
<p> University of Dublin Department of French Senior Sophister Language Course Mr Parris</p><p>Students are expected to acquire and familiarize themselves with a good monolingual dictionary. Le Petit Robert is recommended; if that is ruled out, on grounds of expense, Le Micro Robert is an acceptable substitute for most purposes. Use these translation exercises to work at vocabulary, with the help of a good dictionary such as the Trésor de la langue française : http://atilf.atilf.fr/tlf.htm . As necessary, consult a good reference grammar or try: http://grammaire.reverso.net/ .</p><p>TSM French: Learning outcomes On successful completion of the degree programme, students will be able to:</p><p> communicate clearly and effectively, both orally and in writing, in English and French, with native speakers in academic, professional and social settings, organize and present ideas in English and French, within the framework of a structured and reasoned argument, oral or written, demonstrate a broad knowledge of the historical, social and cultural development of France and French speaking countries, analyse critically and independently, in English and French, a variety of texts and documents from different periods and sources, demonstrate an ability to use specific disciplines such as linguistics, literature, ideas and culture to analyse and contextualize texts, other documents, concepts and theories, translate a range of texts to and from French, with accuracy, consistency and appropriateness of register and expression, identify original research questions in one of the fields of linguistics, literature, ideas and culture and select and use appropriate methodologies and relevant resources, leading to the writing of a dissertation</p><p>1 mobilize the knowledge, strategies and skills needed for further intellectual development and independent, life-long learning as well as for undertaking further, autonomous study.</p><p>Criteria for Translation The general aim of our Translation course is to produce translations of potentially publishable quality in the domains of literary translation: literary prose (novel, short story &c), poetry, biography, history &c. On points of detail, different criteria may apply in the case of different pairs of languages, or different text types.</p><p>2) The first duty of a translation is to be faithful to the SL text (no “belles infidèles”) as far as is consonant with other important criteria. However, this does not mean that the exercise is a “comprehension test”: showing understanding is a necessary, but not a sufficient condition.</p><p>3) While accurately reflecting the SL text, the translation should read fluently in the TL. As far as possible, it should not be recognisable as a translation. There is a school of translation which thinks a foreign text should retain its foreignness, but this is seldom the effect required by commissioning editors (rightly or wrongly). Being faithful to TL style implies that the same word will not always be rendered by the same word in the translation.</p><p>4) The notion of faithfulness to TL style may require changes in construction or sentence structure. This should always be attempted where necessary, but never where there is no imperative need.</p><p>5) Translations should not be approximations of paraphrases, except where a direct translation is impossible for reasons involved with peculiarities of TL (style, available vocabulary &c).</p><p>2 6) Insofar as your chosen text has technical or cultural references, these should be researched and accurately translated. Proper names (of public figures) should be translated (“l’empereur Guillaume II d’Allemagne” = “Kaiser Wilhelm II”). The precise rules for this will vary between pairs of languages. Appropriate equivalents should be sought for cultural artefacts or institutions (does “samovar” stay as “samovar” in the name of local colour, or become “kettle”? There is no absolute rule. What to do about “salle Colbert”? Probably “National Assembly” &c).</p><p>TEXT 1 Pour bien des gens, aujourd’hui, le nom de Don Gershwin n’évoque plus rien; seul demeure dans les mémoires celui d’Amy Random. Jeune épouse d’un fermier de l’Illinois, elle avait voulu avoir comme premier enfant le garçon que son mari désirait. Sottement, mais innocemment, dans le seul naïf désir de voir Harry l’embrasser fort puis porter fièrement son fils, elle s’était procuré chez son pharmacien certaines « capsules » dont elle s’était employée à répandre la poudre sur la mousse des bières qu’elle versait à son mari. Le couple avait eu de ce fait une vie sexuelle florissante, et Harry junior était né l’hiver suivant puis Ted et Fred, des jumeaux, un an ,lus tard. Le père était comblé, mais il avait bien envie maintenant d’avoir une fille.</p><p>Toujours aussi prévenante. Amy alla voir son pharmacien pour lui demander le traitement adéquat. Hélas, se désola-t-il, le produit « inverse » n’existe pas, pas encore. Elle devait donc s’en remettre au hasard? Hélas, répéta le pharmacien, avec la virilité que son mari avait acquise – ce sont ses propres termes – il leur faudrait attendre de nombreuses années pour avoir quelque chance de donner naissance à une fille.</p><p>3 Les scientifiques se doutaient, bien évidemment, du caractère quasiment irréversible de la « substance », surtout lorsqu’elle est administrée à fortes doses; mais à Amy, aux millions d’autres utilisateurs, personne n’avait pris la peine de le signaler, </p><p>Furieuse, désespérée, rongée par la culpabilité, elle osa surmonter sa peur pour tout révéler à Harry. Pendant quelques jours, il la traita de tous les noms de sorcière, menaça de la rouer de coups et de la chasser de sa ferme. Mais l’homme n’était pas un violent, et Amy – une rouquine un peu boulotte, au nez pailleté de taches, et aux yeux constamment étonnés – savait si bien l’attendrir. Bientôt ils se rendirent, 1a main dans la main, chez leur avocat ; lequel, se sachant plus compétent dans les litiges entre banques et fermiers que dans les querelles médicales, leur conseilla de s’adresser à la firme Gershwin and Gershwin, de Chicago.</p><p>Le couple promettait la potence au pharmacien du comté; Don Gershwin les persuada de s’en prendre directement aux fabricants. </p><p>AMIN MAALOUF, Le Premier siècle après Béatrice, 1992</p><p>TEXT 2 La France, depuis quelques décennies, se flatte d’être la terre sainte de la Modernité. «Notre modernité», aimait à écrire Roland Barthes, avec un mélange de fierté ombrageuse et de décente tristesse. Au seul mot de «moderne», on a appris en France à se mettre au garde-à-vous: il suffit de prévenir qu’une idée, même saugrenue, un trait de mœurs, même odieux, un homme, même bas, un mobilier, même hideux, est moderne et aussitôt personne n’ose plus élever le moindre murmure, et aussitôt en confiance tout le monde applaudit. Même si une nuance de doute et de prudence s’est introduite depuis quelque temps dans les cercles les plus avertis, l’Administration s’en tient à ce critère de jugement, et les provinces, plus longues à convertir, s’y sont ralliées avec retard, mais aussi avec un emportement de nouveaux convertis. Il n’est pas de projet choquant pour le bon sens qui ne suscite désormais, dans les municipalités et les conseils généraux ou régionaux, un ralliement passionné pour peu que l’argument «moderne» soit dûment invoqué. En dépit des réserves qui se font jour dans les conversations privées, nous</p><p>4 vivons toujours en France sous le règne d’une Modernité d’État. C’est une Modernité tardive, comme on parle maintenant d’Antiquité tardive et non plus de Haut Moyen-Âge. Elle ne l’est pas seulement par la chronologie, car elle ne date, sous sa forme actuelle, que des années 60. Elle l’est aussi par sa psychologie, qui est impatiente et nerveuse, tout entière rattrapage, recyclage, affectation forcée et forçant les étapes pour cacher un retard imaginaire ou réel. Rien n’est plus impérieux et intolérant que la volonté de surchauffe qui tient lieu de discernement et de tact dans la décision et l’action.