Andrea SACCHI, Didon Abandonnée

Andrea SACCHI, Didon Abandonnée

XVII e siècle / Italie / Art classique / Peinture d’histoire Musée des Beaux-Arts de Caen – Italie XVII e Étude d’une œuvre… ANDREA SACCHI (Nettuno, 1599 - Rome, 1661) Didon abandonnée Vers 1630 -1640 Fiche technique Huile sur toile 1,34 m x 1,48 m Signé en bas à gauche, sur la lame de l'épée à la manière des armuriers de la Renaissance : A. SACCHI R[oma]. F[ecit]. Envoi de l'État, 1802 Musée des Beaux-Arts de Caen / Étude d’une œuvre : Andrea Sacchi, Didon abandonnée / 2019 1 Document réalisé à partir du catalogue Didon abandonnée d’Andrea Sacchi - L'œuvre en question n°4 écrit par Christophe Marcheteau de Quincay à l’occasion de la présentation de l’exposition-dossier au musée en 2007. ÉLÉMENTS BIOGRAPHIQUES 1599 Année probable de la naissance de Sacchi, à Nettuno, petit village au Sud de Rome. Apprend les rudiments du métier avec son père puis intègre l’atelier de Cesari d'Arpino, dit Le Cavalier d’Arpin. Vers 1613 Il remporte un prix à l’Académie de Saint-Luc qui lui permet d’obtenir le soutien actif du cardinal Francesco Maria del Monte, mécène de grands artistes tels que Simon Vouet ou Ludovico Cigoli. Le prélat lui ouvre les portes de sa collection où Sacchi découvre notamment les œuvres de Caravage, Carrache, Guido Reni, Le Cavalier d’Arpin (1568 – 1640), La Victoire de Tullus Hostilius sur les forces de Veies et de Findena Guerchin, Titien et Raphaël. Séduit par les idéaux classiques d’Annibal Carrache, il [salle 11] devient l’élève de son principal émule Francesco Albani, dit l’Albane. Vers 1618-1620 Il accompagne son maître à Bologne 1625 Réalisation du retable de la basilique Saint-Pierre de Rome, Saint Grégoire et le miracle du corporal , qui assoit sa réputation. 1630-1650 Période qui correspond à la maturité de l’artiste. Son rapprochement avec les Barberini, famille romaine liée au pape Urbain VIII, lui permet d’obtenir de nouvelles commandes : peintures religieuses (dont La Vision de saint Romuald , Le Miracle de saint Antoine de Padoue…), cartons de mosaïques pour la basilique Saint- Pierre de Rome, décors de villa (dont la villa Sacchetti à Castelfunaso), tableaux privés, portraits (dont celui d'Urbain VIII) et quelques réalisations architecturales (dont la façade extérieure de la chapelle Sainte-Catherine- de-Sienne à Santa Maria sopra Minerva). À partir des années 1650 Sacchi se consacre surtout à des activités d'enseignement auprès d'un petit nombre de suiveurs, tels Agostino Scilla ou Luigi Garzi. 1652 La maladie qui commence à l'accabler, l'empêche d'achever Le Songe de saint Joseph , tableau du maître- autel de San Giuseppe à Capo le Case. 21 Juin 1661 Décès à Rome. Musée des Beaux-Arts de Caen / Étude d’une œuvre : Andrea Sacchi, Didon abandonnée / 2019 2 ÉTUDE DE L ’ŒUVRE Présentation De Rome à Caen : les pérégrinations de Didon abandonnée Depuis sa réalisation à Rome entre 1630 et 1640 jusqu’à son arrivée au musée des Beaux-Arts de Caen en 1802, le tableau Didon abandonnée a connu de multiples propriétaires. Les recherches ont permis de retracer avec précision son itinéraire. Il a tout d’abord appartenu à la collection de Michel Particelli , ambassadeur puis contrôleur général des finances, homme de confiance de Mazarin. Particelli a profité de l'activité politique, artistique du cardinal et de son réseau d'intermédiaires à Rome pour se bâtir une solide collection de tableaux qui sont estimés au nombre de 137 lors de son inventaire après son décès survenu en 1650. Le tableau est alors légué, en 1650, à sa fille Marie, épouse de Louis II Phélypeaux. À la faveur de ce legs, le tableau emménage dans la grande salle du rez-de-chaussée de la demeure de Louis II Phélypeaux (1598-1681), l'hôtel de La Vrillière, rue Croix-des-Petits-Champs à Paris, non loin du Louvre. À l'instar des plus grands seigneurs et amateurs du temps, ce grand commis, qui servit Richelieu, Mazarin, puis Colbert, rassemble une collection de peintures qui comptait 240 tableaux. À sa mort, en 1681, son fils hérite de Didon abandonnée . En 1705, Louis III Phélypeaux (1672-1725) vend le tableau ainsi que l'hôtel, son mobilier et l'ensemble de la collection de tableaux à Louis Raulin-Rouillé , conseillé du roi, afin de solder les dettes de son