EQUIPE Xixe

EQUIPE Xixe

<ATTillisible> UNIVERSITE DE LA SORBONNE NOUVELLE (PARIS III) EQUIPE XIXe - GITVH UNIVERSITE PARIS 7 BIBLIOTHEQUE Lettres <Attillisible> 6571 THESE DE DOCTORAT D'ETAT JULES VERNE ET L'IMAGINAIRE SES REPRESENTATIONS ET SES FONCTIONS PRINCIPALES DANS LA PERIODE DE FORMATION DE L'OEUVRE ROMANESQUE (1851 - 1875) TOME I par Jean DELABROY Rapporteur : Monsieur le Professeur FAYOLLE EQUIPE XIXe - GITVH UNIVERSITE PARIS 7 BIBLIOTHEQUE Lettres A ceux qui savent que ce travail leur doit tout, son projet, son existence et ses éventuelles qualités.... et en particulier à <ATTillisible> qui sait tout ce que je lui dois de moi-même, avec mon affection pour nous deux -Ir- AVANT-PROPOS - II - Quelles raisons peuvent expliquer ce qui, rétrospectivement considéré, n'allait pas de soi : qu'un jeune homme ait voulu, en 1970, au sortir de l'Ecole Normale et de l'agrégation, consacrer ses recherches débutantes à l'œuvre de J. Verne, et que cette idée, présentée en son état naissant à Pierre Albouy, ait rencontré aussitôt son assentiment, libéral et généreux ? Il y a là les marques d'un moment et d'un parcours historiques déterminés, dont il n'est pas indifférent de rappeler brièvement la teneur. Il y allait évidemment, c'est-à-dire primordialement, d'une fascination d'adolescence, persistante, pour les petits livres verts de la maison Hachet¬ te : probablement, par conséquent, d'une manière pour nous de nous efforcer de nous en rendre compte ; et certainement, par delà, de la volonté de pren• dre pour fin (concrètement pour objet) notre origine, c'est-à-dire de reven• diquer une éducation par essence républicaine, devenue avec le temps un in• défectible préjugé : fonds culturel et moral, avec cette double évidence du devoir social et de l'intransigeance privée, donc et surtout, sans que ja• mais cela n'apparût, comme la pudeur qui lui est propre s'en fait une rè• gle, fonds civique de ce qui s'appelle laïcité. Que J. Verne fût, dans ces conditions, le nom nécessairement connexe à ce besoin et à une telle entreprise de fondation personnelle, ne pouvait qu'être rendu plus inévitable par l'obligation, double et une, de commencer une vie d'adulte - professionnelle et familiale - dans l'après-coup immédiat d'une exaltation collective, suffisamment haute et rapide pour s'en trouver à la fois définitivement résistante à la déception, et réceptive au point de s'en faire un droit et un devoir supplémentaires de concrétisation. - III - Or l'œuvre, si familière aux lectures d'enfance, était aussi, à ce moment, en train de devenir, de deux manières, et bien sûr parmi d'autres, un banc d'essai privilégié : d'une part, prototype de ces champs nouveaux qu'il apparaissait possible et utile d'ouvrir à l'investigation universi• taire, d'autre part, exemple de ces objets culturels dont le statut s'était récemment et radicalement modifié. La confiance et l'engagement de P. Albouy y eurent sans doute leur raison d'être - même si, plus tard (sans que la chronologie fasse vérité absolue), cette double forme de compromis histori• que devait s'avérer ne pas être sans péril. L'essentiel était ici. J. Verne était en passe de se voir reconnaître une place institutionnelle, pour ainsi dire, à part entière — grâce à la revalorisation de ses capacités de sugges• tion imaginaire et d'incitation à l'écriture (qui était le fait d'artistes ou de philosophes), à l'entreprise pionnière de Simone Vierne (qui prenait avec Léon Cellier tous les risques du précédent), au pari engagé par Maro Soriano (avec la force de son inlassable conviction), et enfin - last but not least, - à titre personnel - à l'exploitation nouvelle, ouverte en toute impavidité, du chantier politique de l'œuvre (par historiens, idéologues, et tel maître connaisseur érudit, à l'enthousiasme duquel une amitié d'Ecole sut nous donner accès). L'intitulé primitif de ce travail (L'imagination de J. Verne) dési• gnait, outre son ambition un peu inconsciente, le projet que ces perspecti• ves convergentes lui ouvraient : accompagner et poursuivre le retour de l'é• crivain prodigue au sein de la littérature, le créditer et le montrer por• teur des marques spécifiques du "grand auteur", entériner son accès a la hiérarchie esthétique, en analysant les composantes thématiques, mythiques, idéologiques, d'un univers fictif fixé en sa totalité et saisi dans sa force - IV - expressive. Si ce projet initial ne fut jamais abandonné, il fut modifié, dans la mesure où, assez rapidement, les conditions qui avaient été propices à ses développements premiers et euphoriques, apparurent porteuses d'autant de dif• ficultés préjudicielles. La tragique disparition de Pierre Albouy inter• vint dans cette période où un renversement d'hypothèse commençait de nous imposer sa nécessité et ses diverses conséquences techniques. C'est alors, et depuis, que la rigueur et la disponibilité absolues, et absolument