</p><p>Ruisselante et légère, elle feignait de s’endormir dans le sable, la tête sous le bras replié, pour ne pas répondre aux questions, ne pas être obligée de réfléchir aux mystérieux rapports de la mer et de la forêt, bercée par les échos de cors de chasse et de conques marines dont son cœur paraissait rempli. (MARC FUMAROLI)</p><p>TEXT 3 C’était l’indolence de la plage. Le soleil se voilait, enveloppant d’une même clarté diffuse et sans rayons la plage avec ses tentes rayées de bleu et de vert et ses parasols à demi renversés, les maisons blanches en retrait dont les vitres se teignaient d’une lueur magique, la sombre verdure du rivage de Ciboure, les voiles arrêtées sur la mer, attendant le souffle de la nuit. Le vendeur de glaces passait sur une crête de sable, levant haut ses pas comme un cheval, faisant résonner son cri monotone. Un homme portait un enfant au-dessus des vagues comme un saint Christophe. Une jeune fille aux seins tremblants répandait ses longs cheveux sur la poitrine d’un compagnon, qui souriait avec attendrissement. Un jeune homme, assis sur les talons, ses longues cuisses dressées comme des ailes, préparait son canot. Une bande de garçons courait le long de la mer, dans l’exaltation de la marée, du jeu, de leur jeunesse. Assise sur un pliant, au milieu d’un groupe de petites filles aux maillots bariolés, une religieuse, dans ses longs voiles noirs, surveillait l’horizon comme une sauvage et immobile déesse des grèves. Bertrand se disputait avec ses camarades, accourait vers sa mère en pleurant, souriait à une petite fille qui le contemplait d’un air moqueur. Lorraine le menait à un des petits lacs que la mer en se retirant laissait au creux du sable, puis, tandis qu’il barbotait, son petit seau bleu ciel à la main, elle revenait s’étendre auprès de son mari, inclinant la nuque sous la caresse du couchant. (JACQUES MERCANTON)</p><p>5 TEXT 4 Depuis bientôt un an, je cherche le moyen d’attaquer ce: qu’il faut bien que j’appelle ma seconde, la nouvelle vie. Je tourne autour d’images, de sensations, de couleurs. Et e les trouve pâles, trop pâles pour les rendre, si lointaines que j’en désespère. Jamais cela ne fera une histoire à raconter. </p><p>Mais je sais que la mémoire a ses raisons et ses. chemins. J’ai fini par me dire: ça viendra. Depuis des mois, je souhaite (sans le chercher) un incident comme celui de la petite madeleine de Proust – la résurgence de cette gouttelette irisée qu’il faut saisir au vol. </p><p>C’ est arrivé. </p><p>Je viens de passer presque un mois à Lausanne où je n’habite plus. L’autre jour, sans le vouloir (mais ce n’est sans doute pas un hasard), j’ai emprunté un itinéraire ancien, abandonné depuis longtemps parce que rien ne demandait plus que je fréquente ce quartier-là. Une rue bordée de quelques maisons et de beaucoup de jardins. Dans un renfoncement, au rez-de-chaussée d’un locatif les années Quarante construit en. retrait en prévision — déjà – d’un élargissement de la chaussée, quelques magasins: une laiterie, un tapissier, une épicerie et un minuscule boulangerie. Je longeais distraitement quelques vitrines, engoncée dans mon manteau pour me protéger du froid, lorsqu’une pancarte a accroché mon regard: « Biscômes maison »1. </p><p>Nous étions au début de décembre – rien d’exceptionnel à ce que les boulangers annoncent les biscômes. Ce qui m’a retenue, c’est la pancarte elle-même. Une pancarte très élaborée, écrite soigneusement d’une main d’écolier, décorée d’images d’il y a trente</p><p>1 BISCÔME, subst. masc. Helvétisme. Pain d'épice plat, de couleur brune, qui porte souvent en guise d'ornement, l'image d'un ours (armoiries de Berne), de St Nicolas, ou du Père Noël. Les poches bourrées de biscômes (G. DE POURTALÈS, La Pêche miraculeuse, Paris, Gallimard, 1937, p. 19) : Je colportais les pains d'épices, en ce temps-là, les biscômes bernois au miel et à l'anis avec dessus un ours en sucre qui tire une langue rose comme une fraise. J. CHESSEX, Portrait des Vaudois, Lausanne, 1969, p. 45.</p><p>6 ans. Tout cela était posé, ;ollé, écrit sur un carton qui avait été blanc mais qui s’était patiné. </p><p>Je suis restée là, gluée à la vitrine malgré la bise noire, cinq bonnes minutes. Cette pancarte... Cette pancarte... Pourquoi est-ce que...? </p><p>Et soudain j’ai VU. Cette pancarte, c’était moi qui l’avais faite. </p><p>Anne Cunéo Le Temps des loups blancs, 1982</p><p>TEXT 5 Il y a quelques années, Roland Barthes a parlé de « la pression rigoureusement égale » qui s’exerce à la surface du récit de Robbe-Grillet. Avec le roman traditionnel, nous sautons de crise en crise, comme si le rythme des mouvements de nos yeux au cours de notre lecture « devait reproduire la hiérarchie même de l’univers classique, doté de moments tour à tour pathétiques et insignifiants ». Chez Robbe-Grillet en revanche — du moins chez Robbe-Grillet tel que Barthes le voyait en 1955 — aucun moment de son écriture n’a plus de poids que n’importe quel autre. Or, ce que Barthes appelle les « moments insignifiants » de la littérature traditionnelle appartient, à mon avis, à un univers saturé de sens. Il n’est pas tout à fait exact que le récit littéraire classique alterne le significatif et l’insignifiant ; le sens n’y fait jamais défaut. En fait on pourrait dire qu’à certains moments de l’histoire, les halètements de la machine narrative se font un peu plus énergiques qu’à d’autres, alors que le reste du temps il est possible, en quelque sorte, de rouler sur sa lancée. (Les passages plus tranquilles de la littérature réaliste expriment également l’enlisement du sens dans le temps. La durée use, dans une certaine mesure, la signification, bien que, à quelques rares exceptions près — Flaubert constitue l’une d’elles —, un certain affadissement du sens avec le temps ne mette pas radicalement en doute le sens lui-même.) Le lecteur de roman bien entraîné sait quand il lui faut ouvrir l’œil et prêter l’oreille avec une attention particulière. Dans les épisodes privilégiés de la littérature traditionnelle, certains sens qui animent le récit tout en entier sont ouvertement mis en scène ou plus explicitement exprimés. Par contre, même quand des écrivains contemporains tels que Robbe-Grillet, Sollers ou Thomas Pynchon se</p><p>7 permettent des épisodes clés, des passages clairement privilégiés, ils semblent nous mettre au défi de les considérer comme des énoncés définitifs ou entièrement sérieux. Et cette absence ou parodie de moments particulièrement significatifs correspond à une diffusion du sens ou, à l’extrême, à sa non-pertinence, ou même à une absence de toute signification d’ensemble. Dans un univers romanesque privé d’un sens global, tous les événements sont d’une égale importance. Aucune structure de signification n’est assez puissante pour pouvoir réunir tous les fragments de sens en un seul système. (Léo Bersani)</p><p>TEXT 6 En septembre 2005, Gazprom a annoncé la construction, pour 2010, d'un gazoduc de 1 200 km sous la mer Baltique. L'un des objectifs est de contourner la Pologne et l'Ukraine et donc d’éviter les coûts de transit et les risques d'éventuels « prélèvements non sanctionnés » (selon l'expression de Gazprom).</p><p>La société est cotée à la bourse de Londres depuis le 1er janvier 2006 et a presque doublé de valeur en deux mois à la suite de la crise avec l'Ukraine. Les investisseurs internationaux détiennent environ 20% du capital, l'État russe, 50% plus une action, le reste étant réparti entre des détenteurs russes et étrangers.</p><p>Pour maintenir le niveau de ses exportations, Gazprom doit mettre en production les champs de la péninsule de Yamal et pour cela investir des dizaines de milliards de dollars, alors même que le prix très bas du gaz sur le marché russe (3/4 des débouchés de Gazprom) ne permet pas de payer ces investissements. Les prix internes de Gazprom pour le gaz s'échelonnaient, fin 2005, de 25 à 48 $ / 1000 mètres cubes, tandis qu'ils dépassaient les 200 $/1000 mètres cubes pour ses clients étrangers. </p><p>Malgré une privatisation partielle sous la présidence de Boris Eltsine, la société Gazprom reste toujours sous un contrôle étroit de l'État russe, qui, de 2004 à 2006, a fait passer sa part dans le capital de 38% à plus de 50%. Elle domine le marché gazier russe et mondial.</p><p>Cette position de force dans un contexte d'une hausse mondiale de la demande, permettrait au Kremlin d'exercer potentiellement des pressions sur les pays clients (ex- républiques soviétiques, Europe centrale et occidentale) dont certains sont dépendants à</p><p>8 90-100% des fournitures russes.</p><p>D'ores et déjà, Gazprom exige de plus en plus fort d'avoir des droits d'accès à la distribution du gaz en Europe, dans le but d'être présent tout au long du circuit gazier — de l'amont jusqu'en aval —, tout en préservant sa position dominante dans le domaine de l'extraction en Russie.</p><p>Dans le but affiché de sécuriser l'approvisionnement en gaz de l'Europe de l'Ouest, un grand projet de gazoduc avec l'Allemagne via la mer Baltique a été lancé en grande pompe. Il permet d'éviter le transit par des pays tiers, accusés par Gazprom de surcharger les droits de transit (Pologne) ou de voler du gaz (Ukraine).</p><p>(Wikipédia)</p><p>TEXT 7 La Maison Tellier</p><p>On allait là, chaque soir, vers onze heures, comme au café, simplement.</p><p>Ils s'y retrouvaient à six ou huit, toujours les mêmes, non pas des noceurs, mais des hommes honorables, des commerçants, des jeunes gens de la ville; et l'on prenait sa chartreuse en lutinant quelque peu les filles, ou bien on causait sérieusement avec Madame, que tout le monde respectait.