
COMPTES RENDUS 453 Comptes rendus P.M. KITROMILIDES et M.L. EVRIVIADES, Cyprus, World Bibliographical Series, v. 28, Clio Press, Oxford-Santa Barbara-Denver, 1995, revised edition, XLI∞+∞264 p. Cet ouvrage fait partie d'une collection réputée qui comporte environ 180 volumes, et présente une augmentation de 60∞% du contenu de la première edition de 1982. Il s'agit plus exactement d'un ajout de 540 nouveaux titres bibliographiques, de telle sorte que le livre tout entier en comporte aujourd'hui 931. Cet accroissement impressionnant est bien entendu lié au fait que les problèmes chypriotes contemporains préoccupent les cher- cheurs et entraînent la parution sans cesse de nouveaux ouvrages sur la question, ce qui rendait la nouvelle édition indispensable. Conformément aux exigences de la collection, la bibliographie raisonnée sélective qui a été rassemblée ici date du XIXe et du XXe siècle, pour des ouvrages pour la plu- part en langue anglaise. Elle couvre la totalité de l'histoire et de l'archéologie de l'île. À ceci viennent s'ajouter des sujets semblables plus généraux∞: géologie, géographie, flore et faune etc. Chaque notice bibliographique s'accompagne d'un résumé du contenu du livre sur trois à dix lignes la plupart du temps, rédigé toujours avec une clarté remarquable. L'ouvrage s'achève enfin sur un index des auteurs et un index des titres. Les historiens de Chypre, mais aussi ceux de la Méditerranée orientale d'une façon plus générale, seront donc très reconnaissants envers MM. Kitromilides et Evriviades d'avoir réalisé une œuvre aussi utile. Elizabeth A. ZACHARIADOU Bernard LEWIS, The Middle East, 2000 years of History from the Rise of Christianity to the Present Day, Londres, Weidenfeld & Nicolson, 1995, 433 pp. Dans ce beau livre, Bernard Lewis tente de faire un panorama de l'histoire du Moyen- Orient durant ces deux derniers millénaires dans le cadre d'une collection d'histoire Turcica, 29, 1997, pp. 453-520 454 COMPTES RENDUS des civilisations destinée au grand public cultivé. C'est une incontestable réussite, en raison surtout de la qualité de style, limpide et agréable, et de la sûreté de l'information. Le lecteur ayant une bonne culture orientaliste n'apprendra pas vraiment du nouveau mais pourra apprécier la qualité du tour de force. Dans son introduction, l'auteur décrit quelques aspects de la vie d'aujourd'hui au Moyen-Orient, à partir de la description d'un café, pour montrer l'importance des chan- gements récents (depuis le XIXe siècle) dans l'habillement, les objets, les références intel- lectuelles. Il montre ainsi l'importance des phénomènes d'occidentalisation mais aussi la nécessité de connaître l'histoire et la civilisation des époques précédentes pour pouvoir mieux apprécier l'avenir, pour l'instant obscur, des échanges et des conflits d'aujour- d'hui. Le livre est lui-même structuré en trois grandes parties. La première, chronologique, comprend un historique de la période allant des époques antérieures au christianisme et à l'Islam jusqu'aux «∞Empires de la poudre à canon∞». L'essentiel porte naturellement sur l'histoire de l'Islam et l'auteur ne cherche pas à apporter un renouvellement majeur analogue à ce qu'a été il y a quelques années le grand livre de Hodgson, Venture of Islam. La seconde partie traite des principales institutions islamiques∞: l'État, l'économie, les élites, les gens du commun, la religion et la loi, la culture. L'auteur y montre de très grandes qualités de synthèse, prenant des exemples de l'époque ommayade aux Otto- mans du XVIIe siècle, au risque de se voir reprocher de mettre trop l'accent sur les continuités au détriment des changements. Mais c'est certainement le prix à payer pour pouvoir faire une description de l'ensemble de la civilisation islamique sur plus d'un millénaire. La troisième partie porte sur le défi de la modernité, domaine où Bernard Lewis s'est depuis longtemps illustré∞: la menace occidentale, les changements qu'elle entraîne dans l'environnement économique et social, les réponses et les réactions qu'elle détermine, les nouvelles idées qui émergent sont ainsi décrites avec intelli- gence et nuance. Colonisation et décolonisation sont abordées avec franchise et hon- nêteté. Les questions conflictuelles ne sont pas oubliées∞: ainsi l'auteur n'hésite pas à avancer le nombre de plus d'un million de victimes arméniennes durant les événe- ments de la première guerre mondiale. Il conclut sur la guerre du Golfe de 1990-1991 et le refus des États-Unis d'imposer un nouveau régime en Irak. Il affirme que si, à condition que l'on respecte les intérêts économiques des Puissances extérieures, le Moyen-Orient est une région plus libre que dans le passé, il est aussi une région plus dangereuse. On peut contester cette vue en trouvant que l'auteur dissocie peut-être trop les intérêts extérieurs des formes politiques dominantes dans la région. Si le dernier livre de Bernard Lewis ne peut se comparer avec par exemple l'Histoire des peuples arabes d'Hourani qui portait une vision plus «∞internaliste∞» et peut-être plus neuve des problèmes de la région, c'est probablement en raison du choix même de l'au- teur, s'adresser au grand public cultivé des pays occidentaux. Dans ce cadre, la réussite est parfaite grâce à la clarté de l'expression et l'équilibre de la rédaction. Signalons la parution toute récente d'une traduction française sous le titre Histoire du Moyen-Orient. 