ami• cales, de Roger Fayolle furent inestimables. Il ne fait à nos yeux aucun doute que la nouvelle définition qui fut donnée à ce travail, et dont il est issu sous sa forme présente, doit rigoureusement tout à son aide patien• te et vigilante, et s'il nous était permis de le dire, à son exemple. Comment faire un écrivain à part entière de celui qui n'avait cessé de se plaindre et de se nourrir de ne pas l'être ? Pourquoi rattacher son œuvre à une littérature à laquelle elle savait ne pas appartenir vraiment, et dont l'exclusion avait été son risque, sa limite, sa raison d'être et son régime public ? Comment ne pas travailler sur l'humilité foncière d'une production tout entière pensée et mise au service de la collectivité desti• nataire, et par conséquent - à partir de ce parti-pris de traduction plutôt que d'expression personnelle - sur la caractéristique fondamentale de son projet et de son mode d'activité : l'effacement de ce qu'il est convenu d'ap• peler "imagination" (c'est-à-dire d'une légitimité présupposée du moi et de son discours, d'une autorité acquise par avance à l'expression de sa vision du monde), au profit de la promotion d'une fonction de "plaque sensible" pour l'ensemble des représentations imaginaires dominantes ? Récusée la per• sonnalité, demeurent la volonté du sujet public, ou de l'individu social, - V - c'est-à-dire la mission et la liberté de formuler - moins en son nom propre qu'au titre des objectifs positifs dont il reconnaît, partage, exprime la validité par ailleurs - les désaveux utiles, les critiques nécessaires, les contradictions fondamentales, les propositions convenables, vis-à-vis du corps, toujours à constituer, de la collectivité. Retour, donc, à l'ambivalence constitutive de l'œuvre de J. Verne, qu'il avait fallu réduire par provision pour réinstaurer des conditions mini• males d'approche, pour rendre à nouveau sa lecture possible. Et retour, simultanément, au J. Verne de la mémoire collective, à celui qui avait pré• cisément persisté lors même que la littérature, globalement, ne l'assimi• lait pas, ne le reconnaissait pas. D'où la restriction apportée à notre cor• pus, et les limites données à notre analyse : de propos délibéré, ce travail vise essentiellement les grands romans, c'est-à-dire la période de formation de l'œuvre romanesque, enregistrant comme une légitimation de fait, pour s'en faire toutefois une question, ce phénomène que s'y trouve réunie, presque sans aucune exception, l'intégralité des textes qui ont fini par constituer l'"image de marque" de l'auteur. La promotion du J. Verne adulte - nul ha• sard à cela, et évidemment nulle déploration - s'est accompagnée souvent d'un déplacement de l'intérêt des lecteurs et critiques vers des œuvres posté• rieures, qu'il (nous) a été permis de la sorte, de redécouvrir dans leurs qualités singulières. S'il nous est apparu nécessaire de revenir sur le ter• rain initial et familier des Voyages Extraordinaires, c'est dans l'intention de refaire et de corroborer, si possible, l'évaluation de l'acte de nouveauté qu'ils ont dès l'abord voulu représenter, et représenté en effet - mais force est de confesser notre dette à ce décentrement qualitatif, à rebours duquel nous avons travaillé, sans lequel nous n'aurions pu seulement songer - VI - à le faire, n'ayant guère de moyen (en dépit de la critique, à tous les sens, originale d'un Pierre Macherey) d'entamer l'épais vernis de positi• vité qui immobilisait les grands romans dans leur apparente simplicité de fonctionnement, ou transparence de signification. C'est bien parce que nous avons pu prendre appui, sur cette idée, récemment acquise, d'une pro• duction toute de trouble, hantée par la négativité, telle qu'elle ressort exemplairement des textes moins fréquentés ou plus tardifs, que notre ré• trospection sur la période de formation de l'œuvre romanesque de J. Verne a pu se fournir en ses hypothèses principales. La limite de L'Ile Mystérieuse, choisie en aval pour arrêter notre corpus, voudrait dans cette perspective n'être pas aussi arbitraire qu'el• le pourrait d'abord paraître. Comme notre conclusion s'efforcera de le mon• trer, un certain nombre d'indices, internes ("bouclage" d'une série, trai• tement de l'image fondamentale de la conscience moderne, logique extraor- dinairement affinée, agencement minutieusement réglé de la fiction, effets de citation) ou externes (chute de popularité postérieure, sommet quasi-lé• gendaire atteint par ce roman, entrée simultanée dans la phase ouvertement anxieuse de l'œuvre), fondent, semble-t-il, à lire, au moins à titre d'hy• pothèse, L'Ile Mystérieuse ensemble comme un bilan et comme une coupure. Sans doute n'est-il pas incompréhensible, à partir de là, que nous ayons cru devoir opérer le choix, légèrement corrigé, de la notion d'imagi• naire, plutôt que de conserver celle d'imagination.

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