</p><p>Puis on rentrait se coucher avant minuit. Les jeunes gens quelquefois restaient.</p><p>La maison était familiale, toute petite, peinte en jaune, à l'encoignure d'une rue derrière l'église Saint-Étienne; et, par les fenêtres, on apercevait le bassin plein de navires qu'on déchargeait, le grand marais salant appelé «la Retenue» et, derrière, la côte de la Vierge avec sa vieille chapelle toute grise.</p><p>Madame, issue d'une bonne famille de paysans du département de l'Eure, avait accepté cette profession absolument comme elle serait devenue modiste ou lingère. Le préjugé du</p><p>9 déshonneur attaché à la prostitution, si violent et si vivace dans les villes, n'existe pas dans la campagne normande. Le paysan dit:«C'est un bon métier»; et il envoie son enfant tenir un harem de filles comme il l'enverrait diriger un pensionnat de demoiselles.</p><p>Cette maison, du reste, était venue par héritage d'un vieil oncle qui la possédait Monsieur et Madame, autrefois aubergistes près d'Yvetot, avaient immédiatement liquidé, jugeant l'affaire de Fécamp plus avantageuse pour eux; et ils étaient arrivés un beau matin prendre la direction de l'entreprise qui périclitait en l'absence des patrons.</p><p>C'étaient de braves gens qui se firent aimer tout de suite de leur personnel et des voisins.</p><p>Monsieur mourut d'un coup de sang deux ans plus tard. Sa nouvelle profession l'entretenant dans la mollesse et l'immobilité, il était devenu très gros, et la santé l'avait étouffé.</p><p>Madame, depuis son veuvage, était vainement désirée par tous les habitués de l'établissement; mais on la disait absolument sage, et ses pensionnaires elles-mêmes n'étaient parvenues à rien découvrir. (Guy De Maupassant)</p><p>TEXT 8 Journal</p><p>Arbres d'hiver dessinés à la plume. Le marronnier dresse ses baïonnettes. Le saule aux cheveux secs est tout ébouriffé. </p><p>Les Philippe. Ils oublient de fermer les portes. Ils chauffent leurs cheminées, mais pas eux. Ils ne voient ni n'entendent personne. Les mendiants même ne viennent plus tirer la sonnette, frapper à la porte. </p><p>-- Il fait trop froid, dit Philippe, et ils sont plus riches que nous. Pendant l'hiver, ils</p><p>10 peuvent se retirer dans leurs châteaux. </p><p>Certainement, ils sont plus riches que lui. </p><p>Les Philippe n'ont eu qu'une alerte. Ils dormaient. Tout à coup ils furent réveillés par une forte détonation. Au clair de la lune qui était entrée dans la chambre et l'illuminait comme une flambée de chènevottes, Ils se regardaient, assis sur leur lit, tout pâles de lune et d'effroi. </p><p>Longtemps, ils se demandèrent ce que ce pouvait être, n'osant pas remuer. Ce fut elle qui s'aperçut la première que le balancier de l'horloge ne marchait plus. Elle n'en eut que plus peur. Philippe s'enhardit et se leva, pieds nus. Tout s'expliqua. </p><p>La corde d'un des poids avait cassé, et le poids était tombé avec un bruit de canon, ébranlant tout. Philippe voulait le raccrocher, mais elle lui dit : </p><p>-- Tu le raccrocheras aussi bien demain ! </p><p>Ils se rendormirent, après avoir bien ri et bien répété à l'horloge détraquée : </p><p>-- Mâtine ! Tu nous en as fait, une peur ! (Jules Renard)</p><p>11 TEXT 9 Le Diable au corps</p><p>Je vais encourir bien des reproches. Mais qu'y puis-je ? Est-ce ma faute si j'eus douze ans quelques mois avant la déclaration de la guerre ? Sans doute, les troubles qui me vinrent de cette période extraordinaire furent d'une sorte qu'on n'éprouve jamais à cet âge ; mais comme il n'existe rien d'assez fort pour nous vieillir malgré les apparences, c'est en enfant que je devais me conduire dans une aventure où déjà un homme eût éprouvé de l'embarras. Je ne suis pas le seul. Et mes camarades garderont de cette époque un souvenir qui n'est pas celui de leurs aînés. Que ceux déjà qui m'en veulent se représentent ce que fut la guerre pour tant de très jeunes garçons : quatre ans de grandes vacances. </p><p>Nous habitions à F..., au bord de la Marne. </p><p>Mes parents condamnaient plutôt la camaraderie mixte. La sensualité, qui naît avec nous et se manifeste encore aveugle, y gagna au lieu de s'y perdre. </p><p>Je n'ai jamais été un rêveur. Ce qui me semble rêve aux autres, plus crédules, me paraissait à moi aussi réel que le fromage au chat, malgré la cloche de verre. Pourtant la cloche existe. </p><p>La cloche se cassant, le chat en profite, même si ce sont ses maîtres qui la cassent et s'y coupent les mains. </p><p>Jusqu'à douze ans, je ne vois aucune amourette, sauf pour une petite fille, nommée Carmen, à qui je fis tenir, par un gamin plus jeune que moi, une lettre dans laquelle je lui exprimais mon amour. Je m'autorisais de cet amour pour solliciter un rendez-vous. Ma lettre lui avait été remise le matin avant qu'elle se rendît en classe. J'avais distingué la seule fillette qui me ressemblât, parce qu'elle était propre, et allait à l'école accompagnée d'une petite, comme moi de mon petit frère. Afin que ces deux témoins se tussent, j'imaginai de les marier, en quelque sorte. A ma lettre, j'en joignis donc une de la part de</p><p>12 mon frère, qui ne savait pas écrire, pour Mlle Fauvette. J'expliquai à mon frère mon entremise, et notre chance de tomber juste sur deux soeurs de nos âges et douées de noms de baptêmes aussi exceptionnels. J'eus la tristesse de voir que je ne m'étais pas mépris sur le bon genre de Carmen, lorsque après avoir déjeuné, avec mes parents qui me gâtaient et ne me grondaient jamais, je rentrai en classe. </p><p>A peine mes camarades à leurs pupitres -- moi en haut de la classe, accroupi pour prendre dans un placard, en ma qualité de premier, les volumes de la lecture à haute voix --, le directeur entra. Les élèves se levèrent. Il tenait une lettre à la main. Mes jambes fléchirent, les volumes tombèrent, et je les ramassai, tandis que le directeur s'entretenait avec le maître. Déjà, les élèves des premiers bancs se tournaient vers moi, écarlate, au fond de la classe, car ils entendaient chuchoter mon nom. Enfin, le directeur m'appela, et pour me punir finement, tout en n'éveillant, croyait-il, aucune mauvaise idée chez les élèves, me félicita d'avoir écrit une lettre de douze lignes sans aucune faute. Il me demanda si je l'avais bien écrite seul, puis il me pria de le suivre dans son bureau. Nous n'y allâmes point. Il me morigéna dans la cour, sous l'averse. Ce qui troubla fort mes notions de morale, fut qu'il considérait comme aussi grave d'avoir compromis la jeune fille (dont les parents lui avaient communiqué ma déclaration), que d'avoir dérobé une feuille de papier à lettres. Il me menaça d'envoyer cette feuille chez moi. Je le suppliai de n'en rien faire. Il céda, mais me dit qu'il conservait la lettre, et qu'à la première récidive il ne pourrait plus cacher ma mauvaise conduite. (Radiguet)</p><p>TEXT10 The Collapse Of Capitalistic Government</p><p>Civilization, I apprehend, is nearly synonymous with order. However much we may differ touching such matters as the distribution of property, the domestic relations, the law of inheritance and the like, most of us, I should suppose, would agree that without order civilization, as we understand it, cannot exist. Now, although the optimist contends that, since man cannot foresee the future, worry about the future is futile, and that</p><p>13 everything, in the best possible of worlds, is inevitably for the best, I think it clear that within recent years an uneasy suspicion has come into being that the principle of authority has been dangerously impaired, and that the social system, if it is to cohere, must be reorganized. So far as my observation has extended, such intuitions are usually not without an adequate cause, and if there be reason for anxiety anywhere, it surely should be in the United States, with its unwieldy bulk, its heterogeneous population, and its complex government. Therefore, I submit, that an hour may not be quite wasted which is passed in considering some of the recent phenomena which have appeared about us, in order to ascertain if they can be grouped together in any comprehensible relation.</p><p>About a century ago, after, the American and French Revolutions and the Napoleonic wars, the present industrial era opened, and brought with it a new governing class, as every considerable change in human environment must bring with it a governing class to give it expression. Perhaps, for lack of a recognized name, I may describe this class as the industrial capitalistic class, composed in the main of administrators and bankers. As nothing in the universe is stationary, ruling classes have their rise, culmination, and decline, and I conjecture that this class attained to its acme of popularity and power, at least in America, toward the close of the third quarter of the nineteenth century. </p><p>(Brooks Adams) Text 11 The Earthquake</p><p>THE train from ‘Frisco was very late. It should have arrived at Hugson’s siding at midnight, but it was already five o’clock and the gray dawn was breaking in the east when the little train slowly rumbled up to the open shed that served for the station-house. As it came to a stop the conductor called out in a loud voice:</p><p>“Hugson’s Siding!”