ÉTUDES SUR LE 18 SIÈCLE XVIII MARIE-ADÉLAÏDE DE SAVOIE (1685-1712) DUCHESSE DE BOURGOGNE, ENFANT TERRIBLE DE VERSAILLES ÉDITIONS ÉDITIONS DE L’UNIVERSITÉ DE BRUXELLES / n r-t o rsi ÉTUDES SUR LE l 8* SIÈCLE XVIII Revue fondée par Roland Mortier et Hervé Hasquin DIRECTEURS Valérie André et Brigitte D’Haînaut-Zveny COMITÉ ÉDITORIAL Bruno Bernard, Claude Bruneel (Université catholique de Louvain), Carlo Capra (Università degli studi, Milg David Charlton (Royal Holloway College, Londres), Manuel Couvreur, Nicolas Cronk (Voltaire Foundation, University of Oxford), Michèle Galand, Jan Herman (Katholieke Unîversiteît Leuven), Michel Jangoux, Huguette Krief (Université de Provence, Aix-en-Provence), Christophe Loir, Roland Mortier, Fabrice Preyat, Daniel Rabreau (Université de Paris I, Panthéon-Sorbonne), Daniel Roche (Collège de France) et Renate Zedînger (Universität Wien) GROUPE D'ÉTUDE DU 1 8* SIÈCLE ÉCRIRE A Valérie André [email protected] Brigitte D’Hainaut-Zveny [email protected] ou à [’adresse suivante Groupe d’étude du XVIIIe siècle Université libre de Bruxelles (CP175/01) Avenue F.D. Roosevelt 50 • B -1050 Bruxelles MARIE-ADÉLAÏDE DE SAVOIE (1685-1712) DUCHESSE DE BOURGOGNE, ENFANT TERRIBLE DE VERSAILLES Publié avec l’aide financière du Fonds de la recherche scientifique - FNRS DANS LA MÊME COLLECTION Les préoccupations économiques et sociales des philosophes, littérateurs et artistes au XVIIIe siècle, 1976 Bruxelles au XVIIIe siècle, 1977 L’Europe et les révolutions (1770-1800), 1980 La noblesse belge au XVIIIe siècle, 1982 Idéologies de la noblesse, 1984 Une famille noble de hauts fonctionnaires : les Neny, 1985 Le livre à Liège et à Bruxelles au XVIIIe siècle, 1987 Unité et diversité de l’empire des Habsbourg à la fin du XVIIIe siècle, 1988 Deux aspects contestés de la politique révolutionnaire en Belgique : langue et culte, 1989 Fêtes et musiques révolutionnaires : Grétry et Gossec, 1990 Rocaille. Rococo, 1991 Musiques et spectacles à Bruxelles au XVIIIe siècle, 1992 Charles de Lorraine, gouverneur général des Pays-Bas autrichiens (1744-1780), Michèle Galand, 1993 Patrice-François de Neny (1716-1784). Portrait d’un homme d’État, Bruno Bernard, 1993 Retour au XVIIIe siècle, 1995 Autour du père Castel et du clavecin oculaire, 1995 Jean-François Vonck (1743-1792), 1996 Parcs, jardins et forêts au XVIIIe siècle, 1997 Topographie du plaisir sous la Régence. 1998 La haute administration dans les Pays-Bas autrichiens, 1999 Portraits de femmes, 2000 Gestion et entretien des bâtiments royaux dans les Pays-Bas autrichiens (1715-1794). Le Bureau des ouvrages de la Cour, Kim Bethume, 2001 La diplomatie belgo-liégeoise à l’épreuve. Étude sur les relations entre les Pays-Bas autrichiens et la principauté de Lièi au XVIIIe siècle, Olivier Vanderhaegen, 2003 La duchesse du Maine (1676-1753). Une mécène à la croisée des arts et des siècles, 2003 Bruxellois à Vienne. Viennois à Bruxelles, 2004 Les théâtres de société au XVIIIe siècle, 2005 Le XVIIIe, un siècle de décadence ?, 2006 Espaces et parcours dans la ville. Bruxelles au XVIIIe siècle, 2007 Lombardie et Pays-Bas autrichiens. Regards croisés sur les Habsbourg et leurs réformes au XVIIIe siècle, 2008 Formes et figures du goût chinois dans les anciens Pays-Bas, 2009 Portés par l’air du temps : les voyages du capitaine Baudin, 2010 La promenade au tournant des XVIIIe et XIXe siècles (Belgique - France - Angleterre), 2011 Jean-Jacques Rousseau (1712-2012). Matériaux pour un renouveau critique, 2013 HORS SÉRIE La tolérance civile, édité par Roland Crahay, 1982 Les origines françaises de l’antimaçonnisme, Jacques Lemaire, 1985 L’homme des Lumières et la découverte de l’Autre, édité par Daniel Droixhe et Pol-P. Gossiaux, 1985 Morale et vertu, édité par Henri Plard, 1986 Emmanuel de Croÿ (1718-1784). Itinéraire intellectuel et réussite nobiliaire au siècle des Lumières, Marie-Pierre Dion, 19I La Révolution liégeoise de 1789 vue par les historiens belges (de 1805 à nos jours), Philippe Raxhon, 1989 Les savants et la politique à la fin du XVIIIe siècle, édité par Gisèle Van de Vyver et Jacques Reisse, 1990 La sécularisation des œuvres d’art dans le Brabant (1773-1842). La création du musée de Bruxelles, Christophe Loir, 195 Vie quotidienne des couvents féminins de Bruxelles au siècle des Lumières (1754-1787), Marc Libert, 1999 L’émergence des beaux-arts en Belgique : institutions, artistes, public et patrimoine (1773-1835), Christophe Loir, 2004 Voltaire et Rousseau dans le théâtre de la Révolution française (1789-1799), Ling-Ling Sheu, 2005 Population, commerce et religion au siècle des Lumières, Hervé Hasquin, 2008 Des volumes des Etudes sur leXVIIIe siècle sont désormais accessibles en ligne (www.editions-universite-bruxelles.be). ISBN 978-2-8004-1562-8 D/2014/0171/13 © 2014 by Éditions de l’Université de Bruxelles