Geo-Eco-Trop, 2015, 39, 2: 151-168 La forêt dense sèche tropophile épineuse du domaine du Sud malgache The dense dry tropophilous prickly forest of the South Madagascan domain Sophie RUELLE1,2 & François MALAISSE3,4 Abstract : The existence, between 150 and 500 m above sea level, of a dense formation of small trees and tall deciduous shrubs, dominated with spaced baobabs in the South Madagascan domain, in particular in the Andohahela massif, has been quoted in diverse papers (HUMBERT, 1941 ; HUMBERT & COURS DARNE, 1965). These last authors insist on the two plant groups that characterized, from a physiognomic point of view, this vegetation, namely the Didieraceae and the arboreal euphorbias, with fleshy twigs, of the Tirucalli section. We have studied more in detail this vegetation unit in the Manarara basin (Hazoara valley). We consider this last as a dense dry tropophilous prickly forest. The floristic composition (> 120 spp.), the structure (vertical and horizontal profiles, structure diagram), density, basal area, family importance coefficients, biological spectrum (raw and weighed), raw spectum of leaf area and ecomorphosis of this forest are successively presented and discussed. Finally the relative importance of spine bearing and leaf succulence are shortly commented on. Key words: Madagascar, South domain, dense dry tropophilous prickly forest, endemism, diversity. Résumé : L’existence, entre 150 et 500 m d’altitude, d’une formation dense de petits arbres et d’arbustes de taille élevée à feuillage caduc, où dominent, espacés, des baobabs dans le domaine sud malgache, en particulier dans le massif de l’Andohahela, a été signalée dans divers travaux (HUMBERT, 1941 ; HUMBERT & COURS DARNE, 1965). Ces derniers auteurs insistent sur les deux groupes de végétaux caractérisant d’un point de vue physionomique cette végétation, à savoir les Didieraceae et les euphorbes arborescentes, à rameaux charnus, de la section Tirucalli. Nous avons étudié plus en détail cette formation dans le bassin de la Manarara (vallée de l’Hazoara). Nous la considérons comme une forêt dense sèche tropophile épineuse. La composition floristique (> 120 spp.), la structure (profils vertical et horizontal, diagramme de structure), la densité, la surface terrière, les coefficients d’importance familiale, le spectre biologique (brut et pondéré), le spectre brut des surfaces foliaires et les écomorphoses de cette forêt sont successivement présentés et discutés. Enfin l’importance relative des organes épineux et celle de la succulence des feuilles sont brièvement commentées. Mots-clés: Madagascar, domaine sud, forêt dense sèche tropophile épineuse, endémisme, diversité. INTRODUCTION Madagascar est une île célèbre pour son endémisme tant végétal qu’animal. En avril 2010, le « Madagascar Catalogue Database » avait enregistré un total de 14.883 noms de plantes vasculaires de tous les niveaux taxonomiques. De ce nombre, 10.319 étaient des espèces d’Angiospermes indigènes, dont 8.621 (84%) étaient endémiques à Madagascar (MADAGASCAR CATALOGUE, 2013). _____________________________________________________________________________________ 1 Précédemment Laboratoire d’Ecologie, Faculté Universitaire Agronomique de Gembloux, Passage des Déportés-2, B-5030, Gembloux et Centre Ecologique de Libanona, B.P. 42, Fort-Dauphin 614, Madagascar. 2 [email protected] 3 Université de Liège, Gembloux Agro-Bio Tech, Unité Biodiversité et Paysage, Passage des Déportés-2, B- 5030, Gembloux, Belgique, [email protected] 4 Botanical Garden Meise, Nieuwelaan 38, B-1860, Meise, Belgique. 151 En 1955, HUMBERT a distingué cinq territoires phytogéographiques majeurs, dont le domaine du Sud malgache. La distinction et la dénomination des divisions floristiques de Madagascar d’une part, des étages de végétation et de leurs principales formations végétales d’autre part, ont fait l’objet de diverses études (CORNET & GUILLAUMET, 1976 ; WHITE, 1983, 1986) et de diverses réunions tenues à Antananarivo relatives à une nouvelle carte de la végétation (juin 2003, août 2004) dont la discussion dépasse le cadre de notre étude. Notons toutefois que la grande particularité de la végétation du domaine du Sud malgache a depuis longtemps fasciné les botanistes qui l’ont parcouru et y ont herborisé. Dès 1927, le Parc national Andohahela est créé (76.020 ha, de 120 à 1970 m d’altitude). L’année suivante, HUMBERT entreprend l’exploration minutieuse du massif de l’Andohahela (figure 1), cime « fady *» et redoutée des indigènes. Figure 1.