</p><p>At once a little girl rose from her seat and walked to the door of the car, carrying a wicker suit-case in one hand and a round bird-cage covered up with newspapers in the other,</p><p>14 while a parasol was tucked under her arm. The conductor helped her off the car and then the engineer started his train again, so that it puffed and groaned and moved slowly away up the track. The reason he was so late was because all through the night there were times when the solid earth shook and trembled under him, and the engineer was afraid that at any moment the rails might spread apart and an accident happen to his passengers. So he moved the cars slowly and with caution.</p><p>The little girl stood still to watch until the train had disappeared around a curve; then she turned to see where she was.</p><p>The shed at Hugson’s Siding was bare save for an old wooden bench, and did not look very inviting. As she peered through the soft gray light not a house of any sort was visible near the station, nor was any person in sight; but after a while the child discovered a horse and buggy standing near a group of trees a short distance away. She walked toward it and found the horse tied to a tree and standing motionless, with its head hanging down almost to the ground. It was a big horse, tall and bony, with long legs and large knees and feet. She could count his ribs easily where they showed through the skin of his body, and his head was long and seemed altogether too big for him, as if it did not fit. His tail was short and scraggly, and his harness had been broken in many places and fastened together again with cords and bits of wire. The buggy seemed almost new, for it had a shiny top and side curtains. Getting around in front, so that she could look inside, the girl saw a boy curled up on the seat, fast asleep.</p><p>She set down the bird-cage and poked the boy with her parasol. Presently he woke up, rose to a sitting position and rubbed his eyes briskly.</p><p>“Hello!” he said, seeing her, “are you Dorothy Gale?”</p><p>“Yes,” she answered, looking gravely at his tousled hair and blinking gray eyes. “Have you come to take me to Hugson’s Ranch?”</p><p>“Of course,” he answered. “Train in?”</p><p>“I couldn’t be here if it wasn’t,” she said.</p><p>15 (L. Frank Baum)</p><p>TEXT 12 Before the letter came, Peter was ready to give up hope. He had begun talking to me about returning to Bradford and finding mill work at Mitchell Bros., through the Huff connection. The thought of living in that low-lying black town, perhaps in a house like his mother’s, perhaps living with his mother, perhaps becoming a mill-girl myself, made me feel sick. I said nothing at all. I was twenty years old, and drilling myself to accept the likelihood that the best of my life was over. I repeated to myself my marriage vows — for richer for poorer, for better for worse. I believe that I would have kept my vows in that grim instance, and endured a ruined life. </p><p>And yet I was play-acting. I know many people, not just myself, have a secret belief that something unforeseeable will transform their lives. Jane, in the kitchen, used to say to me, ‘I’ll lave rings on me fingers and feathers in me ’at one of these days, Miss, you wait and see. I’m just waiting on for my Prince Charming to turn up. He’s taking his time, I’ll grant you.’ It was joke, the shreds of her dreams, and it kept her going. My belief was not of that nature. It was a premonition. </p><p>The mention of Bradford was before the fire at Mitchell’s in mid-May, which caused £150,000-worth of damage and left the firm in difficulties. They would not be taking on more hands for a while. Peter’s despair was lightened, ironically, by the news the fire was caused by the explosion of a gas engine. These horrors were happening all the time. </p><p>Electricity does not explode, he said, sitting in his bed in his undershirt, unshaven, unwashed, coughing like his mother. It was a bad spring that year, 1885; there was snow on the ground into April. Peter caught a cold which would not go away. </p><p>(Victoria Glendenning, Electricity)</p><p>16 TEXT 13 Sometimes Victor thought he had educated himself from magazines. Most of the information stored in his brain seemed to have come from them. Perhaps reading magazines ran in his family or perhaps it was a passion that showed itself only in himself and Muriel, for he couldn’t remember his father or mother ever reading anything much. But he could remember Muriel bringing him comics when he was very young, and perhaps the habit had started then. </p><p>An article in a magazine had led him to believe he might cure himself of his phobia. This was years ago, before prison, before the house in Solent Gardens, before he took Sydney’s gun. The article said that the method it outlined was derived from modern psychotherapy treatment - only you proceeded on your own without the psychotherapist. You began by looking at pictures of the thing you feared. A week or two before this, a nature magazine had been among the ones Victor had bought and the centrefold was devoted to a feature on terrestrial turtles of North America, Principally to the courtship ritual of the gopher tortoise. Catching a glimpse of this, barely more than that, Victor had slammed the magazine shut and put another magazine on top of it so that he shouldn’t even see the cover. The cover was innocuous enough, being of a butterfly poised on the lip of an orchid, but because Victor knew what was inside, this innocent and in fact very beautiful photograph was enough to start a shiver up his spine. He did not throw he magazine away though, because there was another article in it he very much wanted to read - if he had the courage to touch even the outer pages again. Up till he had read the piece about the modern psychotherapy , he hadn’t had that courage. Well, he would try.</p><p>(Ruth Rendell Live Flesh)</p><p>TEXT 14 Actually, no one was around when Yossarian returned from the hospital but Orr and the dead man in Yossarian’s tent. The dead man in Yossarian’s tent was a pest, and Yossarian didn’t like him, even though he had never seen him. Having him lying around all day annoyed Yossarian so much that he had gone to the orderly room several times to Sergeant Towser, who refused to admit that the dead man even existed, which, of course, he no longer did. It was still more frustrating to try to appeal directly to</p><p>17 Major Major, the long and bony squadron commander, who looked a little bit like Henry Fonda in distress and went jumping out the window of his office each time Yossarian bullied his way past Sergeant Towser to speak to him about it. The dead man in Yossarian’s tent was simply not easy to live with. He even disturbed Orr,who was not easy to live with, either, and who, on the day Yossarian came back was tinkering with the faucet hat fed gasoline into the stove he had started building while Yossarian was in the hospital. </p><p>Joseph Heller Catch 22</p><p>TEXT 15 Walter had a friend — Felicité Blum-Weiler-Bloch, the owner of the Afghan hound. When Walter complained about the temperature of the gallery, she gave him a scarf,a sweater, an old flannel bed-sheet, and a Turkey carpet. Walter decided to make a present of the carpet to Speck. </p><p>“Get that thing out of my gallery ,” said Speck. </p><p>“It’s really from Felicité.” I don’t want her here, either,” said Speck. “Or the dog.” </p><p>Walter proposed spreading the carpet on the floor in the basement. “I spend a lot of time there,” he said. “My feet get cold.” </p><p>“I want it out,” said Speck. </p><p>Later that day Speck discovered Walter down in the framing room, holding a vacuum cleaner. The Turkey carpet was spread on the floor. A stripe of neutral colour ran through the pattern of mottled reds and blues. Looking closer, Speck saw it was warp and weft. “Watch,” said Walter. He switched on the vacuum; another strip of colour vanished. “The wool lifts right out,” said Walter. </p><p>18 “I told you to get rid of it,” said Speck, trembling. </p><p>“Why? I can still use it.” “I won’t have my gallery stuffed with filth.” </p><p>You’ll never have to see it. You hardly ever come down here.” He ran the vacuum, drowning Speck’s reply. Over the noise Walter yelled, “It will look better when it’s all one colour.” </p><p>Speck raised his voice to the Right Wing pitch heard during street fights: “Get it out! Get it out of my gallery!” </p><p>(Mavis Gallant)</p><p>Text 16 The Heart of Darkness</p><p>One evening as I was lying flat on the deck of my steamboat, I heard voices approaching - and there were the nephew and the uncle strolling along the bank. I laid my head on my arm again, and had nearly lost myself in a doze, when somebody said in my ear, as it were: ‘I am as harmless as a little child, but I don’t like to be dictated to. Am I the manager - or am I not? I was ordered to send him there. It’s incredible.’