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LINKs – series 3-4 Musique – Espace habité eRikm, Idiosyncrasie (Détail du dispositif scénique) ©-Mizuki_Nakeshu Louis-José Lestocart (dir.) Paris, novembre 2019 Le dossier du n°4 est dévolu aux « Habitabilités » et présente des approches et points de vue divers. Une chercheuse américaine débat des possibilités de vivre en un milieu « hostile » comme peut l’être la planète Mars, tandis que le Ces numéros 3-4 de LINKs offrent une tonalité générale plutôt artistique. directeur de l’Agence spatiale italienne met en garde, en tant que biochimiste, contre les difficultés d’adaptation de l’organisme et les risques sérieux que ce dernier encourt lorsqu’il échappe à la gravité terrestre et se trouve plongé en hypogravité. Deux artistes interrogent aussi l’habitabilité : une designeuse confectionnant des installations pour répondre à des problèmes spécifiques et un réalisateur d’animation 3D utilisant ses films comme territoire d’explora- Le dossier du n°3 — « Arts sonores & musiques instrumentales au temps des tion. La rubrique « Perspectives scientifiques, sciences humaines et recherche déterritorialisations numériques » — est axé sur la musique électroacoustique » s’ouvre sur le travail d’un physicien et neuroscientifique italien démontrant et expérimentale contemporaine. Cinq créateurs de pays divers (France, Italie, que l’expérience esthétique naît de processus dynamiques (et quantiques) États-Unis) y font profiter de retours d’expériences sur leur travail, tandis que s’opérant dans le cerveau. Elle se poursuit avec la deuxième partie du texte d’autres auteurs interrogent la musique sur un plan sociologique et phéno- mêlant la pensée de Heidegger et McLuhan à propos de l’ordinateur, et avec ménologique, et qu’une place est aussi faite à la culture des stars/avatars de un chercheur-artiste spécialiste de la robotique qui expose le cas de robots la chanson pop japonaise. Juste avant le dossier, il est question de musique « compagnons » des humains. Enfin, elle se clôt avec le texte d’une spécia- underground et, plus largement, de ce qu’on peut entendre par ce terme. liste de Marcel Proust évoquant deux épisodes d’À la Recherche du temps Plus loin, dans la rubrique « Art(s) et (quelques) réflexions », est décrite une perdu relatifs au baiser du narrateur à Albertine. Dans la rubrique « Art(s) et création partagée en dessin augmenté exécutée récemment en public au (quelques) réflexions », on trouvera d’abord l’article collaboratif de deux mu- moyen d’une palette graphique, puis vient la suite de l’interview inédite du siciens et un designer (franco-dublinois et hongrois) menant à Budapest des cinéaste expérimental Tony Conrad (dont la première partie a été publiée dans expériences de réalité augmentée et mixte à base de capteurs et de biofeed- LINKs n° 2), où le réalisateur radical et anti-narratif revient notamment sur son back, et passant en revue tous les outils ad hoc aujourd’hui disponibles sur le film The Flicker (1966). Avant cela, la rubrique « Perspectives scientifiques, marché, puis celui d’un artiste multimédia et enseignant spécialiste des nou- sciences humaines et recherche », présente un panorama des nanotechno- velles technologies donnant quelques exemples d’installations interactives ré- logies contemporaines réalisé par un expert en électromagnétisme œuvrant centes, et enfin les extraits « clickables » d’uneNaissance de la photographie dans l’aviation. Sont exposées aussi les expériences pionnières de multimé- élaborée par un artiste installateur devenu « copiste » néoplatonicien. On doit dias interactifs menées au MIT (fin années 70-début années 80), ainsi qu’une ajouter, en tout début de ce même numéro, un court essai théorique sur le réflexion sur l’ordinateur convoquant à la fois Heidegger et McLuhan, écrite virtuel et l’interactivité inspiré par le soufisme iranien, syrien et andalou et la en 1993 par un spécialiste américain de la réalité virtuelle et traducteur du catéchèse chrétienne (sic). philosophe allemand (à suivre dans le n°4). Voilà la deuxième livraison de LINKs (L’Art de re-lier) placée à la fois sous le signe de l’académique et de l’accessible, et aussi de l’underground. Ce dernier vocable résonant telle une sorte de réponse au « mal » que ressentent les éditeurs français à donner leur place aux tentatives de renouvellement et d’ouverture de la pensée. Même si être en ligne n’est plus, de nos jours, spé- cifiquement underground. 