Monuments Mégalithiques de l’Yonne Pierre GLAIZAL Dès 1860, la Société des Sciences de l’Yonne rédigea un questionnaire qui fut diffusé auprès de l’ensemble des instituteurs de l’Yonne, en vue d’établir le répertoire archéologique du département. Ce questionnaire comportait un volet consacré aux monuments gaulois”. Malgré l’aveu d’ignorance de la plupart des “maîtres d’école”, cette enquête permit de repérer une première série de menhirs et de roches naturelles porteuses de légendes; on retrouve cette série, mutilée par la censure du Comité Impérial des Travaux Historiques, au fil du “Répertoire” de Max Quantin, édité par l’Imprimerie Impériale en 1868. En 1875, la Société des Sciences de l’Yonne livrait un nouvel inventaire communal, le “Dictionnaire Archéologique de l’Yonne, époque celtique”, de Philippe Salmon, tiré à part à Auxerre en 1878. Le répertoire de Quantin se trouvait enrichi, côté préhistoire, grâce à la contribution d’une pléiade d’informateurs locaux. Saint Maurice-aux-Riches-Hommes, le Dolmen de Lancy. Il s’avère aujourd’hui que l’inventaire communal doit être intégralement repris, Philippe Salmon n’ayant pu, faute de temps et de moyens, explorer systématiquement le terroir icaunais. Les recherches menées depuis 1990 ont montré l’étonnante capacité des menhirs à se fondre dans le paysage, voire à échapper à l’attention des villageois eux-mêmes. Il est cependant un domaine où les traces du passé sont des plus durables : la toponymie. Qu’en un lieu ait été autrefois dressée une pierre, et même si celle-ci a disparu depuis 150 ans, restera l’appellation caractéristique la “Roche Piqueuse” ou la “Pierre au Diable”... Sur cette piste toponymique sont fondés actuellement les plus grands espoirs dé retrouver, encore en place, des monuments inédits et en même temps de discerner la trace de ceux qui ont disparu, voire de retrouver ceux-ci... dans le sol. SEPULTURES MEGALITHIQUES apercevoir l’entrée de la chambre. Sépulture creusée dans la craie et recouverte d’une dalle de grès de Les sépultures mégalithiques répertoriées (y dimensions variables (jusqu’à 12m3), soutenue ou compris les monuments détruits) dans le non par des supports. La dalle de couverture département de l’Yonne sont de 3 sortes : Dolmen apparaît partiellement hors du sol, laissant ignorer simple en grès, constitué d’une table de couverture ce qu’elle recouvre. Des monuments de ces deux d’un poids de 2 à 6 tonnes, rarement plus, supportée types sont répertoriés dans le Sénonais, sur une par deux dalles posées sur chant ou “orthostates”. zone très délimitée Le bassin de l’Oreuse. La chambre ainsi délimitée est obturée par une ou Monument complexe, associant des éléments en deux dalles, suivant que le monument est adossé ou grès de fortes dimensions et des éléments en bois. non à une pente. Ces dolmens, isolés ou groupés par Le seul cas connu dans l’Yonne est celui des deux, dépassent suffisamment du sol pour laisser Champs Guyot, à Sainte-Pallaye, dont les vestiges ont été fouillés par Henri Carré en 1959. La La situation des pierres dans le paysage ne sépulture de la sablière de Vinneuf, ne comportant semble pas répondre à des règles très précises. Il est que des éléments en bois, également fouillée par vrai qu’aucun menhir n’est fiché au sommet d’une Henri Carré, ne semble pas relever de l’inventaire colline, les seules pierres dressées dans cette des monuments mégalithiques au sens strict. situation ayant surmonté des tumulus ou tertres plus Citons, pour mémoire, dans les alentours tardifs. Les zones boisées sont représentées autant d’Avallon, trois dolmens sur lesquels les précisions que les champs, quant aux cours d’eau c’est surtout manquent deux ont été détruits au XIXème siècle, au voisinage des rus intermittents que l’on trouve l’un à Island-le-Saulçois, l’autre à Vault-de-Lugny. des pierres dressées, bien qu’un contre-exemple Le troisième a été signalé sur le Bois-Dieu, sur la existe : la Pierre Frite de Villeneuve-sur-Yonne, commune même d’Avallon. Plus singulier enfin, le dans la plaine alluviale de l’Yonne, à moins de 2m dolmen du Thureau de Saint-Denis à Bleigny-le-- au-dessus du niveau moyen de la rivière. Ce qui est Carreau, près d’Auxerre bien que classé Monument par contre remarquable, dans le Sénonais en Historique en 1889, celui-ci semble s’être volatilisé particulier, c’est la non-concordance entre les et aucune description n’a même pu en être vestiges de taille du silex et la présence d’un retrouvée... menhir. On peut même dire que l’emplacement du menhir est une sorte de « no man’s land » pour le prospecteur de surface : pas d’outils, pas d’éclats, pas de traces d’habitat. Il