Jacqueline De Romilly

Jacqueline De Romilly

Jacqueline de Romilly A la demande de quelques-uns d'entre vous, rencontrés à l'issue de la conférence du 8 février, et qui lui avouaient assez peu connaître Jacqueline de Romilly, notre conférencier, André Duprez, a rédigé cette biographie, étude très sommaire au regard de l'immensité de ce personnage par ailleurs si attachant . Jacqueline David ( de Romilly est le nom de son mari ) voit le jour à Chartres le 26 mars 1913. C'est pendant les cours de philosophie d'Henri Bergson que son père, Maxime David, reçu 1er au concours de l' Ecole Normale Supérieure de la rue d'Ulm et 1er à l'Agrégation de Philosophie, a rencontré Jeanne Malvoisin, jeune femme élégante à l'esprit brillant , qu'il épouse en 1909 . Lui était juif, elle non : quelques années plus tard, le régime de Vichy fera payer cher cette filiation à leur fille .Hélas, dès les premières semaines de la guerre 1914 - 1918, tout comme Charles Péguy, le caporal Maxime David envoyé au front, est tué dans la Somme ( 2 octobre 1914 ). C'est donc seule que Jeanne David va élever sa fille Jacqueline .Aux dires de cette dernière, les difficultés financières n'entament en rien l'affection et le bonheur des deux femmes .Jeanne commence d'ailleurs, dès 1923, une carrière d'écrivain qui lui assure une excellente réputation auprès des auteurs, critiques et éditeurs de l'époque. Un moment, on parle même d'elle pour le prix Goncourt . Mais Jeanne David se fixe comme principal objectif la réussite de sa fille dans ses études, projet qui la comblera au-delà de ses plus grandes espérances . D'abord, les études secondaires au lycée Molière se concluent en apothéose : en 1930, première année au cours de laquelle les filles sont admises à participer au Concours Général , Jacqueline remporte le 1er prix de version latine et le 2ème prix de version grecque … Un rapide passage à Louis-le-Grand ( hypokhâgne et khâgne ) et, dès 1933, elle intègre, quelques années après son père, l'E.N.S. de la rue d'Ulm . La même année, sa mère lui offre en cadeau une édition ancienne bilingue ( latin et grec ) en 7 volumes de l' »Histoire de la guerre du Péloponnèse » de Thucydide en l'agrémentant de ce conseil : « Ce serait bien que tu fasses un peu de grec pendant les vacances » Ce geste sera le déclic pour sa fille puisqu'elle choisit de se consacrer à la Grèce antique ; Elle est reçue à l'Agrégation de Lettres à 23 ans, en 1936, Le Doctorat-ès-Lettres, retardé pendant les années de la Seconde Guerre Mondiale, lui sera finalement décerné en 1947 . En 1940, elle épouse Michel Worms de Romilly,éditeur aux Belles Lettres, dont elle divorcera en 1973 . Du fait de l'origine juive de son mari et de son père, dont on oubliait un peu vite qu'il avait donné sa vie pour la France, elle est privée par le régime de Vichy du droit d'enseigner de 1941 à 1945. La Libération la réintégrant, elle enseigne, de 1945 à 1949, dans la khâgne du lycée de jeunes filles de Versailles avant de rejoindre l'Enseignement Supérieur: professeur de langue et littérature grecques à l'Université de Lille ( 1949 - 1957 ) puis à la Sorbonne ( 1957 - 1973 ), elle devient, de 1973 à 1984, la première femme nommée au Collège de France, tout comme elle sera, en 1975, la première élue à l'Académie des Inscriptions et Belles - Lettres . Le 24 novembre, elle sera la deuxième femme admise à l'Académie Française, précédée dans cette institution par Marguerite Yourcenar . Ayant reçu le baptême en 1940, elle a achevé sa conversion au catholicisme en 2008, peu avant de mourir . En 1997, elle perd progressivement la vue mais cela ne l'empêchera pas de publier inlassablement jusqu'à son dernier jour . Elle meurt à 97 ans, le 18 décembre 2010, à l'hôpital Ambroise Paré de Boulogne-Billancourt. Elle est inhumée au cimetière du Montparnasse . Sur sa vie, ce brillant esprit dressait un bilan mitigé, en regrettant surtout les lacunes sur le plan humain : « Avoir été juive sous l'Occupation, finir seule, presque aveugle, sans enfants et sans famille, est-ce vraiment sensationnel ? Mais ma vie de professeur a été, d'un bout à l'autre, celle que je souhaitais. » Il est vrai qu'elle s'est engagée jusqu'à son dernier souffle en faveur de la place des langues anciennes dans l'enseignement, regrettant souvent le découragement qui gagnait peu à peu ses anciens élèves devenus professeurs de Lettres Classiques . Outre la France, de nombreux pays étrangers et les plus prestigieuses universités du monde l'ont honorée de titres, doctorats et récompenses au plus haut niveau . En 1995, Athènes lui a décerné la nationalité grecque . Pour mieux cerner sa jeunesse et la personnalité attachante de sa mère, je ne saurais trop vous conseiller le très beau et très émouvant livre qu'elle lui a consacré à la mort de celle-ci, en 1977, et qui fut publié à titre posthume en 2011. Plein d'humour et de fraîcheur, regorgeant d'anecdotes savoureuses, il s'intitule tout simplement « Jeanne » et il nous dépeint une mère pleine de tendresse qui, alors que sa fille était déjà professeur au Collège de France, s'inquiétait encore de la voir se concentrer sur des copies, ce qui l'amenait à lui déclarer :« Tu t'abrutis, ma petite fille ... » Gageons que nous sommes quelques-uns à avoir entendu nos proches formuler de semblables propos … André DUPREZ .

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