Avenue Paul Héger 26 -1000 Bruxelles (Belgique) Imprimé en Belgique [email protected] «'ww.editions-universite-bruxelles.be Introduction Fabrice PREYAT En octobre 1696, s’ébranle depuis Turin le cortège qui conduira Marie-Adélaïde de Savoie à Versailles. Le contrat de mariage qui la lie désormais au duc de Bourgogne, petit-fils de Louis XIV, scellera, quelques mois plus tard, le sort de l’Europe par la paix de Ryswick. Cette union fut arrêtée à la suite des derniers revers de son père au sein de la Ligue d’Augsbourg, à laquelle s’était joint, six ans plus tôt, Victor- Amédée II. À l’été 1696, la « Grande alliance », emmenée par Guillaume III d’Orange, Léopold Ier, empereur du Saint-Empire romain germanique, et Charles II d’Espagne est clairement malmenée. La défection du duché de Savoie, la paix signée à Turin avec Louis XIV, le 29 août 1696, le démantèlement de Pignerol et la restitution de la place à Victor-Amédée II en échange de son soutien contre les puissances belligérantes en Italie, mettront un comble à la débâcle des États européens ligués contre la France. La restitution de Pignerol est le sacrifice consenti pour gagner la confiance d’une province située au carrefour de l’Europe et qui menace le système frontalier français. Une habile manœuvre diplomatique met ainsi symboliquement un terme au « vasselage » du Piémont, selon le mot de Domenico Carutti 1. Les atermoiements de l’empereur n’y pourront plus rien. Malgré les succès rencontrés lors de la victoire d’Eugène de Savoie contre les Turcs, à Zenta, en septembre 1697, ou lors de l’élection de son candidat au trône de Pologne, Auguste de Saxe, rival du prince de Conti, cousin du roi de France, l’empereur est contraint de signer la paix de Ryswick, le 20 octobre 1697, quatre semaines seulement après les représentants des Provinces-Unies, de l’Angleterre et de l’Espagne. Louis XIV triomphe alors de l’arrogance des puissances maritimes qui le narguent depuis près de dix ans et qui sont à présent sommées de mettre une sourdine 1 Domenico CARUTTI, Storia della diplomazia della corte di Savoia, Roma, Fratelli Bocca, 1875-1880, vol. 1, « Introduction », cité par HAUSSONVILLE, t. I, p. 9. 8 MARIE-ADÉLAÏDE DE SAVOIE (1685-1712) à leur intransigeance politique et militaire. En France, l’heure est aux réjouissances et aux espoirs. La situation inextricable à laquelle le « vieux roi » vient de conférer une issue heureuse incite à redonner quelque vigueur aux figures fanées et à redorer les allégories de la cour du Roi-Soleil, depuis vingt ans défraîchies. On se presse, le 10 septembre 1696, pour entendre le Te Deum chanté à Notre-Dame et pour admirer, le soir, le feu d’artifice tiré sur la place de l’Hôtel-de-ville et dont la première pièce représentait Alexandre le Grand tranchant le nœud gordien… Du passé, Louis XIV souhaite pourtant faire table rase, comme le montre la missive adressée à Victor-Amédée, le 6 juillet 1696 2. Si le monarque n’a pas oublié l’inconstance et la subtilité que les observateurs prêtent unanimement au duc de Savoie, il préfère néanmoins porter son regard sur l’hymen du duc de Bourgogne et de Marie-Adélaïde qui paraît offrir à la France et à la Savoie les garanties d’un avenir serein. Dès le 30 mai 1696, dans un traité préliminaire, ratifié par le comte de Tessé et par Grupel, plénipotentiaire du duc de Savoie, le roi avait tenu à faire inscrire un article prévoyant que l’on « traiter[ait] incessamment le mariage de la princesse Marie-Adélaïde […] avec le duc de Bourgogne » 3. Dès la naissance de sa fille pourtant, guidé par un « cynisme lucide », Victor-Amédée II l’avait destinée à devenir une princesse française. Il y réussit fort bien. D’emblée, le roi fut séduit par l’extraversion, le naturel et la simplicité de l’enfant. Il la trouva « à souhait » et envoya, dès Montargis, ses premières impressions à Mme de Maintenon. Je l’ai été recevoir au carrosse. Elle m’a laissé parler le premier, et après, elle m’a fort bien répondu, mais avec un petit embarras qui vous auroit plu […]. Elle a la meilleure grâce et la plus belle taille que j’aie jamais vues ; habillée à peindre et coiffée de même, des yeux vifs et très-beaux, des paupières noires et admirables, le teint fort uni, blanc et rouge, comme on le peut désirer, les plus beaux cheveux noirs que l’on puisse voir, et en grande quantité. Elle est maigre comme il convient à son âge, la bouche fort vermeille, les lèvres grosses, les dents blanches, longues et très- mal rangées ; les mains bien faites, mais de la couleur de son âge. Elle parle peu, au moins à ce que j’ai vu, n’est point embarrassée qu’on la regarde, comme une personne qui a vu du monde. […] Elle a quelque chose d’une Italienne dans le visage, mais elle plaît, et je l’ai vu dans les yeux de tout le monde.
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