L'évolution Du Débat Stratégique En Asie Du Sud-Est Depuis 1945

L'évolution Du Débat Stratégique En Asie Du Sud-Est Depuis 1945

2012– N°14 L’évolution du débat stratégique en Asie du Sud-Est depuis 1945 Sous la direction de Pierre Journoud L’évolution du débat stratégique en Asie du Sud-Est depuis 1945 Pour apporter sa contribution au développement d’une recherche stratégique française encore relativement faible sur l’Asie du Sud-Est, l’Irsem a sollicité une quinzaine de spécialistes des relations internationales et de l’Asie orientale. À la convergence de l’histoire, de la science politique et de la géographie, leurs travaux sont publiés dans cette étude qui permet de suivre les grandes évolutions ayant affecté la région depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale. Du champ sécuritaire traditionnel aux nouveaux aspects de la sécurité dite humaine, la plupart des thématiques intéressant le débat stratégique régional y sont abordées : spécificités et acculturations stratégiques à l’épreuve de longues guerres irrégulières, recomposition des équilibres de puissances et des alliances, résurgence ou apparition de contestations territoriales, développement de menaces transnationales telles que le terrorisme, la piraterie maritime ou la pollution, régionalisation de la sécurité et institutionnalisation de la diplomatie de défense, naissance d’une identité stratégique régionale, etc. Théâtre des conflits les plus tragiques de l’après-1945, l’Asie du Sud-Est a retrouvé, avec la paix, la voie d’une concertation régionale aux limites variables. Mais des tensions subsistent comme autant de ferments de crises régionales potentiellement déstabilisatrices. Sans prétendre à l’exhaustivité, cette première étude asiatique de l’Irsem offre des clés de compréhension indispensables pour éclairer les formidables mutations qui affectent l’ensemble de l’Asie orientale, auxquels ni l’Union européenne ni la France ne sauraient être indifférents. IRSEM Ecole Militaire 21, place Joffre – 75007 Paris www.irsem.defense.gouv.fr ISSN : 2109-9936 [Source : Hugues Tertrais, Atlas des guerres d’Indochine, 1940-1990, Paris, Autrement, 2004 (rééd. 2007), p. 56] L’évolution du débat stratégique en Asie du Sud-Est depuis 1945 L’Institut de Recherche Stratégique de l’École Militaire (Irsem) a été créé par le ministère de la défense afin de promouvoir la recherche sur les questions de défense. Ses 35 chercheurs permanents, assistés par une équipe de soutien de 5 personnes, cultivent des approches pluridisciplinaires tout en favorisant les regards croisés entre chercheurs universitaires et militaires. En collaboration avec les principales composantes du ministère (État-Major des Armées, Secrétariat Général pour l’Administration, Délégation Générale pour l’Armement, Délégation aux Affaires Stratégiques, Enseignement Militaire Supérieur), et en lien avec le tissu français et international de la réflexion stratégique, l’Institut a pour missions de produire des études destinées à renouveler les perspectives conceptuelles, d'encourager les jeunes chercheurs travaillant sur ces domaines, de participer à l'enseignement militaire, et de faire rayonner la pensée stratégique française, notamment par des partenariats internationaux. L’ensemble des manifestations scientifiques organisées par l’Irsem est annoncé sur son site : www.irsem.defense.gouv.fr. Les productions de l’Irsem : - 5 collections sont consultables en ligne : Les Cahiers, Les Études, les Paris Papers, Les Fiches de l’Irsem, et une Lettre mensuelle d’information. - 1 revue académique est éditée à la Documentation Française : Les Champs de Mars. L’Irsem a également développé un programme « Jeunes Chercheurs » qui vise à favoriser l’émergence d’une relève stratégique grâce à un séminaire mensuel, à des bourses doctorales et post-doctorales, et à un soutien financier et logistique, dont le détail est en ligne sur son site. Études de l’Irsem déjà parues : 1- Les crises en Afghanistan depuis le XXIe siècle 2- Des gardes suisses à blackwater / volume 1 Armées privées, armées d’état / volume 2 3- Israël et son armée : société et stratégie à l’heure des ruptures 4- Otan : continuité ou rupture ? 5- La perception de la défense française chez nos alliés 6- Du network-centric à la stabilisation : émergence des « nouveaux » concepts et innovation contemporaine 7- Chaos, réveil et sursaut. Succès et limites de la stratégie du « surge » en irak. (2007-2009) 8- Du pétrole à l’armée : les stratégies de construction de l’État aux Émirats arabes unis 9- Étudier le renseignement - État de l’art et perspectives de recherche 10- Enquête sur les jeunes et les armées : images, intérêt et attentes 11- L’Europe de la défense post-Lisbonne : illusion ou défi ? 