... I became aware that the two were standing on the shore alongside the forepart of the steamboat, just below my head. I did not move; it did not occur to me to move: I was sleepy. ‘It is unpleasant,’ grunted the uncle. ‘He has asked the Administration to be sent there,’ said the other, ‘with the idea of showing what he could do; and I was instructed accordingly. Look at the influence that man must have. Is it not frightful?’ They both agreed it was frightful, then made several bizarre remarks: ‘Make rain and fine weather - one man - the Council - by the nose’ - bits of absurd sentences that got the better of my drowsiness, so that I had pretty near the whole of my wits about me when the uncle said, ‘The climate may do away with this difficulty for you. Is he alone there?’ ‘Yes,’ answered the manager; ‘he sent his assistant down the river with a note to me in these terms: “Clear</p><p>19 this poor devil out of the country, and don’t bother sending more of that sort. I had rather be alone than have the kind of men you can dispose of with me.” It was more than a year ago. Can you imagine such impudence!’ ‘Anything since then?’ asked the other hoarsely. ‘Ivory,’ jerked the nephew; ‘lots of it - prime sort - lots - most annoying, from him.’ ‘And with that?’ questioned the heavy rumble. ‘Invoice,’ was the reply fired out, so to speak. Then silence. They had been talking about Kurtz. (Joseph Conrad)</p><p>Text 17 The theatrical set was dominated by Ivor Novello, the musical-commedy star. Ivor was so beautiful he might have posed for Donatello as the youthful David. He was also competent to write the books, lyrics, and melodies of the romantic shows in which he starred. [...] Almost every night after the theatre Ivor and his fun-loving mother received fellow artists, among them Noel Coward, Gertie Lawrence, and Bea Lillie, a trio just emerging into fame. The excitement of going to Ivor’s began with a ride in a rickety lift so small that London’s favorite fat boy, Henry Sherek, had to climb the stairs. (Today Ivor’s apartment has been taken over by business offices but a brass plaque on the door serves to commemorate the glamour of its past.) One of London’s most fashionable hostesses was the dashing Mrs Jean Norton, who enjoyed the attentions of the Prince of Wales and was one of several precursors of the young American who was later to become the Duchess of Windsor. Mrs Norton frequently entertained in her town house, inviting Americans of whom His Highness was particularly fond; among them Fred and Adèle Astaire and George Gershwin. We used to hang over Jean Norton’s piano half the night, listening to George improvize. But through it all I would be preoccupied: Where are you, Mr E.? I’d be mentally asking. Fred Astaire gave lessons in tap dancing2 to the Prince of Wales. His Highness sneaked Fred into the palace through a side doorway; nobody was supposed to know that Fred had ordered his august pupil a pair of dance shoes fitted with metal tips for tapping3. </p><p>2 danse à claquettes 3 claquettes </p><p>20 Adele’s situation in London was unique; wherever she went, in the street or theatre lobbies, Dellie was besieged by fans for whom she was happy to oblige with a few Charleston steps; a procedure which irked the self-effacing Fred. One of Dellie’s great amusements was, and still is, to shock her tremendously correct brother. </p><p>(Anita Loos)</p><p>Text 18</p><p>Who does not know Turner’s picture of the Golden Bough? The scene, suffused with the golden glow of imagination in which the divine mind of Turner steeped and transfigured even the fairest natural landscape, is a dream-like vision of the little woodland lake of Nemi— “Diana’s Mirror,” as it was called by the ancients. No one who has seen that calm water, lapped in a green hollow of the Alban hills, can ever forget it. The two characteristic Italian villages which slumber on its banks, and the equally Italian palace whose terraced gardens descend steeply to the lake, hardly break the stillness and even the solitariness of the scene. Diana herself might still linger by this lonely shore, still haunt these woodlands wild.</p><p>In antiquity this sylvan landscape was the scene of a strange and recurring tragedy. On the northern shore of the lake, right under the precipitous cliffs on which the modern village of Nemi is perched, stood the sacred grove and sanctuary of Diana Nemorensis, or Diana of the Wood. The lake and the grove were sometimes known as the lake and grove of Aricia. But the town of Aricia (the modern La Riccia) was situated about three miles off, at the foot of the Alban Mount, and separated by a steep descent from the lake, which lies in a small crater-like hollow on the mountain side. In this sacred grove there grew a certain tree round which at any time of the day, and probably far into the night, a grim figure might be seen to prowl. In his hand he carried a drawn sword, and he kept peering warily about him as if at every instant he expected to be set upon by an enemy. He was a priest and a murderer; and the man for whom he looked was sooner or later to murder him and hold the priesthood in his stead. Such was the rule of the sanctuary. A candidate for the priesthood could only succeed to office by slaying the priest, and having slain</p><p>21 him, he retained office till he was himself slain by a stronger or a craftier.</p><p>(Sir James Frazer)</p><p>Write a résumé in French of approximately 250 words; avoid reproducing the text and use your own wording as far as possible:</p><p>(a) Ce recueil d’essais voudrait, à partir d’un ensemble d’œuvres théoriques du tournant et du premier tiers de notre siècle, esquisser une typologie des rapports qu’entretiennent les domaines de l’éthique et de l’esthétique dans les premiers débats sur la modernité de culture allemande. Max Weber, Gustav Landauer, Leo Popper, György Lukács et Siegfried Kracauer—de leurs positions traitent essentiellement les études suivantes—appartiennent à deux générations successives, nées dans les années 60 et dans la seconde moitié des années 80 du siècle dernier. Ce sont avant tout des “essayistes” qui ont écrit en allemand dans les grands centres intellectuels de l’Europe centrale: Budapest, Vienne, Munich, Heidelberg et Berlin. Leurs œuvres renvoient aux ruptures théoriques qui s’effectuent dans la pensée allemande après Nietzsche et qui sont particulièrement repérables dans l’espace s’ouvrant entre la sociologie naissante et la critique esthétique. Chacun des penseurs autour desquels sont organisés les chapitres de ce recueil fait sienne ce que l’on pourrait traduire par une “éthique” répondant à l’éclatement des modalités sociales traditionnelles, à ce pour quoi Max Weber a forgé le terme de “désenchantement du monde”. En dépit de pôles d’intérêts et de directions de pensée très différents, ils ont entre autres en commun de réfléchir aux conséquences esthétiques— dans le champ de la perception ou celui de la production—d’une modernité, tout d’abord économique et technique, qui a fait une irruption brutale en Allemagne et en Autriche- Hongrie pendant le dernier tiers du XIXe siècle. Qu’à partir d’un questionnement analogue ces auteurs développent des types de réponses divergents, est précisément ce qui a présidé à la construction de l’ouvrage. Nous avons été guidé dans notre choix par la “singularité” (au sens de conséquence théorique) de leur position dans le champ intellectuel de l’époque, par la diversité des matériaux, en particulier esthétiques, à partir</p><p>22 desquels leur réflexion se déploie, enfin par la forte complémentarité de leurs points de vue. L’idée était d’esquisser une “constellation” théorique dont les points extrêmes, ou de différenciation, seraient reliés par des oppositions multiples. Le recueil serait en ce sens à lire comme l’on observe une mosaïque, les figures d’ensemble ne devenant visibles que par la juxtaposition des fragments qui la composent. Qui sont ces auteurs, quels sont leurs champs d’investigation? Essayiste anarcho- socialiste et cofondateur