Hygiène Et Intimité Lion Murard, Patrick Zylberman

Hygiène Et Intimité Lion Murard, Patrick Zylberman

Hygiène et intimité Lion Murard, Patrick Zylberman To cite this version: Lion Murard, Patrick Zylberman. Hygiène et intimité. [Rapport de recherche] 670/90, Ecole d’architecture de Paris-Villemin. 1989. hal-01909055 HAL Id: hal-01909055 https://hal.archives-ouvertes.fr/hal-01909055 Submitted on 30 Oct 2018 HAL is a multi-disciplinary open access L’archive ouverte pluridisciplinaire HAL, est archive for the deposit and dissemination of sci- destinée au dépôt et à la diffusion de documents entific research documents, whether they are pub- scientifiques de niveau recherche, publiés ou non, lished or not. The documents may come from émanant des établissements d’enseignement et de teaching and research institutions in France or recherche français ou étrangers, des laboratoires abroad, or from public or private research centers. publics ou privés. (P to Lion Murard, Patrick Zylberman HYGIENE ET INTIMITE novembre 19Ô9 rapport final ECOLE D'ARCHITECTURE PARIS-VILLEMIN SOMMAIRE Hygiène Prudence de l'hygiéniste..............................................................................1 Le surmenage de la pitié...........................................................................35 Notes sur l'hygiène comme science sociale appliquée.............. 75 Intimité Du décor comme œsam&ntate.............................................................. 67 Annexe Vir itëroicus subtim is : pouvoir et stylisation de soi chez Michel Foucault............................................................................. 12 P PRUDENCE DE 2 HYGIENISTE PRUDENCE DE L HYGIENISTE Chaque petit commissaire de la santé aspire à se faire tyran. Or, selon moi, les tyrans ont loufours raison; ce sont ceux qui leur obéissent qui sont r id ic u le s . Stendhal, M ém oiresd’uo t o u r is t e Pour les hygiénistes, ces regimbements impies de l'opinion face à la prévention s'expliquaient aisément : l'intelligence de la chose sanitaire devait, évidemment, sommeiller dans l'esprit du public, jusqu'à ce que, grâce aux lumières répandues par l'hygiène, celui- ci sache enfin clairement ce qu'est la prévention, ce qu'elle signifie et à quoi elle sert. Quelques rochers, a dit Victor Hugo, n'arrêtent pas un fleuve; à travers les résistances humaines, les évènements s'écoulent sans se détourner. André Honnorat ne l'entendait pas autrement. “Le caractère vrai d'une législation sociale, déclarait-il en 1916, n'est pas de chercher à répondre aux aspirations individuelles de la majorité des citoyens, mais tout au contraire de chercher à sauvegarder l'ensemble de leurs intérêts 1 PRUDENCE DEL 'HYGIENISTE collectifs." Ce disant, il nous fait bien sentir l'utilitarisme des attitudes à l'égard de l'hygiène. "Les dispensaires, poursuivait-il, ne sont pas des salles de consultation, comme on est encore, dans le public, trop tenté de le supposer; ce sont des écoles pratiques d'éducation sanitaire où l'on s'attache à réduire, dans l'intérêt, du corps social, les causes de la contagion, et où l'on s'efforce d'apprendre à l'individu, dans son propre interet, les moyens de lutter contre la maladie."1 Mais devait-on rendre la masse des rêvasseries, des envies, des résolutions de l'opinion, - demande de soins, de protection, plus encore que de prévention, - aux illusions d'où elle émane? Problème épineux : que faire si les intérêts des particuliers et ceux de la collectivité s'entrannulent? Ou, si l'on préféré, comment promouvoir le bien commun en l'absence de toute volonté collective? Emile Duclaux, nous l'avons vu, comme Rousseau, doutait que la loi, les sanctions, de quelconques moyens coactifs fussent propres à rectifier les ondulations invincibles de l'opinion. Honnorat. n'était pas moins sceptique. "En réalité, notait- on avec tristesse en 1925, il n’y a pas de volonté populaire clairement manifestée au sujet des problèmes sanitaires.” Et cette absence de volonté collective définit justement l'opinion, toute en méfiance et défiance, avant tout défi à l'habileté du législateur2. Pour l'intérêt collectif, la religion du public est faite : il ne veut pas être une noix sous le marteau-pilon. Au contraire, il s'inquiète d'être opprimé au nom des lois qui doivent le protéger. Les hygiénistes, il les voit venir : seule la maladie leur résiste, tout le 2 PRUDENCE DE I 'HYGIENISTE reste doit ployer devant eux. On accepte donc certains moyens de protection (désinfection ou vaccination), on en repousse d'autres (déclaration, isolement). L'assentiment à la défense sanitaire, nous l'avons dit, voisine ordinairement avec le refus obstiné de toute obligation. Celle-ci semble à l'opinion d'un prix trop élevé pour les bienfaits de la prévention. De ce que le public veut bien des services spécialisés, bureaux de vaccination, services de désinfection, s'ensuit-il qu'il lui faille adhérer à la. méthode de l’hygiène? Et. c'est bien de méthode, en effet, dont il s'agit, Sans doute la prévention est-elle d'abord le déploiement de moyens, d'équipements, de réglementations visant a. protéger la santé publique; encore faut-il assurer la prise de ces équipements, de ces moyens, de ces règlements sur les moeurs