2 3 LINKs 3 Musique Dimitrije Roggero, Kawai-i, 2019 1 gistrement sur bande de leurs compositions théâtrale, une seconde proposition complète Logique de l’Underground envoyé à Hal Halverstadt de la compagnie la précédente, prenant aussi forme à travers Christophe Kihm Warner, avec mention « Residents of the X un album, Not Available, objet d’un tout autre Street », qui leur aurait objectivement attribué pari : le groupe enregistre ce disque en 1974 The Residents est le nom d’un collectif d’artistes originaire de San Francisco, en Californie. un nom ? Est-ce encore un dénommé Hardy et décide de le diffuser publiquement lorsqu’il Il a signé ses premières réalisations à la fin des années 1960 et son œuvre musicale s’est Fox qui animerait ce collectif et y inviterait de aura oublié son existence. Il sortira en 1978. précisée à travers l’observation de deux principes convergents : le premier est un geste nombreux musiciens au gré de ses différents Cette indisponibilité du disque et son retar- parodique qui, ayant recours aux procédés du détournement et de l’appropriation, est projets…3 ? Ces quelques hypothèses, parmi dement adressent certainement une grimace à l’origine de tout un trafic de signes visuels et sonores ; le second, rock ou pop, s’effec- de nombreuses autres, ne sont qu’un effet de à l’industrie musicale. Mais pour participer tue en extension de la reprise, entre cover, transcriptions et réécritures. La mise en puis- l’annexion identitaire première par laquelle se d’une satire, ils ouvrent aussi une seconde voie sance de ces deux principes peut qualifier, dans un premier temps, la pratique musicale libère un jeu spéculatif sur les origines et les à ce désir de recommencement de la musique de ce groupe, à travers des effets de grotesque et de satire qui marquèrent les expériences configurations potentielles du groupe. pop, où la suspension d’un temps se combine conduites pendant une quinzaine d’années. Les choses sont pourtant plus complexes. Mais ce passage des Beatles aux Residents à des modes d’apparition et de disparition de peut aussi se comprendre selon une continui- la musique elle-même. té qui déplace le problème. Pour répondre à la question « pourquoi les Beatles auraient-ils Ces deux lignes de la destruction et du recom- choisi de devenir des Residents ? », il faut alors mencement, de la disparition et de l’appari- envisager un nouveau départ du plus populaire tion, sont tenues ensemble par une stratégie : des groupes pop avec lequel se creuserait l’anonymat. L’anonymat est ce qui permet aux une intéressante piste conceptuelle, au-delà spéculations identitaires de voir le jour, il est des anecdotes alimentant les spéculations ce lieu dans lequel se rassemblent les qualifi- historiographiques. Que met en activité ce catifs hétérogènes que l’on attribue au groupe supposé recommencement de la pop, selon les (dadaïste, futuriste, surréaliste, minimaliste, principes arrêtés par ce collectif californien ? freak, beatnik…), mais aussi celui depuis le- Quelles images, quels sons, quelles attitudes quel le groupe s’empare de tous les collectifs en retenir ? Cette hypothèse de travail, mise et figures de la cosmologie pop (aussi bien en exergue par ce premier album, implique de Beatles, Beach Boys, Stones, Elvis Presley, Not Available. Ralph Records,1978 (Pore No Graphics) reprendre le problème pop et de comprendre, James Brown, George Gershwin…). avec les Residents, son renversement logique De cette stratégie de l’anonymat, qui pose que dans l’Underground. rien ne vaut d’être anonyme sans mettre au travail les hypothèses originaires et identitaires Si la production musicale des Residents se sur un plan esthétique, un principe peut se dé- prête en totalité au jeu d’une spéculation his- duire, puisqu’il devient impossible de faire de toriographique, elle permet tout autant d’ali- la musique sans s’emparer de toutes les autres. menter une enquête conceptuelle. Pour faire Sous les conditions de ce brigandage et de ce suite à Meet The Residents, le groupe réalise trafic généralisés s’ouvre une première oppor- en 1976 l’album Third Reich’n’Roll : sur la po- tunité au renouvellement de la pop. Dans le chette originale, Dick Clark4 habillé en nazi projet des Residents, l’anonymat est donc une tient une carotte à la main. La thèse est simple : puissance à partir de laquelle s’opèrent de le recommencement de la musique pop passe nouveaux départs pour la musique pop, à par- Meet The Residents. Ralph Records,1974 (Pore No Graphics) Meet the Beatles ! Capitol, 1964 (Ph. R. Freeman) par sa destruction. Ce seront donc des med- tir de l’ouverture de récits des origines, avec la leys cacophoniques mélangeant « In-a-Gad- prolifération de leurs versions. da-Da-Vida » d’Iron Butterfly, « Light my Fire » Une dernière ligne, qui boucle le projet Anonymat et dégradation laquelle les Residents seraient les Beatles, cela des Doors, « Heroes and Villians » des Beach conduit par les Residents et en livre l’architec- Si le premier album LP des Residents ap- après que le groupe de Liverpool a annoncé Boys, « Hey Jude » des Beatles, « Sympathy for ture complète, est encore initiée par leur pre- plique les principes de la reprise et de la pa- sa séparation en 1970. Si personne ne porte the Devil » des Rolling Stones… accompagnés mier album : elle associe anonymat et désir de rodie – Meet The Residents (1974) reprend réellement crédit à ce récit, rien n’empêche de petits films provocateurs et satiriques où le clandestinité à une hypothèse fictive, sonore et et caviarde la pochette de l’album Meet The de spéculer sur se.s auteur.e.s.

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