monographie de l’Ituri et ami proche de Fernand Delmotte. 6 TORRES Félix, « Les entreprises ont-elles une mémoire ? » in BONDUE Didier, NOUGARET Roger, DELMAS Bruno et FAVIER Jean, L’entreprise et sa mémoire : mélanges en l’honneur de Maurice Hamon, Paris, Presses de l’Université Paris-Sorbonne, 2012, p.105.
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