de la Neue Freie Volksbühne berlinoise à la fin du siècle dernier, Gustav Landauer, participe pleinement à l’essor du jeune théâtre moderne en Allemagne; la vision esthétique des différents auteurs qu’il contribue à faire découvrir, tels Hofmannsthal, Strindberg et Georg Kaiser, trouve un contrepoint adéquat dans l’attitude “antipolitique” d’origine tolstoïenne qui caractérise son activité jusque dans la Commune de Bavière. Depuis Budapest, Leo Popper s’essaye de son côté à une théorie des arts plastiques qui, en véritable éthique du matériau, serait le pendant de la critique du langage exercée à Vienne par Karl Kraus dans le domaine littéraire et journalistique; l’art populaire à la périphérie européenne et la modernité française, Maillol, Rodin et Cézanne, sont au centre de ses essais dans lesquels s’ébauche, dès la première décennie du siècle, une première théorie de l’abstraction. Après s’être attaché à formuler une théorie du drame moderne, le jeune György Lukács, un des proches amis de Popper, se tourne finalement vers les formes épiques. La singularité du roman flaubertien et, plus encore, le dépassement définitif de la forme romanesque chez Dostoïevski, prophète d’un monde tout autre, constitueront les moments forts de La Théorie du roman qu’il rédige pendant la guerre. La réflexion esthétique s’y avère être le prétexte à une “théologie politique” implicite, noyau d’une philosophie de l’histoire eschatologique. Cet ouvrage, on le sait, n’en constituera pas moins un des textes décisifs pour les débuts de la “théorie critique”, en particulier chez Walter Benjamin et Theodor W. Adorno. Proche de ces derniers dans les années vingt-trente, Siegfried Kracauer devient, à la suite de débuts en sociologie, rédacteur de feuilleton au Frankfurter Zeitung, puis l’un des grands critiques de cinéma de la République de Weimar. L’affinité particulière de ce nouvel art avec l’aperception propre à la grande ville moderne en fait un sujet privilégié de critique sociale. Kracauer sera l’avocat le plus farouche de l’irréductibilité du nouveau</p><p>23 médium aux arts classiques, et son éloge des médias cinématographiques, qui atteindra son point culminant dans la Théorie du film pendant l’exil américain, se révèle être une “éthique de la visibilité” en rupture foncière avec toute philosophie de l’histoire. A travers une réflexion sur l’évolution des formes d’art, ces auteurs esquissent non seulement une analyse de ce mouvement de société incontrôlé qui mène à la catastrophe de la première guerre mondiale puis au fascisme, mais aussi de nouvelles normes pour un monde qui perd tout rapport à la tradition. Que le débat esthétique recouvre au plus haut degré un débat d’ordre éthique et que ce soit là une caractéristique de l’époque, tel est précisément le point de vue de Max Weber, tel est également le point de départ de sa critique méthodologique. Le sociologue propose moins une théorie achevée de l’art—sauf dans le cas de la musique—que de la tension entre les différentes sphères de valeurs, et en particulier de celle, inéluctable, entre un domaine esthétique s’émancipant de plus en plus et un domaine éthique restant foncièrement marqué par la religion. C’est en ce sens que Weber appartient pleinement à la constellation de pensée qui nous intéresse ici.</p><p>(Philippe Despoix)</p><p>(b) Le restaurant est une invention de l’Ancien Régime dont le développement a été accéléré par les bouleversements de la Révolution. La bourgeoisie réformatrice a favorisé la prolifération de ces nouveaux lieux, la grande cuisine constituant l’un des moyens de valorisation d’une classe en ascension. La gastronomie et l’apparat de la table se sont déplacés de la grande demeure privée au restaurant public. Au début du XIXe siècle, on compte un peu plus de mille cafés et deux ou trois cents restaurants. Cent ans plus tard, il y a à Paris deux mille marchands de vins, trois mille cafés et mille cinq cents restaurants environ. Le succès des cafés et des restaurants ne s’explique pas seulement par le contexte démographique et économique. Dès 1825, ces commerces sont des éléments constitutifs de la vie sociale urbaine et les romans de Balzac abondent en scènes de restaurants. Ce sont en effet les lieux privilégiés de la convivialité, voire de la mondanité. La presse y est lue et commentée. Les milieux politiques, littéraires et artistiques y prennent leurs</p><p>24 quartiers. Jusqu’aux événements de la vie familiale qui finissent par s’y célébrer: baptêmes, mariages et enterrements. Il y a d’abord les restaurants de luxe, puis les restaurants à spécialité, enfin les restaurants populaires, dont les fameux bouillons, et les petits restaurants de quartier qui forment l’essentiel du monde de la restauration. Il existe encore bien d’autres genres de restaurants: les restaurants “de promenade”, les buffets de gare, les restaurants attachés à un milieu professionnel ou à une salle de spectacle ou bien encore, à partir de 1880, les salles à manger des grands hôtels internationaux. La frontière est souvent fragile entre les genres: un restaurant à spécialités est parfois aussi un restaurant de luxe. Surtout, “l’univers gastronomique est conjoncturel”, comme l’écrivait J.-P. Aron. Une réputation peut s’enfler ou se ternir. Imagine-t-on, aujourd’hui, que le restaurant Julien, rue du Faubourg-Saint-Denis, était un bouillon au début du siècle? Quelle que soit la catégorie du restaurant ou du café, on observe à partir de 1845 un phénomène général: l’importance croissante du décor. Si ce dernier en vient parfois à exercer un rôle hypnotique sur la clientèle, rôle dénoncé par certains gastronomes comme la “consécration du tape-à-l’œil”, c’est pour une raison plus profonde encore que celle imposée par la concurrence. La création du restaurant a constitué un pas vers la démocratisation de la grande cuisine. Or, la notion de grande cuisine est attachée à celle du décor de palais, qu’elle a longtemps eu pour cadre. Si la grande cuisine ne descend que lentement vers le bas de la pyramide sociale, le décor, en revanche, s’émancipe et s’enrichit plus rapidement. Le décor se lit d’abord en façade, sur la devanture, le plus souvent en coffrage menuisé associé au verre gravé à l’acide, préféré pour ses qualités ornementales. Latéralement, on peut trouver des fixés sous verre, publicitaires ou décoratifs. Malheureusement, les devantures de cafés et de restaurants disparaissent au rythme des renouvellements de bail. Une devanture comme celle du grand Bouillon Chartier, rue Racine, est un témoin rare. A l’intérieur, les matériaux sont plus divers. Le panneau de glace est invariablement et symboliquement présent: multiplicateur d’espace, il satisfait la nécessité de paraître du mangeur. Les cafés sont traités en revêtement de céramique dont l’utilisation devient presque systématique à partir de 1890. Les peintures sur pâte de</p><p>25 verre, une nouvelle technique diffusée par les peintres verriers de l’Art Nouveau, offre des effets de relief et d’aspect très prisés au début du XXe siècle. Quelques œuvres, comme les panneaux de chez Julien, sont de véritables réussites. Le staff pour les corniches, la mosaïque pour les sols, tous deux utilisés avec des rehauts d’or, complètent la gamme des matériaux choisis pour la décoration des cafés et des restaurants. La mise en œuvre de ces matériaux et l’iconographie qui y est attachée sont rarement fortuites. Le restaurateur et maître d’ouvrage sélectionne le style et l’architecte qu’il pense adaptés à la catégorie de son établissement. Deux voies principales s’offrent à lui à la fin du XIXe siècle: le pastiche historique ou l’Art Nouveau. Les maisons de tradition (ou ceux qui veulent apparaître comme telles) adoptent la première formule. La reproduction des styles anciens—les scènes flamandes pour le XVIIe siècle, Watteau pour le XVIIIe siècle—pérennise la décoration et implicitement le restaurant (La Pérouse, par exemple). Pas d’avant-gardisme provocateur qui sacrifierait la cuisine; ou bien alors un Art Nouveau noble et sage, comme chez Lucas-Carton. Les restaurants “modernes”, ceux à vocation mondaine (Maxim’s) mais aussi quelques bouillons (Julien) préfèrent un décor brillant et séducteur: la profusion spectaculaire des courbes et des végétaux, les figures de femmes peintes ou en pâte de verre s’adressent à une clientèle plus tapageuse. Les restaurants régionalistes, quant à eux, affichent sereinement leur spécialité: les tripes fument sur les corniches de Pharamond, et les escargots prospèrent dans la marquise de l’Escargot Montorgueil. Division réfléchie de l’espace, décor, éclairage, tout ce soin accordé au cadre de la cuisine publique semble relever de la mise en scène. L’histoire de la restauration prouve qu’elle hésite toujours entre spectacle et gastronomie.