- La crête du massif de l’Andohalela (© Malaisse). En 1933-34 il y poursuit, pendant plusieurs mois, ses herborisations. En 1941, il insiste sur les contrastes climatiques accusés qui y prévalent quant à la quantité et la répartition annuelle des précipitations (HUMBERT, 1941). Le versant occidental reçoit des précipitations variables, notamment à la tête de la vallée de la Mananara, profondément encaissée. La décroissance des précipitations y est très rapide et une succession altitudinale de types de végétation en étages étroitement superposés s’y observe. De haut en bas, HUMBERT (1941) reconnaît (figure 2) : (1) une forêt ombrophile élevée habituellement à une altitude supérieure à 1200 m, (2) une forêt sclérophylle de hauteur médiocre (10-15 m) de 1200-1400 à 850 m d’altitude, (3) une forêt tropophile de hauteur médiocre en dessous de 800 m d’altitude, (4) en dessous de 500 m une formation dense de petits arbres et de grands arbustes à feuillage caduc où dominent, espacés, des baobabs, (5) un bush fermé haut de 5-8 m assez difficilement pénétrable et correspondant à des valeurs de l’ordre de 300 mm de précipitations annuelles. HUMBERT signale encore que localement la formation (4) montre des faciès plus riches en arbres relativement puissants (Albizia sp., Moringa hildebrandtii, Alluaudia, Pachypodium). C’est ce dernier groupement, si particulier, qui a fait l’objet de notre étude. Nous le considérons comme une forêt dense sèche tropophile épineuse, un écosystème endémique au domaine du Sud de Madagascar. __________________ * « fady », siginifie « tabou » en malgache, donc, cime dont la fréquentation est interdite d’un point de vue social ou culturel. Elle est souvent couverte de nuages (Figure 1). 152 HUMBERT & COURS DARNE (1965) insistent sur les deux groupes de végétaux caractérisant d’un point de vue physionomique cette végétation, à savoir les Didiereaceae et les euphorbes arborescentes, à rameaux charnus, de la section Tirucalli. Ils citent parmi les arbres dominants, plus ou moins clairsemés, Adansonia za, A. fony, Tetrapterocarpon geayi, Dicoma incana, D. carbonaria, Gyrocarpus americanus, Maerua filiformis et Ficus marmorata. Les espèces ligneuses arbustives appartiennent aux genres Acacia, Chadsia, Commiphora, Grewia, Solanum, Dichrostachys, Iphiona, Uncarina, Jatropha, Gardenia, Rhigozum, Cadaba, Megitostegium, Sclerocarya, et bien d’autres, la plupart représentés par des espèces endémiques. Les lianes, de faibles dimensions, sont assez abondantes ; ce sont surtout des Asclepioideae, des Vitaceae, des Combretaceae, des Hippocrateaceae, des Mimosoideae, des Cucurbitaceae. Les auteurs insistent encore sur l’importance relative de la spinescence et de la succulence des feuilles. Pour les plantes basses, éparses au sol, ils retiennent, outre les touffes isolées de la curieuse Humbertochloa bambusiuscula, la présence de Sélaginelles reviviscentes, de nombreuses Acanthaceae, de Xerophyta et d’Abutilon et de diverses espèces charnues relevant des genres Aloe, Kalanchoe, Euphorbia, Senecio et Notonia (HUMBERT & COURS DARNE, 1965). Figure 2 : Les étages de végétations reconnus par Humbert (1941) à savoir : (1) forêt ombrophile, (2) forêt sclérophylle, (3) forêt tropophile, (4) formation dense de petits arbres et grands arbustes et (5) bush fermé. Enfin les auteurs signalent que les bords des cours d’eau sont l’habitat d’un certain nombre d’arbres qui y atteignent une grande hauteur et réalisent d’étroites galeries forestières. Quatre essences sont citées : Colvillkea racemosa, Eugenia sakalavarum, Protorhus grandidieri et Tamarindus indica. Des études relatives aux Lémuriens dans des forêts épineuses à Didieraceae du Sud de Madagascar, notamment à leur stratégie alimentaire dans la Réserve de Berenty le long du fleuve Mandrare, abordent la composition floristique de plusieurs blocs de cette végétation (CHARLES- DOMINIQUE & HLADIK, 1971 ; CHARRIER et al., 2007). Une quarantaine d’espèces sont énumérées et seront prises en considération lors de notre discussion. De même, le rôle des lémurs dans la régénération des forêts sèches décidues a été discuté (GANZHORN et al., 1999) et concerne notre approche. D’autre part, l’ensemble des études relatives à l’écologie et l’économie d’une forêt sèche tropicale des environs de Morondava (Madagascar) contient une série d’études d’un intérêt pertinent pour notre réflexion, même si l’unité de végétation concernée est différente. En particulier les thèmes de la structure (RAKOTONIRINA, 1996), de la phénologie (SORG & ROHNER, 1996), de la 153 régénération (DELEPORTE et al., 1996) et de la zoochorie (HAWKINS & WILMÉ, 1996) apportent, chacun, des informations variées dont certaines s’appliquent partiellement à l’écosystème ici concerné. LE SITE D’ETUDE Notre étude s’est effectuée dans le site de Andreadahy (figure 3), dans la vallée de l’Hazoara, un affluent de la rive (gauche) de la rivière Mananara et sous-affluent du fleuve Mandrare. Le site est situé à 155 m d’altitude, les coordonnées sont 46° 41,96’ E et 24° 47,76’
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