existe enfin une série de pierres dressées dans le voisinage de dolmens ou de sépultures plus rudimentaires: il est généralement admis qu’elles participent à la délimitation d’un espace sacralisé autour de la sépulture. ROCHES ANIMEES, ROCHES AMENAGEES Il est d’usage dans ce genre d’inventaire de faire une part symbolique aux « roches branlantes” et « pierres qui tournent », ainsi qu’aux roches à cupules, bassins et sièges ; ces roches, en général en place, rejoignent les menhirs dans le riche monde de la tradition et de la légende. Bien des chercheurs, et non des moindres, Villeneuve-sur- Yonne, la Pierre Frite. estiment en effet que l’étude du légendaire et de la symbolique des pierres est une voie possible pour PIERRES DRESSEES OU MENHIRS accéder à la pensée des hommes qui ont commencé, il y a plus de 6000 ans, à dresser des menhirs et à L’appellation “menhir” est en principe réservée à placer leurs morts sous des assemblages de dalles des pierres dressées au Néolithique. Le bloc est cyclopéennes, alors qu’une simple fosse eut suffi... brut, choisi de préférence pour sa forme plus haute L’Yonne n’est pas pauvre en ce genre de « roches que large. La partie enfoncée dans le sol correspond de rêve », surtout dans sa partie nord : ainsi, la environ au 1/3 de la hauteur, parfois plus, rarement « Roche Branlante » de Villemanoche, qui « allait moins, sans qu’il y ait nécessairement de pierres de boire un coup dans l’Yonne pendant la messe de calage. Le bloc a généralement un profil étroit et un minuit, en passant par la ruelle Guichard... » profil large : au départ c’est une dalle irrégulière gisant sur le sol. Le sommet n’est pas LE “CROISSANT DOLMENIQUE DE nécessairement pointu, ni la position parfaitement L’OREUSE” verticale. Le plus grand menhir connu de l’Yonne, la « Pierre Fitte » de Sépeaux, disparue vers 1920, Le bassin de l’Oreuse. mesurait 4,20 m de hauteur. La plupart de nos L’Oreuse a ses sources (au nombre de trois) dans grands menhirs mesurent de 3 à 3,50 m, quelques le village de Thorigny-sur-Oreuse. Le ruisseau uns entre 2 et 3 m. On en connaît quelques uns de coule d’est en ouest sur environ 14 km. Dans sa moins de 2m, avec une limite inférieure, toute partie supérieure, la vallée passe entre des massifs théorique, de 1,40m. En dessous de cette taille, on forestiers d’importances diverses, de 180 à 200 m peut hésiter entre menhir, borne de finage, élément d’altitude, le plus vaste étant au sud l’ensemble des de clôture et bloc en situation naturelle. forêts domaniales de Voisines et de Soucy-Launay, Pierre au Lorin, plus de sépulture mégalithique : les suivi au nord du Bois de la Pommeraye. A la sortie coteaux descendent vers la vallée de l’Alain plus à de Gisy-les-Nobles, l’Oreuse se divise en deux bras l’est commence le département de l’Aube, avec le qui se jettent dans l’Yonne de part et d’autre de bassin de l’Orvin et une nouvelle et remarquable Pont-sur-Yonne. En amont de Thorigny-sur-Oreuse concentration de dolmens, séparée du groupe de commence une vallée sèche cachant un réseau l’Oreuse par un hiatus de cinq à six kilomètres. hydrographique souterrain (plusieurs stations de pompage) et aboutissant à un important massif Le confluent Yonne-Oreuse. forestier de plateau : la Forêt Domaniale de A l’autre extrémité du « croissant de l’Oreuse”, Vauluisant. La partie centrale de cette forêt, dite face à son « delta » les coteaux de Pont-surYonne et « Forêt de Lancy », débouche, à l’est, sur des pentes de Villemanoche, orientés vers le nord-est. cultivées ouvrant sur les horizons champenois. A l’entrée sud de Pont-sur-Yonne, lieudit « les Hauts Bords », en 1858, fut partiellement détruit et fouillé un imposant dolmen dont la table, émergeant jusque là à peine du sol, gênait les cultures. Les fouilleurs, après avoir cassé cette table, qui pesait plus de 15 tonnes, découvrirent qu’elle reposait sur trois pierres fortement inclinées. Dans la terre du « caveau » de nombreux ossements, dont au moins 10 crânes, deux “vases en poterie de forme circulaire peu élégante », dits en « pot de fleur », et des outils en silex. Tout ce mobilier a disparu, non sans avoir été minutieusement décrit par le docteur Roché. A l’autre extrémité de Pont-sur-Yonne, à flanc du coteau du Gallat, près du chemin des Mardelles, commune de Villemanoche, en 1875, nouvelle découverte : sous une large dalle de grès de 1,20 m Les Sièges, la “Pierre Colon” d’épaisseur et d’un poids de près de 20 tonnes, dans un caveau creusé dans la craie, les restes osseux de La frontière orientale du domaine plus de 20 personnes. Encore une fois, parmi dolménique.
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