</p><p>(Bruno Girveau)</p><p>(c) Les romantiques n’ont pas découvert la mer. Bien avant la fin du XVIIIe siècle, les rivages de l’océan étaient devenus des lieux de contemplation et de délectation. Gravir la dune en quête d’un point de vue, arpenter le sommet de la falaise, s’enivrer du sublime spectacle de la tempête, guetter la découpe d’une « marine » dans le panorama</p><p>26 constituent des conduites banales quand paraît Childe Harold (1818). Dès la fin des années 1750, les foules viennent à Brighton jouir des plaisirs du bain ; en 1776, Jean Houel goûte la fraîcheur et la transparence des eaux méditerranéennes dans lesquelles il se prélasse au côté des jeunes Siciliens. Perçue comme un recours contre la mélancolie et contre les nuisances de la ville malade, la mer se voit reconnaître par les savants neptuniens un rôle décisif dans l’histoire de la planète et le géologue amateur vient prélever des échantillons le long de ses rivages arpentés depuis plusieurs siècles par les collectionneurs de coquillages. Les romantiques eux-mêmes empruntent aux modèles antérieurs. Héritiers de l’ossianisme pour la plupart, il leur arrive de lire le pittoresque du tableau à la manière banale des touristes. En 1828, Dorothy Wordsworth visite scrupuleusement l’Île de Man et se plie, point par point, au rituel depuis longtemps codifié de la villégiature maritime. Cependant, les créateurs romantiques, les premiers à tenir un discours cohérent sur la mer, ont puissamment enrichi les modes de délectation de la plage et accentué le désir inspiré par cette indécise frontière. Ils ont renouvelé le sens, élargi la portée de pratiques déjà solidement ancrées. Ils ont fourni des modèles de contemplation ou plutôt de confrontation qui ont peu à peu disqualifié les figures antérieures de la jouissance du vent, du sable et de la mer. Les romantiques ont rénové les manières de chevaucher ou de se promener, d’errer sur la grève, de se camper sur le promontoire. Avec une faconde nouvelle, ils ont su décrire les émois du bain et les délicates impressions de plage. Aussi s’impose-t-il de dessiner à grands traits un système de représentations, une stratégie émotionnelle et un réseau de pratiques élaborés et proposés par Friedrich von Stolberg, Byron, Shelley ou Chateaubriand, au moment où Jane Austen tournait en dérision la banalité du discours admiratif sur le pittoresque des rivages. Il importe d’analyser la façon dont ces modèles renouvelés invitent à d’inédites procédures de la contemplation, ouvrent de nouveaux itinéraires à la rêverie littorale. Les romantiques font du rivage un lieu privilégié de la découverte de soi. Dans la perspective de l’esthétique du sublime, récemment proposée par Kant, la station sur la plage autorise une vibration particulière du moi, née de la perception exaltante de sa confrontation aux éléments. Le rivage propose une scène sur laquelle, mieux qu’ailleurs, peut, du fait même du spectacle de l’affrontement de l’air, de l’eau et de la terre, se</p><p>27 dérouler la rêverie de fusion avec les forces élémentaires, le fantasme d’engloutissement et se déployer les mirages de ce que Ruskin appellera la pathetic fallacy. La vacuité de l’océan, devenu le lieu métaphorique du destin de la personne, constitue la plage en une lisière dont le parcours, obsédé par les rythmes aquatiques associés au cycle lunaire, invite à de périodiques bilans de vie. Dans toutes les occurrences, c’est le spectateur qui, désormais, constitue la mesure des rivages. L’individu n’y vient plus admirer les bornes imposées par Dieu à la puissance de l’océan; en quête de lui-même, il espère s’y découvrir ou, mieux sans doute, s’y retrouver. Ainsi se comprend l’enrichissement considérable de l’expérience des grèves. Les impressions que celles-ci proposent sont dès lors guettées par chacun des cinq sens ; en outre, s’opère un élargissement des modes d’appréciation cénesthésique qui constitue un événement majeur dans l’histoire de la sensibilité. Les façons inédites de se poster, de stationner sur la plage, de s’asseoir, de s’étendre sur le sable enregistrent cet approfondissement de la quête.</p><p>(Alain Corbin)</p><p>(d) Quelle est l’essence du mâle humain ? Spontanément, nous donnons créance à l’éternel masculin sans trop nous soucier de la remarque de Rousseau : « Le mâle n’est mâle qu’en certains instants, la femelle est femelle toute sa vie, ou du moins toute sa jeunesse ». Peu enclin à nous interroger sur une réalité inconstante, nous voulons croire à un principe universel et permanent de la masculinité (mâlitude) qui défie le temps, l’espace et les âges de la vie. Ce principe, nous le trouvons dans l’ordre de la nature qui exhibe la différence des sexes. Aussitôt l’enfant né, aussitôt le sexe assigné. Et si un doute demeure, la génétique palliera l’anatomie défaillante. Pourtant, ces évidences sans cesse rappelées ne parviennent pas à mettre un terme au questionnement. Notre langage quotidien trahit nos doutes, voire notre inquiétude, en parlant de la masculinité comme d’un objectif et d’un devoir. Etre un homme se dit plus volontiers à l’impératif qu’à l’indicatif. L’ordre si souvent entendu : « Sois un homme » implique que cela ne va pas de soi et que la virilité n’est peut-être pas si naturelle qu’on veut bien le dire. À tout le moins, l’exhortation signifie que la détention d’un</p><p>28 chromosome Y ou d’organes sexuels masculins ne suffit pas à circonscrire le mâle humain. Etre un homme implique un travail, un effort qui ne semble pas être exigé de la femme. Il est plus rare d’entendre : « Sois une femme » comme un rappel à l’ordre, alors que l’exhortation au petit garçon, à l’adolescent et même à l’adulte masculin est propos courant dans la plupart des sociétés. Sans en être pleinement conscients, nous faisons comme si la féminité était naturelle, donc inéluctable, alors que la masculinité devrait acquérir et se payer cher. L’homme lui-même et ceux qui l’entourent sont si peu sûrs de son identité sexuelle qu’on exige des preuves de sa virilité. « Prouve que tu es un homme », tel est le défi permanent auquel est confronté un être masculin. Or l’exhibition des preuves passe par des épreuves que la femme n’a pas à connaître. Le jour des règles vient naturellement, sans effort sinon sans douleur, et voilà la petite fille déclarée femme pour toujours. Rien de tel aujourd’hui pour le petit garçon de la civilisation occidentale. Non point que le besoin archaïque de prouver sa virilité ait disparu. Mais la contradiction n’a jamais été si grande entre la nécessité d’exhiber son genre et l’absence de preuves certaines et définitives. La confusion est à son comble quand le langage courant parle volontiers d’un homme, un vrai pour désigner l’homme viril. Cela signifie-t-il que certains êtres humains n’ont que l’apparence de l’homme, sont de faux hommes ? Certains se plaignent aujourd’hui de l’absence de féminité des femmes, mais ces dernières émettent rarement des doutes sur leur identité. À l’inverse, ce sont bien souvent les hommes eux-mêmes qui se distinguent entre eux en ajoutant le label de qualité : vrai. Et ce sont eux aussi qui s’interrogent secrètement pour savoir s’ils méritent cette mention. Devoir, preuves, épreuves, ces mots disent qu’il y a une véritable tâche à accomplir pour devenir un homme. La virilité n’est pas donnée d’emblée, elle doit être construite, disons « fabriquée ». L’homme est donc une sorte d’artefact, et comme tel il court toujours le risque d’être pris en défaut. Défaut de fabrication, défaillance de la machinerie virile, bref un homme raté. L’entreprise est si peu assurée que la réussite mérite d’être relevée. Comme le dit Pierre Bourdieu: « il suffit de dire d’un homme, pour le louer, que “c’est un homme” ». Formule de l’illusio virile. D’ores et déjà, Bourdieu souligne l’effort pathétique pour être à la hauteur de cette idée de l’homme et la souffrance de ne pas l’être.