Serendipity Est Transcrit Comme « Le Don De Faire Des Trouvailles »

Serendipity Est Transcrit Comme « Le Don De Faire Des Trouvailles »

DE LA SÉRENDIPITÉ Libres sciences Pek van Andel Danièle Bourcier DE LA SÉRENDIPITÉ DANS LA SCIENCE, LA TECHNIQUE, L’ART ET LE DROIT Leçons de l’inattendu L’’AC T MEM LIBRES SCIENCES COLLECTION Libres sciences Les livres de la collection sont sous licenses Creative Commons dirigée par Danièle Bourcier éditée par Annette Colliot-Thélène & Henri Poncet Les auteurs remercient toutes les personnes et institutions qui ont soutenu leur étude, en particulier : - le NIAS (Netherlands Institute for Advanced Sudies in Social Sciences), vrai lieu de sérendipité institutionalisée et de liberté académique; - la Faculté des Sciences Médicales de l’Université de Groningue, et son photographe scientifique Dick Huizinga; ainsi que Jan Worst, chirurgien de l’œil, qui, avec P. v. Andel, a inventé une cornée artificielle (“bouchon de champagne”) déjà implantée 3000 fois au Daljit Singh Eye Hospital à Amritsar (Inde). - le CNRS: le Centre de recherche en Sciences administratives et politiques à Paris et le Centre Marc Bloch à Berlin, où les dernières étapes de ce livre ont été élaborées; - Estelle Lambert, Conservateur au Service d’Histoire de la Médecine, Bibliothèque interuniversitaire de médecine (BIUM), Université de Paris IV. [email protected] [email protected] L’ACT MEM, 2009 www.fr.creativecommons.org Préface La sérendipité est un mot qui n’est pas toujours facile à mémoriser et à prononcer. De plus, il ne figure pas – encore – dans les dictionnaires français. Et pourtant, l’expérience montre qu’il plaît beaucoup. Chaque fois que j’en ai expliqué le sens, mes interlocuteurs se sont montrés très intéressés, quitte à me téléphoner quelques jours plus tard pour que je leur reprécise l’orthographe du mot, car ils avaient trouvé une situation qui relevait de cette notion. Pek van Andel et Danièle Bourcier en donnent une définition très claire : « la sérendipité est le don de faire des trouvailles ou la faculté de découvrir, d’inventer ou de créer ce qui n’était pas recherché dans la science, la technique, l’art, la politique et la vie quotidienne, grâce à une observation surprenante». Ils illustrent abondamment cette définition et donnent de multiples exemples qui montrent l’importance de la sérendipité dans l’histoire des sciences et dans d’autres domaines, en particulier le droit. Pourtant la notion est peu utilisée en France même si des auteurs aussi célèbres que le sociologue Robert Merton et l’écrivain Umberto Eco lui ont consacré des développements importants. La raison n’en est pas évidente. D’autant que dans une société de plus en plus moderne, où la rationalité et la réflexivité tiennent une place croissante, la place et le rôle du hasard méritent un surcroît d’intérêt. On pourrait même dire que c’est notre univers rationnel et scienti- fique qui crée de plus en plus de hasard. Auparavant, dans les sociétés traditionnelles, l’imprévu était le fait des dieux et du destin. Aujourd’hui, dans les sociétés modernes, on s’efforce de tout maîtriser et de laisser le moins de place possible à l’incertitude. Le hasard est alors en quelque sorte un solde : c’est ce qu’on ne parvient pas à prévoir mais que l’on se propose pourtant de réduire sans cesse plus, notamment grâce au développement des sciences et des techniques. Toutefois, le hasard est comme un horizon qui recule au fur et à mesure où l’on s’avance dans le champ des connaissances. Et il semble jouer un rôle assez constant, voire croissant, y compris dans le domaine des progrès scientifiques. Le Viagra, conçu à l’origine pour lutter contre l’hypertension, et dont les effets secondaires ont été découverts par hasard, en fournit une très belle illustration… Aussi, la question qui se pose dans notre société aujourd’hui est celle de la possibilité d’accroître les circonstances hasardeuses, et l’art de les 7 utiliser. Pourtant, comme le soulignent les auteurs de cet ouvrage, « dès qu’on peut la programmer, on ne peut plus la nommer sérendipité. Mais, ajoutent-ils, on peut aider à s’y préparer et on peut éventuellement spé- cifier les conditions nécessaires pour faire émerger des faits surprenants ». Cette question se pose par exemple très concrètement aujourd’hui dans l’économie. Le développement de la concurrence et l’utilisation de plus en plus directe et massive des sciences fait de la « créativité » un élément clef de la compétition entre les firmes et entre les territoires. Or la créativité et le hasard ont souvent parties liées. On l’a bien vu lors du développement de la micro-informatique où, comme l’a montré une économiste, Anna Lee Saxenian, les grandes entreprises informatiques intégrées de la région de Boston, où tout est prévu et réglé, et où les rencontres se font sur rendez-vous, ont été battues par les petites