Le Prieuré Sainte-Madeleine De Loups Première Fondation De L'abbaye De Fontgombault Et Les Seigneurs De Brenne 1096-1791

Le Prieuré Sainte-Madeleine De Loups Première Fondation De L'abbaye De Fontgombault Et Les Seigneurs De Brenne 1096-1791

Dom Jacques de BASCHER Le Prieuré Sainte-Madeleine de Loups première fondation de l'Abbaye de Fontgombault et les seigneurs de Brenne 1096-1791 (Extrait de la « REVUE DE L'ACADÉMIE DU CENTRE » années 1977, 1978 et 1979) - En vente dans les Librairies du Blanc, de Mézières et de Buzançais - Le Prieuré Sainte-Madeleine de Loups (Commune de Saint-Michel-en-Brenne, Indre) PREMIERE PARTIE : HISTORIQUE Au touriste qui, par la route de Mézières à Migné, traverse le territoire brennou compris entre1 Claise et Blizon, le paysa- ge n'offre de nos jours que de médiocres satisfactions. Il s'en- gage bientôt dans une plaine dénudée et sans mouvement, où l'on ne rencontre pas même quelque « patin » de Gargantua qui, dans sa course effrénée, est passé plus à l'Est. Les bois se font lointains et les étangs se tiennent à distance de la route. Mais franchie une bonne lieue, on perçoit à main droite la haute silhouette de l'ancienne chapelle priorale de Loups, qui se détache sur un écran de verdure. — Délaissons la grand'route, et prenons le, chemin rural qui dessert Loups et la Pénichotterie. Alors le. paysage redevient plus souriant : des t'ois, des prairies et des étangs forment encore aujour- d'hui à l'ancien prieuré un site aimable que la main de l'hom- me a respecté. I LA FONDATION DU PRIEURE DE LOUPS ET LES SEIGNEURS DE BRENNE (1096) Les dernières décennies du XIe siècle et les premières du XIIe ont été dans les diverses provinces de France comme un âge d'or du monachisme. D'une part le grand courant érémi- tique, - l'un des plus beaux fruits de la réforme grégorienne — avait abouti à la fondation d'un grand nombre de monas- tères : c'est dans de telles circonstances, qu'en 1091, Pierre de l'Etoile et ses ermites avaient fondé au seuil de la Brenne l'abbaye de Fontgombault ; d'autre part, on assiste à I eclo- sion d'ordres monastiques nouveaux, facteur de renouveau et de réforme pour les ordres monastiques anciens. Enfin, les largesses des barons ou des petits seigneurs qui partent à la croisade ou effectuent des pèlerinages en Terre-Sainte, se font aussi plus abondantes, leur foi dans l'efficacité de la prière des moines, le désir de réparer leurs propres fautes ou celles de leurs parents défunts les incitent à fonder de nou- veaux foyers monastiques. Et c'est ainsi que le diocèse de Bourges qui, au début du XIe siècle, comptait moins de dix abbayes d'hommes, se trouvait doté à la fin du XIIe siècle d'une trentaine d'abbayes et d'un grand nombre de prieurés peuplés, dont celui de Sainte-Marie-Madeleine-de-Loups dont nous retraçons l'histoire. L'abbaye de Fontgombault n'était fondée que depuis quel- ques années, et déjà on la sollicitait de créer à son tour de nouveaux centres monastiques dans la région. Le Chroniqueur de l'abbaye de Fontgombault en rapporte tout le mérite à « la réputation de la sainte vie du Bienheureux Pierre de l'Etoile » (1). Ce fut vers l'an 1096, « date raisonnée » par Eugène Hubert, que grâce aux libéralités de deux seigneurs de Brenne, le prieuré Sainte-Madeleine-de-Loups commença à s'établir (2). L'installation d'un prieuré peuplé entre Claise et Blizon dut être un événement dans la Brenne religieuse de cette époque, car en cette fin du XIe siècle, le secteur de la Grande-Brenne qui formera le territoire de la paroisse de Saint-Michel, ne comptait alors qu'un seul établissement monastique : celui de l'antique abbaye de Saint-Cyran. On pourra s'étonner de ce que, aux XIe et XIIe siècles, les fondateurs de monastères, qu'ils fussent bénédictins, cisterciens ou fontevristes, alors qu'ils recherchaient pour leurs établissements des solitudes profondes et des terres à défricher, « boudèrent » la Brenne avec ensemble. Cette région, sorte de marche sise aux con- fins de la Touraine, du Berry et du Poitou, et plus particulière- ment la zone comprise entre la Claise et le Blizon, alors cou- verte de bois, de pacages, de brandes et d'étangs, réunissait î ; 1 (1) Dom Nicolas Andrieu : Histoire de l'abbaye royale de Nostre-Dame et Saint-Julien de Fontgombault ; Arch. Nat. LL 1011. Edition partielle par E. Hubert, dans : « Revue du Berry », 1900, p. 56 (2) « Revue du Berry -, 1899, p. 241. i. pourtant ces conditions. Aucune nouvelle abbaye ne s'y éta- blira cpendant ; et pour les prieurés peuplés, celui de Loups sera le seul à s'y installer. Pierre de l'Etoile y implanta donc son prieuré, tout près du petit village de Loups, qui s'élevait déjà au milieu de vastes bois et de