</p><p>29 (Élisabeth Badinter) e) Le défi médiologique Nous mêlons outrageusement les genres, les lieux et les époques. Nous étions dans la théologie, nous voilà en politique ; et nous parlions tout à l'heure d'art et de style : qu'est-ce donc que ce discours ? Impur, oui, car à l’intersection de champs multiples. Mais non incohérent. Du mélange des genres, la médiologie voudrait même faire système : transformer un patchwork en raison. Dût-elle, contrainte par l'usage, faire du neuf avec du vieux, en parlant de catégorie pré-construites et abusivement isolées (« l'art », « la politique », « la théologie », etc.). Ce n'est pas de notre faute si les pratiques de l'image posent, dans le même temps, une question technique : comment se fabrique-t-elle ? Quels supports, quels matériaux, quelle taille ? Quel lieu d'exposition, quel apprentissage ? Une question symbolique : quel sens est-il transmis ? Entre quoi et quoi fait-elle trait d'union ? Et une question politique : par quelle autorité, sous la surveillance de qui, et pour quelle destination ? Les grandes querelles de l'image en Occident ont eu ces trois dimensions, elles jettent, pêle-mêle dans l'arène, les clercs, les artisans et les soldats. Car l'image fabriquée est à la fois un produit, un moyen d'action et une signification. Véronèse comparaît sous bonne escorte devant le tribunal de l’Inquisition, devant qui il doit s'expliquer sur la présence sacrilège à côté du Christ, dans Les Noces de Cana, de saltimbanques et de goujats. Parlera-t-on à son propos de «synthèse précipitée»? Une histoire du regard doit être indissolublement liée à ces différents versants dont chacun fait l'objet d'une discipline séparée et séparatrice: l'histoire de l'Art traite des techniques de fabrication, des effets de style et d'école ; l'iconologie ou la sémiologie traite de l'aspect symbolique des œuvres (soit en éclairant l'image par son milieu intellectuel, soit par une analyse interne des formes) ; l'histoire des mentalités traitera des influences et de la place des images dans la société. Ainsi va la division du travail académique : par abstraction et découpage de plans de réalité, désarticulation scientifiquement nécessaire mais qui a pour inconvénient d'escamoter les charnières qui les unissent. Car chacun des pôles rétroagit sur les deux autres : en changeant de nature (technique), l'image n'a plus les mêmes effets (politiques) ni la même fonction</p><p>30 (symbolique). L'histoire de la spiritualité est militaire, celle des Empires est religieuse, et les deux ont une base technique. Ce trièdre où la dimension et les propriétés de chaque face dépendent des deux autres, c'est le complexe médiologique. La mise sous tension des interfaces s'opère par raccordement des pôles. Notre voeu serait de pouvoir projeter dans l'espace, en relief et en transparence comme sur un écran d'ordinateur, nos trois plans de référence. En modifiant les perspectives et les angles de vue, mais sans rompre l'unité de la figure. Seules les contraintes de récriture linéaire excusent que nous envisagions séparément, chapitre après chapitre, les variables du regard. Ce qui est à la peine (dans le travail symbolique) est rarement à l'honneur (dans le compte rendu philosophique). Ne pourrait-on inverser les prestiges, et focaliser sur tout ce qui transforme une réalité donnée en médiatisant ses polarités contradictoires ? Transversale aux nationalismes disciplinaires et aux découpages actuels du savoir, loin de la pensée binaire qui campe dans un infécond face-à-face âme et corps, esprit et matière, signes et choses, dedans et dehors, etc., notre approche déplace l'accent sur l'inter. Elle s'installe dans les invervalles, interroge interprètes et intermédiaires. Dans le domaine dit des «idées», écrites et imprimées, on a déjà tenté de croiser l'analyse matérielle des appareils religieux et idéologiques, objet traditionnel des « sciences morales », avec une analyse morale des appareils de transmission, objet traditionnel de « l'histoire des techniques ». De même, dans le domaine des images, manuelles et industrielles, voudrions-nous croiser l'examen des mutations techniques, des milieux sociologiques et permanences mythiques de l'imaginaire. Exercice ingrat car les machines et les mythes ne font pas bon ménage. L’histoire heureuse, mobile, évolutive, de nos rapports aux choses ( “les fabuleux progrès des sciences et des techniques”) tourne le dos à l’histoire bègue, névrotique, malheureuse de cette part obscure de nous-mêmes que précisément nous ne maîtrisons pas comme une chose. Et que nous ne cessons de vouloir élucider jusqu’à perdre haleine, en interrogeant ainsi sans relâche toutes les images de la terre. Aussi cette recherche ne peut-elle rentrer dans aucune des “cases” universitairement attachées au monde des images : philosophie, histoire, critique, psychologie, sociologie. Amie de chacune d’elles, elle n’épouse aucune et prend son bien dans toutes. (Régis Debray)</p><p>31 f) Dans la famille patriarcale du moyen âge, c'est surtout la condition domestique de la femme qui nous apparaît. La châtelaine dans le manoir féodal, la bourgeoise dans la maison de la cité, la paysanne dans la chaumière, nous font généralement revoir ce type, vieux comme le monde: la femme gardienne du foyer.</p><p>Au XVIe siècle un changement considérable se produit dans l'existence de la châtelaine. Cette vie, désormais plus sociale que domestique, devient d'autant plus brillante qu'elle concentre ses rayons dans le cercle enchanteur que trace François Ier, et que l'on nomme la cour de France. Avant ce roi, Anne de Bretagne avait bien appelé auprès d'elle les femmes et les jeunes filles de la noblesse, mais c'était pour les garder à l'ombre d'une austère tutelle et les former aux moeurs patriarcales du foyer. Tel ne fut pas, on le sait, le but de François Ier en attirant les châtelaines à sa cour. «Une cour sans femmes, avait-il dit, est une année sans printemps et un printemps sans roses.»</p><p>Sans doute cette apparition des femmes à la cour de France leur donne, comme nous le verrons plus tard, une influence souvent heureuse sur les lettres, sur les arts, et fait éclore la fleur délicate et brillante de la causerie française. Mais les moeurs domestiques et l'état social du pays sont loin de gagner à ce changement. Sur un théâtre aussi corrompu que séduisant, les femmes perdent le goût du foyer; elle sacrifient au désir de plaire leurs devoirs de famille, et jusqu'à leur honneur. Elles renoncent enfin à ce patronage qu'elles exerçaient dans leurs terres. La femme de cour, environnée d'un cercle d'adulateurs, a remplacé la châtelaine, mère et protectrice de ses paysans. L'historien et l'économiste s'accordent pour constater que si la politique qui attira à la cour les familles dirigeantes, acheva la victoire de la royauté sur l'esprit féodal, cette même politique prépara malheureusement aussi la Révolution. Tandis que la noblesse se corrompt dans la domesticité de la cour, les paysans, privés des exemples moraux et de la protection matérielle que leur donnaient leurs seigneurs, se trouvent ainsi livrés aux sophistes du XVIIIe siècle, et ils sauront traduire par des actes d'une sauvage violence les doctrines antisociales et antireligieuses.</p><p>A partir du XVIe siècle, deux courants vont s'établir dans les moeurs françaises. D'une part une élégante corruption envahira le monde de la cour; mais d'autre part les</p><p>32 moeurs patriarcales se conserveront dans bien des familles nobles ou plébéiennes qui, soit dans les campagnes, soit encore dans les villes, n'auront pas subi la contagion immédiate du mal. A la cour même se retrouveront, aussi bien et plus encore parmi les femmes que parmi les hommes, de ces natures fortement trempées à qui le spectacle du mal donne plus de vigueur encore dans la pratique du bien.</p><p>L'éducation de la femme se ressentira de cette double influence. Ici on préparera en elle la gardienne du foyer, là une femme de la cour. Les résultats de ces deux éducations ne tarderont pas à nous apparaître.</p><p>Mais dans les provinces comme à la cour, dans la bourgeoisie comme dans la noblesse, le mouvement intellectuel qui produisit la Renaissance donna une vive impulsion à la culture de l'esprit chez la femme. Nous aurons à le constater dans un chapitre spécial réservé à l'influence de la femme française sur les lettres et sur les arts.</p><p>Chez les femmes de la Renaissance, l'érudition se joint au talent d'écrire. Et quelle érudition! Les trois brillantes Marguerite de la cour des Valois en donnent l'exemple. Elles savent toutes trois le latin, et les deux premières, le grec. L'hébreu même n'est pas étranger à la première Marguerite, soeur de François Ier. La fille d'un Rohan lit la Bible dans le texte hébraïque. Des femmes traduisent les anciens; d'autres écrivent elles-mêmes en latin, en grec; elles abordent jusqu'aux vers latins. Marie Stuart, dauphine de France, compose un discours latin dont nous aurons à parler. Catherine de Clermont, duchesse de Retz, initiée aux mathématiques, à la philosophie, à l'histoire, possède à un si haut degré la connaissance du latin, que la reine Catherine de Médicis la charge de répondre au discours que lui adressent en cette langue les ambassadeurs polonais qui, en 1573, viennent annoncer au duc d'Anjou son élection au trône de Pologne. La harangue de la duchesse fut élevée au-dessus des discours que le chancelier de Birague et le comte de Cheverny firent aux ambassadeurs au nom de Charles IX et du nouveau roi de Pologne. »</p><p>(Clarisse Bader)</p><p>33</p>
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