entreprises de la Silicon Valley où les chercheurs et les entrepreneurs se rencontraient dans des circonstances non programmées, dans les lieux de travail, et en dehors. De même aujourd’hui, le hasard est devenu un enjeu urbanistique majeur. On s’aperçoit en effet que les villes modernes hyperfonction- nelles, où l’on ne fait que ce que l’on a prévu de faire, sont ennuyeuses et peu favorables à la créativité. On redécouvre ainsi le plaisir, mais aussi les performances de la ville et de ses espaces publics, de ces lieux où il se passe des choses imprévues, où l’on croise des inconnus, où l’on se rencontre par hasard. La sérendipité est donc à l’ordre du jour plus que jamais. Certes, comme l’écrivent Pek van Andel et Danièle Bourcier, « il n’est pas nécessaire de connaître le mot ‘sérendipité’ et le phénomène de la sérendipité pour faire des trouvailles ! Mais une certaine connaissance du mot, du phénomène et des cas de sérendipité aide probablement à réagir de façon optimale quand on fait une observation étonnante. » Ce livre, très clair et très vivant, est donc particulièrement bien venu pour diffuser ce mot et cette notion, et féconder des champs d’activités et de connaissances les plus divers. François Ascher Professeur à l’Université Paris 8 Institut français d’Urbanisme Avant-propos Le mot « sérendipité » n’est pas encore accepté dans les dictionnaires français. Dans les dictionnaires anglais-français, serendipity est transcrit comme « le don de faire des trouvailles ». 1 Cependant le phénomène de ce qu’on appelle sérendipité est depuis longtemps observé et commenté dans la littérature scientifique en France. Plus largement, la sérendipité est inhérente à la conduite humaine. Elle est considérée comme la capacité de découvrir, d’inventer, de créer ou d’imaginer quelque chose de nouveau sans l’avoir cherché, à l’occasion d’une observation surprenante qui a été expliquée correctement. La sérendipité ne commence pas par une savante hypothèse ou avec un plan déterminé. Elle n’est pas non plus due seulement à un accident ou au hasard. Les milliers de grandes ou petites innovations qui ont jalonné l’histoire de l’humanité ont un élément commun : ils n’ont pu se transmettre que parce qu’un observateur, un expérimentateur, un artiste, un chercheur à un certain moment ont su tirer profit de circonstances imprévues. La sérendipité recouvre ce que les Sophistes disaient déjà cinq siècles avant J.-C. : on ne peut pas chercher ce qu’on ne connaît pas parce qu’on ne sait pas ce qu’on doit chercher. Pour découvrir quelque chose de nouveau, on ne peut pas dériver le nouveau de l’ancien, ni le connu de l’inconnu. Si on était capable de le faire, le résultat ne serait ni inconnu ni nouveau. Pour une véritable innovation, on a aussi besoin d’un élément imprévisible, comme d’une observation surprenante, expliquée ensuite correctement. Le droit exige même cet élément inattendu, imprévisible, non évident, pour qu’une invention soit brevetable. La plupart des livres, articles et essais sur la sérendipité se réduisent à des collections d’exemples 2, de la découverte de l’Amérique à celle de la fission nucléaire ou de la peinture abstraite. 1. Cette difficulté à former des néologismes ou à accepter de nouveaux mots est-elle une caractéristique de la langue française ? C’est ce qu’écrivait déjà en 1934 Ed. Claparède, psychologue de renom, quand il regrettait de ne pouvoir créer « trouvage » (les Allemands diraient Hypothesenfindung) pour décrire comment l’esprit trouve l’hypothèse (La genèse de l’hypothèse, Genève, Kundig ed.). Nous avons rencontré le même problème en rapprochant la notion de sérendipité de celle de trouvaille. 2. Mach (1896), Taton, Schaar (1955), Lot (1956), Rossman (1967), Comroe (1977), Kellerman & Sheets (1983), Shapiro (1986), Kohn, Roberts (1989), Jacques (1992), Hauenschild (1993), Podolsky (1997), Stengers (1998), Schneider, Zankl (2002), Hannan (2006), Meyers (2008). 11 La monographie la plus sérieuse sur la pratique et la théorie de la sérendipité est celle des sociologues des sciences Robert K. Merton & Elinor G. Barber, intitulée The Travels and Adventures of Serendipity, A study in Historical Semantics and the Sociology of Science. Terminée en 1958, elle fut mise de côté pour être revue et complétée. Une copie de ce texte de 338 pages fut finalement envoyée à l’un des auteurs (PvA) qui l’avait demandée plusieurs fois à Merton. PvA fut tellement enthousiasmé par ce texte, qu’il écrivit à Umberto Eco pour le faire publier. En 2002, le manuscrit de Merton & Barber fut traduit en italien et publié. 3 Le texte de Merton est une histoire de l’apparition du concept de sérendipité dans les domaines de la littérature, des sciences fondamen- tales et appliquées, humaines et sociales y compris dans le champ de la politique (“New Deal”).

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