2000 ans d'histoire de la naisance du christianisme à nos jours, Paris, Albin Michel, 1997, 481 p. Henry LAURENS COMPTES RENDUS 455 Robert MANTRAN, Histoire d'Istanbul, Paris, Fayard, 1996, 382 p. En dehors des guides de voyage et de quelques ouvrages1 venus rappeler épisodiquement la splendeur de Constantinople et d'Istanbul, le lecteur cultivé serait bien en peine de trouver un ouvrage récent qui présente de manière synthétique ce que l'on sait maintenant de cette capitale d'empire plus que millénaire. Cette situation est d'autant plus paradoxale que les travaux sur cette ville sont très nombreux, quelles que soient les époques consi- dérées, confirmant l'engouement de divers publics depuis une décennie. Heureusement cette lacune est aujourd'hui comblée, et avec quel talent, par Robert Mantran. L'auteur ne laisse rien dans l'ombre. On passe ainsi des récits mythiques à la gloire successive des empires byzantin et ottoman pour terminer sur un bref aperçu de la méga- pole actuelle. Pour chaque période, R.M. expose avec soin les faits historiques, détaille les grands événements, dresse un tableau du développement de la ville tant du point de vue architectural que culturel. Ce plan permet de suivre en continu une histoire qui appa- raît trop souvent compliquée. Il va de soi que l'auteur a dû adopter un plan chronolo- gique, ce qui semble le plus adéquat lorsqu'il s'agit de présenter le développement histo- rique d'une ville sur quatorze siècles. Le livre est composé de deux parties, chacune étant divisée en chapitres et sous-cha- pitres. Dans la première partie, «∞De Byzance à Constantinople∞» (pp. 11-191), l'auteur retrace la période byzantine∞: les légendes nées autour du Bosphore, la fondation de la nouvelle capitale par Constantin en 324 ap. J.-C., son apogée au VIe siècle sous le règne de Justinien (527-565), puis son lent déclin jusqu'à 1453. La deuxième partie, «∞De Constantinople à Istanbul∞» (pp. 193-340), traite de l'histoire de la ville depuis sa conquête par Mehmet II, le 29 mai 1453, jusqu'à nos jours. Dans le cadre de la présente revue, nos commentaires se borneront à présenter uniquement ce deuxième volet2. Celui-ci se divise en 5 chapitres. Le premier est consacré aux lendemains de la conquête (1453-1481). L'auteur décrit les mesures prises par Mehmet II pour repeupler la nouvelle capitale ottomane∞: appel aux notables byzantins, clémence envers les colonies occidentales, encouragements à l'implantation de populations, voire déportation (sürgün). Ce repeuplement s'accompagne d'une islamisation de la ville avec la construction de nou- veaux édifices religieux (mosquées, mescid, türbe, etc.) ou la transformation d'anciens et d'une reprise économique favorisant le développement d'un nouveau grand centre écono- mique∞: le büyük bedesten (le grand bazar). Enfin, la construction du nouveau palais impé- rial et le transfert de l'administration d'Edirne à Istanbul marquent définitivement le caractère de nouvelle capitale de l'Empire. Le second chapitre dresse un tableau de la capitale au XVIe siècle. C'est «∞l'âge d'or d'Istanbul∞», période au cours de laquelle l'Empire a atteint sa plus grande extension et affirme son autorité sur l'ensemble des musulmans. Istanbul symbolise désormais «∞le cœur du monde musulman, le lieu le plus dynamique de l'espace méditerranéen, le foyer 1 Voir dans la coll. Autrement les ouvrages dirigés par Semih Vaner (Istanbul, gloires et dérives, mars 1988) et Stéphane Yerasimos (Istanbul 1914-1923, capitale d'un monde illusoire ou l'agonie des vieux empires, mars 1992). 2 Signalons la réimpression de l'excellent manuel dirigé par Alain Ducellier, Byzance et le monde orthodoxe (Paris, Colin, coll. «U», 504 p.) et la parution de Empereur et prêtre. Études sur le «césaropapisme» byzantin de Gilbert Dagron (Paris, Gallimard, coll. «Bibliothèque des histoires», 1996, 448 p.). 456 COMPTES RENDUS d'une explosion architecturale et artistique qui va bientôt fasciner l'Occident∞» (p. 215). La ville connaît un afflux de populations attirées par l'essor des chantiers de construction, par l'accroissement des besoins en main-d'œuvre pour les ateliers et les arsenaux de l'État. Dans le même temps, le pouvoir ottoman renforce son contrôle sur les corpora- tions, les marchés, les prix afin d'assurer un approvisionnement régulier de la capitale.
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