pacages, à 2 km au Nord du ruisseau du Blizon, et à cinq kilomètres cinq cents au Sud de Mézières et de la Claise. Le village est ici antérieur au monastère, et sa déno- mination primitive de « Loos » et de « Lous », latinisée en « Laodus » et bientôt déformée en « Loups » (3), indique assez l'ancienneté du territoir. Ce hameau est aussi antérieur aux « villages » ou plutôt aux métairies de la Pénichoterie, Bline- rie, Dorasserie et Poupeterie, disposées autour de Loups comme des satellites, et dont les noms sont plus modernes (4). A l'époque de sa fondation, le prieuré se trouvait donc installé dans une vaste solitude et sans voisins gênants. Il y avait bien à quelque distance la vénérable abbaye de Saint- Cyran ; mais les seigneurs de Brenne désintéressèrent la vieille abbaye brennouse en la comblant en ce temps-là de nouvelles libéralités (5). On n'avait pu prévoir que, un siècle plus tard et sur la même paroisse de Saint-Michel, s'instal- (3) L'éthymologie du nom du prieuré de Loups suscita au XIX'' siècle une querelle assez piquante (cf. « Revue du Centre » (Châteauroux), 1885, pp. 311 et 401-403) ; E. Lamy donna aussi son opinion (" Bulletin de la Société Académique du Centre », 1902, p. 8). En réalité le nom de " Lous » et sa latinisation en « Laodus - apparaissent simultanément dans la donation de 1096 ; au XIII" siècle, on rencontre : Loos. Louz, Loux ; au XIV" : « de Luppis » (1337) ; aux XV-, XVI et XVIT siècles : « Loutz », « Louts », « Loux », « Loups » ; depuis la fin du XVII' siècle, l'ortographe « Loup - prévaut, et pour le latin ; « de Lupa » ou " de Lupis ». L'orthographe la plus ancienne : celle de « Lous » et de « Loo », dérive très probablement du mot germanique « loh » ou du néerlandais « ioo », avec dans les deux cas le sens de " bois ». Cf. A Longncn . Les noms de lieu de la France, p. 216, n° 884 et 885 , A. Vincent : Toponymie de la France, Bruxelles, 1937, p 151, n° 344 : et Dauzat : Dictionnaire des noms de lieux, 1963, art. « Looberghe ". Il y aurait ainsi plein accord entre l'aspect physique du lieu, jadis tres boisé, et sa dénomination (4) On assistera plus loin à la naissance de la Poupeterie. (5) Pour la seule année 1096, voir par exemple les donations faites à I abbaye da Saint-Cyran par Gilbert Il de Brenne, par Pierre de Brenne et sa nièce Lucie (Mémoire de Dom du Breuil, sur les seigneurs de Brenne année 1563, pp.8-10, A.D. Indre H 772 ; et Dom Andrieu. éd. Hubert citée, p. 57). lerait la puissante commanderie du Blizon, et que le Chapitre de Mézières, fondé au XIVe siècle par Alix de Brabant, devait porter au prieuré de Loups de grands préjudices. De tous les prieurés dépendants de l'abbaye de Fontgom- bault, celui de Loups est le, seul dont le nom des fondateurs nous soit connu ; le fonds principal de son domaine lui fut apporté vers l'an 1096 par deux seigneurs de Brenne : Ro- bert de Buzançais et Lucie de Mézières. La donation de Loups nous met en rapport avec cette fa- mille dite « de Brenne », vivant au XIe siècle et formant l'An- cienne Maison de Brenne. Par les documents où figurent Lucie de Mézières et ses proches, nous atteignons quatre généra- tions, dont le tableau ci-après rendra compte (6). De Gilbert 1er de Brenne, dit l'Ancien, époux de Béatrix, naquirent Pierre de Brenne et Gilbert Il : ce dernier qui était père de Lucié de Mézièrs la donatrice de Loups, l'était aussi, selon nous, de Gilbert III. De Gilbert III naquit Jacqueline de Brenne, épouse de Robert IV de Buzançais ; et de l'union de Lucie de Mézières avec Ganelon une fille Lucie, épouse de Robert Il des Roches, qui prit le nom de « de Brenne » depuis son mariage avec l'héritière de Lucie de Mézières et se trouva l'auteur de la Nouvelle Maison de Brenne. C'est par Robert 11, fils de ce Robert 1 des Roches, dit de Brenne, que le titre « de Brenne » se transmit jusqu'à Jeanne de Brenne, dame de Mézières et de Rochecorbon, que nous rencontrerons dans notre histoire de Loups. (6) Sans négliger les travaux de généalogistes modernes, on a utilisé ici et très largement la transcription de plusieurs chartes des XI" et XIIe siècles, documents qui se trouvaient dans les chartriers des abbayes de Fontgom- bault et de Saint-Cyran. Cette collation réalisée en 1563 par Dom Jean du Breuil, prieur de Loups, et qui se trouve aujourd'hui aux A.D. Indre, en H 772, est pour nous d'un grand prix, car les documents authentiques ont disparu pour la plupart avec la destruction du chartrier de Fontgombault en 1569, et l'incendie de celui de l'abbaye de Saint-Cyran en 1616. Nous désignerons désormais cette source par - Mémoire du Breuil (1563) -, D autre part les notes généalogiques d'E.

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