LE GRAND PARIS, STRATÉGIES URBAINES ET RIVALITÉS GÉOPOLITIQUES Philippe Subra La Découverte | Hérodote 2009/4 - n° 135 pages 49 à 79 Document téléchargé depuis www.cairn.info - Institut d'Etudes Politiques de Paris 193.54.67.93 10/09/2013 17h41. © La Découverte ISSN 0338-487X Article disponible en ligne à l'adresse: -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- http://www.cairn.info/revue-herodote-2009-4-page-49.htm -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- Pour citer cet article : -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- Subra Philippe, « Le Grand Paris, stratégies urbaines et rivalités géopolitiques », Hérodote, 2009/4 n° 135, p. 49-79. DOI : 10.3917/her.135.0049 -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- Distribution électronique Cairn.info pour La Découverte. © La Découverte. Tous droits réservés pour tous pays. La reproduction ou représentation de cet article, notamment par photocopie, n'est autorisée que dans les limites des conditions générales d'utilisation du site ou, le cas échéant, des conditions générales de la licence souscrite par votre établissement. Toute autre reproduction ou représentation, en tout ou partie, sous quelque forme et de quelque manière que ce soit, est interdite sauf accord préalable et écrit de l'éditeur, en dehors des cas prévus par la législation en vigueur en France. Il est précisé que son stockage dans une base de données est également interdit. Document téléchargé depuis www.cairn.info - Institut d'Etudes Politiques de Paris 193.54.67.93 10/09/2013 17h41. © La Découverte 1 / 1 Document téléchargé depuis www.cairn.info - Institut d'Etudes Politiques de Paris 193.54.67.93 10/09/2013 17h41. © La Découverte Le Grand Paris, stratégies urbaines et rivalités géopolitiques Philippe Subra 1 Le Grand Paris est-il mort, du moins dans sa dimension institutionnelle, celle d’une instance de gouvernance métropolitaine réunissant les élus de l’agglomé- ration, comme l’affi rme (et le souhaite) Jean-Paul Huchon, le président socialiste de la région Île-de-France 2 ? De fait, le projet de loi « sur le Grand Paris », élaboré par Christian Blanc 3, fait totalement l’impasse sur l’idée d’une communauté urbaine évoquée par Nicolas Sarkozy, un peu plus de deux ans plus tôt, à Roissy, en juin 2007. Un autre projet de loi « sur la réforme des collectivités locales », issu des travaux du Comité Balladur, est tout aussi silencieux sur cette question, alors qu’il propose pour onze grandes villes de province un nouveau statut, celui de « métropole », renforçant encore les pouvoirs des communautés urbaines ou d’agglomération existantes. L’anormalité de la situation de Paris aurait-elle disparu miraculeusement, seule grande ville française et l’une des rares métropoles internationales à ne pas être dotée d’un système de gouvernance global ? La question de la gouvernance de l’agglomération parisienne aurait-elle cessé d’être un enjeu essentiel, une condi- tion nécessaire au développement de la métropole parisienne ? Le problème aurait-il été résolu, la question épuisée, par l’élaboration d’un schéma stratégique trimestre 2009. e par les services de Christian Blanc, la tenue d’une consultation internationale d’architectes, la création du syndicat Paris Métropole et par celle d’un nouvel établissement public, la Société du Grand Paris ? Non, bien sûr. 1. Géographe, Institut français de géopolitique, université Paris-VIII-Saint-Denis. , n° 135, La Découverte, 4 2. « Le Grand Paris n’aboutira pas » (interview au Journal du Dimanche, 17/5/2008). 3. Secrétaire d’État au Développement de la région Capitale, nommé par Nicolas Sarkozy Hérodote en mars 2008. 49 Document téléchargé depuis www.cairn.info - Institut d'Etudes Politiques de Paris 193.54.67.93 10/09/2013 17h41. © La Découverte HHerodote_135-BAT.indderodote_135-BAT.indd 4949 119/11/099/11/09 88:52:23:52:23 HÉRODOTE Comment expliquer alors la disparition de ce qui a été présenté comme un Document téléchargé depuis www.cairn.info - Institut d'Etudes Politiques de Paris 193.54.67.93 10/09/2013 17h41. © La Découverte des « grands chantiers » du président ? Que cherche en réalité Nicolas Sarkozy et pourquoi a-t-il sorti des cartons un projet qui datait de près d’un siècle ? Pourquoi sa proposition a-t-elle suscité tant de réactions hostiles et de réticences ? Pourquoi a-t-il progressivement perdu l’initiative sur un processus qu’il a lui-même choisi d’enclencher ? L’État a-t-il simplement décidé de se passer des élus ? Répondre à ces questions ne peut se faire sans utiliser les outils de la géopoli- tique. C’est-à-dire sans analyser les stratégies des différents acteurs, leurs objectifs, leurs intérêts, leurs relations de concurrence ou d’alliance, les rapports de forces qu’ils sont parvenus à établir, mais aussi la dynamique du processus confl ictuel qui les oppose, ses temps forts, ses tournants qui s’expliquent en grande partie par ces