BULLETIN MEDEDEELINGEN DU VAN HET Musée royal d'Histoire Koninklijk Natuurhistorisch naturelle de Belgique Museum van België Tome XXIII, n" 1. Deel XXIII, n' 1. Bruxelles, mars 1947. Brussel, Maart 1947. PAUL PELSENEER (1863-1945). Notice biographique, par William Adam et Eugène Lkdoup (Bruxelles). (Avec deux planches hors-texte.) Le 5 mai 1945 mourut à Bruxelles Paul Pkusbnekr, Secrétaire perpétuel de l'Académie Royale de Belgique. Avec lui disparut un grand savant belge. .Jean-Paul-Louis Pblseneek naquit le 20 juin 1863 à Bruxelles, où son père, homme cultivé, dirigeait une petite industrie. Très jeune, il manifesta son amour des sciences naturelles et ses dis¬ positions furent encouragées, pendant ses études à l'Athénée de Bruxelles, par son professeur L. PmÉ, botaniste et zoologiste. A l'Université libre de Bruxelles, il suivit les cours de zoologie du professeur Yiseux, darwiniste convaincu et un des premiers adeptes du transformisme en Belgique. En 1884, Paul Pelsexkku fut proclamé docteur en sciences naturelles et, en 1888, docteur spécial en sciences zoologiques et agrégé à la Faculté des Sciences de l'Université libre de Bruxelles. A cette époque, la majorité des jeunes docteurs belges croyaient à la légende que l'Allemagne détenait le monopole de la science et de l'érudition ; ils partaient outre-Rhin « pour y prendre la « manière allemande » et perdre ainsi ce qu'il y avait, cliez beaucoup d'entre eux, de personnel et de spon¬ tané » (1). Grâce aux conseils de L. Dollo, il eut la bonne for- Ci) 1920, pp. 88-89. § w. adam et e. lêloup tune d'échapper à la formation allemande et, après ses études universitaires, de faire son véritable apprentissage d'investiga¬ teur en France, chez A. Giard, 1884 (Laboratoire de zoologie de la Faculté des Sciences de Lille) et en Angleterre, chez Edwin Ray Lankester, 1885 (Laboratoire de Zoologie de l'Université de Londres, University College). Dans ces laboratoires français et anglais se pratiquait une méthode différente, « la différence résidant dans la façon de considérer les choses : au lieu de cher¬ cher simplement à ajouter aux connaissances des « décimales » ne prouvant rien, on cherche l'observation ou l'expérience cru¬ ciale pouvant résoudre une question ou un problème qui s'est posé, problème modeste ou profond, suivant l'envergure d'esprit de l'observateur, mais problème ainsi attaqué et souvent résolu ». Après un séjour à la Station zoologique de Naples comme titulaire de la table belge et après un court séjour (1885-18871 au Musée royal d'Histoire naturelle de Bruxelles, comme sta¬ giaire à la section de Conchyliologie et à la section des Articulés, Paul Perseneer fut chargé (1888) du cours de chimie et de- botanique à la Section normale d'Enseignement moyen de l'Etat de Bruges, transférée plus tard à Gand. Avec conscience, il y exerça cette fonction jusqu'en 1914, moment où il fut révo¬ qué par l'envahisseur allemand. Libre penseur, Paul Perseneer fut toujours tenu à l'écart de l'enseignement officiel de la zoologie, ce qui autorisa Yves Derage à déclarer, en 1917, en lui attribuant le Prix Cuvier de l'Institut de France (2) : « Il est pénible de devoir constater que malgré sa très grande valeur comme zoologiste M. Perse¬ neer ait été laissé par les gouvernants de son pays dans une position subalterne qui n'est nullement en rapport avec ses capacités, et qu'il ait été victime de la sincérité de ses opinions philosophiques. Tous les efforts des centres zoologiques belges pour le faire nommer à un poste plus digne de sa science ont échoué. Nous estimons qu'en décernant à M. Paul Perseneer un prix Cuvier nous faisons un acte de justice et que nous ré¬ compensons comme elle le mérite l'œuvre fructueuse et haute¬ ment remarquable d'une vie consacrée entièrement à la recher¬ che désintéressée de la vérité ». Il est vrai qu'en 1912, Paul Perseneer reçut le Prix décennal des sciences zoologiques (3), la plus haute distinction scienti- (2) C. R. Ac. Se. Paris, 165, p. 878, 1917. (3) Moniteur belge, 7 mars 1913, p. 1583. paul pelseneer (1863-1945) 3 fique belge. Mais avec le montant de ce prix, majoré de deux années de son traitement à l'Ecole normale de Gand, Paul Pel- seneeii s'empressa de fonder un prix académique quinquennal, appelé « Prix Lamarck » (4) destiné « à l'auteur dont l'ensem¬ ble des travaux aura apporté le plus de faits et d'éclaircisse¬ ments nouveaux relativement à l'évolution du règne animal ». A cette occasion, dans une lettre adressée au Président et aux Membres de la Société royale zoologique et malacologique de Belgique (1913, p. 7), ce travailleur opiniâtre explique qu'il n'a jamais possédé les ressources d'un laboratoire officiel : il tra¬ vaillait chez lui « disposant de moyens (*) dont la simplicité n'avait d'égale que la difficulté des obstacles à surmonter, pra¬ tiquant la recherche pour elle-même, en amateur, si