12- L’UE en tant que tiers stratégique 13- Utilisation et investissement de la sphère internet par les militaires L’EVOLUTION DU DEBAT STRATEGIQUE EN ASIE DU SUD-EST DEPUIS 1945 Sous la direction de Pierre JOURNOUD AVERTISSEMENT Les opinions émises dans ce document n’engagent que leurs auteurs. Elles ne constituent en aucune manière une position officielle du ministère de la Défense. Cette étude a été réalisée en 2011 dans le cadre d’un contrat de recherche de l’Irsem (contrat consultance C-IRSEM-2010-10) passé avec l’association des amis de l’Institut Pierre Renouvin – Centre d’histoire de l’Asie contemporaine (Chac) dirigé par Hugues Tertrais à l’Université Paris I Panthéon-Sorbonne. Coordonnée par Pierre Journoud, elle réunit les contributions des auteurs suivants : Delphine Allès, Sophie Boisseau du Rocher, Laurent Cesari, Jean Dufourcq, Magali Dupetit, Nathalie Fau, Éric Frécon, Ilya Gaiduk, Pierre Grosser, Yves-Heng Lim, Mehdi Kouar, Christian Lechervy, Claire Sanderson, Elie Tenenbaum et Hugues Tertrais. Magali Dupetit a bien voulu apporter sa contribution à une première mise en forme de nos travaux ; Elie Tenenbaum à la confection de la chronologie ; Laurent Cesari (Université d’Arras) et Pierre Asselin (Hawai’i Pacific University) à l’amélioration de la traduction anglaise du chapitre d’Ilya Gaiduk. Mais, sans le travail final de Cécile Thiébault, l’étude n’aurait pu voir le jour dans sa forme actuelle. Que tous soient remerciés pour leurs efforts. Cette étude est dédiée à la mémoire de notre collègue et ami Ilya Gaiduk, brutalement disparu à l’été 2011. © Irsem, 2012 Sommaire Introduction Hugues Tertrais p. 3 1re PARTIE LE POSITIONNEMENT DES GRANDES PUISSANCES ET DES EX-PUISSANCES COLONIALES La France et l’Asie du Sud-Est (ASE) de l’Indochine à l’Asean Pierre Journoud p. 13 La Grande-Bretagne et l’ASE depuis 1945 : réalités, réajustements, retrait Claire Sanderson p. 53 Southeast Asia in Soviet Cold War Strategy: Lessons and Aftermath Ilya Gaiduk p. 69 Les États-Unis et l’ASE depuis le milieu des années 1970 Pierre Grosser p. 91 Le thème de la sécurité dans les rapports entre la Chine populaire et l’ASE après la fin de la Guerre froide Laurent Cesari p. 129 2e PARTIE LES STRATEGIES MILITAIRES ET LES CONTENTIEUX TERRITORIAUX L’ASE, laboratoire stratégique de la guerre irrégulière de 1945 à nos jours Elie Tenenbaum p. 147 La mer de Chine méridionale, échiquier du jeu entre grandes puissances Yves-Heng Lim p. 205 2 Sommaire Le réarmement en ASE Mehdi Kouar p. 223 Quelle identité stratégique pour l’ASE ? Jean Dufourcq p. 241 3e PARTIE LES NOUVELLES MENACES TRANSNATIONALES Les détroits d’ASE depuis 1945 Nathalie Fau p. 249 A travers l’ASE et depuis 1945 : une criminalité maritime à deux vitesses Éric Frécon p. 289 La question environnementale en ASE : l’évolution des enjeux sécuritaires et la Chine Magali Dupetit p. 321 L’Asean, la sécurité et les nouvelles menaces Sophie Boisseau du Rocher p. 355 L’Asean et la sécurité non-traditionnelle : avant-gardisme, paralysie et déclarations d’intention Delphine Allès p. 375 Conclusion Penser l’ASE, c’est penser l’Asie et son rapport au monde Christian Lechervy p. 397 ANNEXES Chronologie sommaire p. 421 Bibliographie sélective p. 427 Les auteurs p. 445 Index des personnes citées p. 451 Index des lieux p. 457 Table des acronymes p. 469 Introduction Hugues TERTRAIS Université Paris I Panthéon-Sorbonne/ Centre d’histoire de l’Asie contemporaine Le concept régional d’Asie du Sud-Est apparaît au milieu des années 1940 pour des raisons d’ordre stratégique, porté par les puissances dans le contexte de la Seconde Guerre mondiale. Auparavant, les atlas ne nommaient que ce qui allait en devenir les composantes, Indochine ou Insulinde… Sur la durée, cela ne signifie évidemment pas que les conflits armés étaient absents de leur histoire, à la fois régionaux et liés au contact colonial : la Birmanie, par exemple, qui avait détruit la capitale siamoise Ayuthya à la fin du XVIIIe siècle, sera confrontée un siècle plus tard aux appétits de conquête de l’Inde britannique. Mais, avec le South East Asia Command (SEAC) de Mountbatten, elle apparaît comme « théâtre » régional de la Seconde Guerre mondiale, alors que les Américains – principalement – sont engagés contre les Japonais dans la reconquête du Pacifique : son périmètre apparaît certes évolutif, mais il va finir par englober, en 1945, l’essentiel des territoires que nous plaçons aujourd’hui sous le terme : une Indochine « géographique », comprise au sens large de la Birmanie au Vietnam, et l’essentiel du monde malais – Malaisie et Indonésie – à l’exception des Philippines, relevant du South West Pacific Area américain. L’expression va garder, sur toute la période qui s’ouvre alors, sa connotation stratégique, en particulier à l’issue de la guerre d’Indochine lors du Pacte de Manille (septembre 1954), qui constitue l’Organisation du Traité de l’Asie du Sud-Est (Otase/Seato) : cette dernière définit une zone de protection, couverte par le traité, principalement dirigée contre le monde communiste chinois et à laquelle sont associés plusieurs pays asiatiques (Philippines, Thaïlande, Pakistan). 4 Hugues Tertrais À l’époque de la guerre du Vietnam, dont l’enjeu dépassait largement les limites du lieu, l’organisation régionale qui se constitue se cale sur l’expression : selon les termes de la déclaration de Bangkok d’août 1967, que signent cinq pays fondateurs (Indonésie, Malaisie, Philippines, Singapour, Thaïlande), l’Association des nations de l’Asie du Sud-Est (Asean) n’a pas de vocation stratégique.

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