rapports de forces et par l’habileté manœuvrière, les choix tactiques ou stratégiques de certains de ces acteurs. La façon dont Paris doit être gouverné est, depuis deux siècles au moins, une question géopolitique majeure en France. C’est cette dimension géopolitique qui permet d’expliquer pourquoi la Ville a été privée de maire pendant 182 ans (de 1795 à 1977), pourquoi, après l’annexion de 1860 réalisée autoritairement par Haussmann, sa superfi cie a pratiquement cessé d’augmenter 4 et donc pourquoi elle est dotée aujourd’hui d’un territoire beaucoup plus petit que toutes les autres grandes métropoles internationales 5, pourquoi enfi n le paysage intercommunal actuel de l’agglomération parisienne est si fragmenté 6. Comprendre ce qui s’est passé depuis deux ans autour du projet de Grand Paris, implique donc d’aborder la question de la gouvernance de l’agglomération pari- sienne pour ce qu’elle est aussi et d’abord : une affaire de rivalités de pouvoir dont l’enjeu est le contrôle du territoire francilien. trimestre 2009. e 4. Mis à part l’annexion en 1891 du terrain de manœuvres d’Issy-les-Moulineaux, aujour- d’hui transformé en héliport, et en 1929-1930 celle des bois de Boulogne et de Vincennes et des abords de l’enceinte de Thiers (la « zone »). 5. 89 km2, 105 avec les bois de Boulogne et de Vincennes, alors que Madrid, par exemple, couvre 607 km2, Berlin 891, Hong Kong : 1067, New York 1214, Londres 1579. 6. Une trentaine de communautés de communes ou d’agglomération dans l’agglomération , n° 135, La Découverte, 4 proprement dite, une centaine à l’échelle de la région Île-de-France tout entière, dont aucune ne comprend la Ville de Paris. Hérodote 50 Document téléchargé depuis www.cairn.info - Institut d'Etudes Politiques de Paris 193.54.67.93 10/09/2013 17h41. © La Découverte HHerodote_135-BAT.indderodote_135-BAT.indd 5050 119/11/099/11/09 88:52:23:52:23 LE GRAND PARIS, STRATÉGIES URBAINES ET RIVALITÉS GÉOPOLITIQUES Le Grand Paris, une vieille idée de la gauche reprise par Nicolas Sarkozy Document téléchargé depuis www.cairn.info - Institut d'Etudes Politiques de Paris 193.54.67.93 10/09/2013 17h41. © La Découverte « Habitants du Grand Paris, mes frères... ! 7 » L’idée du Grand Paris n’est pas nouvelle, et jusqu’en 2007 ses partisans se situaient presque exclusivement à gauche 8. Dès 1912, le programme pour les municipales de la Fédération socialiste de la Seine, s’inspirant de ce qui se met alors en place à Berlin et à Vienne, défend le principe de la « départementalisa- tion » et d’une organisation cohérente de l’espace parisien et suburbain. La guerre met la question entre parenthèses, mais à peine est-elle achevée que le socialiste Henri Sellier 9 réclame, dans un rapport publié en 1920 (Les Banlieues urbaines et la réorganisation du département de la Seine) « une solidarité effective » entre la capitale et la banlieue et la création d’« un gouvernement d’agglomération » au niveau d’un district de Paris. Cette prise de position est le résultat d’un processus d’affi rmation des élus de banlieue entamé quelques années plus tôt (1909) avec la création de l’Union des maires de la Seine, à partir de l’alliance des élus de seize villes de plus de 20 000 habitants. L’année suivante, la grande inondation de 1910 qui touche une trentaine de villes de la petite couronne, parfois durement (la commune de l’Île- Saint-Denis est pratiquement rayée de la carte), renforce la solidarité entre élus de banlieue qui cherchent dès lors à peser sur les travaux de protection contre de futures inondations. Henri Sellier est soutenu par Albert Thomas, ministre de l’Armement pendant la Grande Guerre et maire SFIO de Champigny de 1912 à 1919. Ce qu’ils propo- sent n’est pas un nouvel agrandissement de Paris, car l’« annexion-réunion » de 1860 a durablement traumatisé les communes de la proche banlieue : certaines ont perdu dans l’opération la moitié ou les trois quarts de leur territoire. Les termes de 7. L’expression, très hugolienne, est d’André Morizet, maire SFIO de Boulogne-Billancourt (dans son ouvrage Du vieux Paris au Paris moderne. Haussmann et ses prédécesseurs, publié en 1932). trimestre 2009. 8. Sur la dimension historique du projet de Grand Paris et de l’aménagement de l’agglomé- e ration parisienne on se référera à l’ouvrage passionnant dirigé par Annie Fourcaut, Emmanuel Bellanger et Mathieu Flonneau, Paris/Banlieues, confl its et solidarités, publié en 2007 et qui est issu d’une série de séminaires organisés par le Centre d’histoire sociale du XXe siècle (CNRS- université Paris-I) à la demande de la Ville de Paris. Une grande partie des informations qui ont servi à écrire la première partie de cet article est tirée de cet ouvrage et notamment de l’excel- lente chronologie des rapports Paris-Banlieue qu’il propose.
Details
-
File Typepdf
-
Upload Time-
-
Content LanguagesEnglish
-
Upload UserAnonymous/Not logged-in
-
File Pages32 Page
-
File Size-