l'on veut prendre ce mot dans le sens le plus exact, consacrant à ces tra vaux les loisirs » que lui laissaient ses fonctions de professeur de chimie, dans lesquelles le zoologiste qu'il était s'usait depuis vingt-cinq ans, sans profit pour l'enseignement public. Il se plaignait amèrement, lui « qui, à l'étranger, dans les Universi¬ tés, Laboratoires, Académies, Congrès et Sociétés savantes, est considéré comme un zoologiste honorable, mais qui, dans son propre pays, après une trentaine d'années, n'a pas été jugé digne d'enseigner la zoologie » (5). Le 8 juillet 1919, il fut nommé Secrétaire perpétuel de l'Aca¬ démie royale de Belgique; il assuma cette charge jusqu'au 30 mai 1936. Cette nomination ne répara cependant pas le mal qu'on avait fait à Paul Pelseneer en particulier et à la science en général, en privant le chercheur d'une chaire uni¬ versitaire et d'un laboratoire qui lui auraient permis de former des élèves et de leur transmettre les richesses de ses vastes con¬ naissances. D'ailleurs, il était déjà trop tard ; un affaiblissement pro¬ gressif de la vue obligea Paul Pelseneer à abandonner ses ob¬ servations « in vivo » et, pendant les dernières années de sa vie, il dut se contenter de rédiger des publications basées sur ses recherches antérieures ou consacrées à des exposés théoriques. De même que le grand français de Lamarck, au sujet duquel (4) .Bull. Ac. R. Se. Belgique, 1913, p. 181; 1914, p. 128. (5) Voir les Annales parlementaires de Belgique, 2 mars 1940, p. 735. (*) Voir la planche hors texte II. Les photographies ont été réa¬ lisées par nos collègues, Dr. M. Glibeet et Dr. A. Capart, Conser¬ vateurs adjoints au Musée. i w. adam et e. lèlout il écrivait dans la dernière phrase de sa dernière publication, « pour des zoologistes il n'est pas de nom aussi honoré et aussi respecté que celui de Jean-Baptiste Monet de Lamarck », il perdit la vue, le plus grand malheur qui puisse frapper un natu¬ raliste. Soutenu par le dévouement inlassable de sa femme, il supporta la mauvaise fortune avec une sérénité stoïque. Récemment un jeune docteur en zoologie écrivait comme en¬ tête de sa thèse de doctorat (6) : « Nous ne pouvons pas tous être maçons; il doit y en avoir qui apportent les briques ». En étudiant l'œuvre scientifique de Paul Pelseneer, on constate que non seulement il apportait patiemment les briques mais qu'en même temps il était maçon et souvent même architecte. Paul Pelseneer lutta toute sa vie pour la recherche de la vérité. Originairement, il porta ses recherches sur de multiples subdivisions du règne animal : Crustacés vivants et fossiles, Arachnides, Trématodes, Echinodermes, Mollusques. Mais il trouva dans ces derniers 1111 groupe particulièrement favorable auquel il consacra presque tous ses efforts, car (7) « par la diversité infinie de leurs formes et de leurs mœurs, les mollus¬ ques » lui « ont fourni un matériel de choix pour l'étude de toutes les questions générales de l'Evolution, de la Phylogénèse. des Variations et de l'Ethologie ». Il s'applique à déterminer les affinités réciproques (les Mollusques en basant ses observa¬ tions phylogénétiques sur l'examen des organes internes et sur le comportement des animaux dans leur milieu. La majorité de ses recherches furent effectuées à la Station zoologique de Wirne- reux (France). Grâce à Paul Pelseneer, « nous savons actuellement ce qu'est un Mollusque et quelle a été l'évolution de l'embranchement »(8). Comme son maître Alfred GIard, il demeura toujours morpho- logiste, étliologiste et phvlogéniste. Les riches collections rapportées par les expéditions du « Chal¬ lenger », de la « Belgica » et du « Siboga » lui donnèrent les matériaux de ses études morphologiques fondamentales rela¬ ie) P. Wagenaar Hummelinck, 1940 (Studies 011 the Fauna of Curaçao Aruba, Bonaire and the Venezuelan Islands) Thèse, Utrecht. « Wij kunnen niet allen metselaar zijn.; er moeten er ook zijn die de steenen aandragen ». (7) Ann. Soc. R. Zool. Belg., LXV, 1934, p. 167. (8) A. Lameere, Ann. Soc. R. Zool. Belg., LXV, 1934, p. 149. PAUL PELSENEER (1863-1945) 5 tives aux Ptéropodes, aux Bivalves et aux Mollusques abyssaux et antarctiques. Pour Paul Pelseneer les Ampliineures doivent être considérés comme les mollusques les plus archaïques : le groupe des Poly- placophores plus primitifs que les Aplacophores semble être le plus apparenté aux Polychètes Euniciens (9). Il considère les Ptéropodes comme un groupe spécialisé par la vie pélagique montrant le plus d'affinités avec les Eutliy neures, notamment les Opisthobranches Tectibranches. Il en reconnaît l'origine diphylétique : les Thécosomes se rapprochent des Bulloïdes et les Gymnosomes des Aplysoïdes (10). Les Nudibranches plus spécialisés que les Tectibranches ne montrent pas l'origine diphylétique défendue par Bergh (11).
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