et les habitudes, vaincre l'opinion, la changer. Mais comment? La loi demeure "l'instrument le meilleur des victoires que nous avons à remporter sur l'opinion"; cependant, "la seule obligation légale” n'est pas de nature à rendre la prévention acceptable par le public. Pour avoir "son plein effet", l'obligation doit r e n d r e d e s s e r v ic e s , être "en quelque sorte réclamée par l’initiative particulière et répondre par avance aux usages des individus, aux tendances des associations"^. Il lui faut s'accommoder de l'utilitarisme ambiant; cela n'est pas trop cher, et il y a tout à gagner à un tel marché. L'émergence d’une demande de pm/rmŒBFL h y g ié n ist e prophylaxie, au tournant du siècle, n 'est-elle pas le signe de l'existence dans le public d'un interet conscient pour les questions d'hygiène4? Le sociologue serait peut-être en droit d'y voir une application de la théorie de l'action collective. Entrepreneurs de ménagements Suivant cette théorie, un groupe ne se réduit pas aux personnes qui le constituent ni la logique de l'action collective, à celle de l'action individuelle; comme l'écrit Raymond Boudon, la communauté d'intérêt, même lorsqu'elle est une donnée évidente pour chacun, ne suffit pas à provoquer l'action commune en vue de satisfaire l'intérêt de tous. La conscience d'un intérêt commun chez un certain nombre d'individus inorganisés (groupe latent) est une condition nécessaire mais non suffisante pour que le groupe se mobilise. Au contraire, en l'absence de moyens légaux de coercition ou d'incitations positives, tout s'oppose, principalement dans les groupes importants, à l'action collective en vue du bien commun, chacun étant tenté de ne pas participer, considérant que sa contribution n'aura en tout état de cause qu'une efficacité marginale, et que, de toute façon, il recueillera les bénéfices de l'action dans le cas où celle-ci serait couronnée de succès. Des mécanismes sont cependant susceptibles de provoquer la mobilisation, et parmi ceux-ci, en dehors de la contrainte, deux PRUDENCE DE L 'HYGIENISTE qui nous intéressent ici plus particulièrement : l'offre parallèle de biens ou de services individuels par les organismes dirigeant l'action commune, ou bien l'intervention d'un "entrepreneur politique" venant de l'extérieur exprimer les intérêts et organiser les efforts d'un groupe latents. Les attitudes collectives vis-à-vis de la contagion corroborent tout à fait ces mécanismes décrits par la sociologie. Nous avions, précédemment, reconnu dans l’idéologie de la solidarité la présence de ces groupes latents, - les "solidarités non consenties" du solidarisme, - groupes sociaux exposés au risque sanitaire, définis par le ciment négatif de la contagion, impuissants à promouvoir par la simple agrégation des comportements individuels leur besoin collectif de protection6. Le rejet par les médecins et par l'opinion de la déclaration obligatoire des maladies contagieuses n'est lui-meme qu'une des nombreuses illustrations du fameux dilemme du prisonnier. Ignorant jusqu'à quel point tous les autres sont prêts à payer leur écot pour qu'un contrôle efficace de la contagion soit mis en place, nul n'acceptera de faire seul les frais d'une mesure concourant pourtant au bien de tous. Quelque pressant que soient les dangers, nul n'est tenté de vivre en moine, en dévot de profession, dont toutes les pensées se tournent vers le ciel de la prévention; l'intérêt de tous n'est pas forcément l'intérêt de chacun. Il y a dans l'utilitarisme de l'opinion à l'égard de l'hygiène une bonne part de ruse; c'est PEW ENCEPEl 'HYGIENISTE une retraite qui défie l'envahisseur. Dès lors l'hygiène ne pourra obtenir l'adhésion du public à sa méthode que par la contrainte, ou par des incitations plus positives, satisfaisant les demandes de l'opinion, c'est-à-dire, comme l’a bien vu André Honnorat, fournissant au public des services individuels. C'est bien le cas des grandes ligues sanitaires, du Comité national de lutte contre la tuberculose, des ligues anti-vénériennes, de la Ligue contre la mortalité infantile, de la Ligue française contre le cancer, de la Fédération des blessés du poumon et autres, de tailles et d'ambitions diverses, qui, ne disposant pas des moyens légaux pour obliger les individus à adopter les méthodes préventives, juxtaposaient à leur fonction de lobby de l'hygiène une fonction économique et sociale en fournissant à leurs adhérents ou aux populations concernées par leurs activités des biens et des services individuels sous forme de consultations, d'établissements de cure, d'assurances, etc. A la Ligue nationale française contre le péril vénérien, par exemple, la propagande ne se concevait qu'épaulée par la création de dispensaires et de laboratoires, "pourvus d'un personnel médical d'élite recrute au concours"; de meme, le Comité national de l'enfance déficiente, créé en 1930, se donnait-il pour objet d'organiser sur tout le territoire dispensaires polyvalents et consultations neuro-psychiatriques, "toute une série de services médicaux et psycho-sociaux" voués au dépistage des enfants anormaux, assurés par des médecins psychiatres choisis dans le cadre des asiles7.

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