père. Raulin meurt en 1712 et sa veuve, Marie-Angélique Daquin, fille du premier médecin du roi, revend l'hôtel et les tableaux, en janvier 1713, à Louis-Alexandre de Bourbon (1678-1737), comte de Toulouse, grand amiral de France, fils légitimé de Louis XIV et de la marquise de Montespan. La demeure est remaniée par Robert de Cotte, premier architecte du roi, et elle sera désormais connu sous le nom d'hôtel de Toulouse. Didon abandonnée est alors accrochée dans la chambre de parade. En 1737, le fils du comte, le duc de Penthièvre (1725-1793), hérite. Le tableau demeure dans l'hôtel de Toulouse, mais il est raccourci afin de mieux intégrer le décor d'un salon. À la mort du duc, le 4 mars 1793, les scellés sont apposés sur son hôtel parisien, ses biens deviennent ceux de la Nation. Le tableau est transféré dans un dépôt d'objets d'art puis envoyé, en 1797, au Muséum central des arts (futur Louvre) le 26 mai 1797. En 1801, le décret Chaptal entérine la création des musées départementaux dans quinze villes de province. En 1802, l'État concède Didon abandonné au musée des Beaux-Arts de Caen mais une erreur d'attribution le donne à Claude Vignon. Il faut attendre 1970 pour que le tableau soit de nouveau attribué à Sacchi. Sujet Malgré sa grande simplicité, l’œuvre contient tous les éléments nécessaires à l’identification du sujet qui met en scène une femme. Plusieurs signes tels que sa tenue luxueuse faite de tissus souple et soyeux brodés d'or, ses fines sandales mais aussi ses bijoux (la perle de sa boucle d'oreilles et les pierres serties sur la bordure du col) ainsi que sa couronne désignent une femme de haut rang. Cette impression est corroborée par d'autres signes extérieurs de richesse : le coussin de velours moelleux et la naissance de l’arcature qui suggère une architecture monumentale. Il s'agit sans aucun doute d'une princesse ou d'une reine représentée dans son palais. Cette femme est éplorée, elle tient dans sa main droite un mouchoir et tourne ses yeux rougis vers le ciel comme si elle implorait une force divine. Elle tient sur son cœur la pointe de la lame d'une épée, elle va se suicider, et on comprend alors la présence des bûches sous le coussin : elles annoncent le prochain bûcher funéraire. Quelques accessoires supposent une seconde personne : l'épée, l'armure et le manteau rouge. Par ces détails, le peintre évoque un homme absent. Est-il mort ou parti ? La réponse à cette question se situe dans le paysage maritime à l'arrière-plan. Celui-ci assume une fonction plastique, il confère une certaine profondeur à la Musée des Beaux-Arts de Caen / Étude d’une œuvre : Andrea Sacchi, Didon abandonnée / 2019 3 composition et l’aère, mais il a aussi une fonction iconographique, il donne des indices supplémentaires qui permettent au spectateur de comprendre l'histoire. Ainsi, la présence de la mer et des bateaux dans le lointain indiquent que cet homme absent est parti par la voie maritime. Dans son départ, réside la raison du suicide de la reine puisqu’elle se donne la mort avec son arme, exprimant ainsi le lien de causalité entre les deux événements. Grâce à ces divers éléments, la scène s’identifie aisément : le peintre représente Didon, reine de Carthage, quelques instants avant son suicide causé par le départ d’Énée. Cet épisode est tiré de l' Énéide de Virgile (livre IV, vers 642-705). Composition Le tableau est construit autour de la figure monumentale de Didon. Elle s'inscrit dans un rectangle formé par la grande horizontale de l'assise du bucher, celle prolongeant la ligne de la cimaise de la corniche et les deux verticales prenant naissance respectivement dans le pommeau de l'épée et la tache claire du pied. Les deux diagonales de ce rectangle passent par les détails signifiants de la scène : la lame de l'épée, la main tenant le mouchoir, l'éclosion de la courbe de l'arc-en-ciel. La rencontre des diagonales, qui marque le centre du tableau, coïncide avec la pointe de l'épée et le cœur de Didon. La ligne médiane passant par ce point sépare les empires céleste et terrestre. Les masses colorées du ciel, de la robe et de l'ample drapé du manteau se distribuent selon ces principales lignes de construction. Principales lignes de composition du table au Didon abandonnée Lumière et couleurs L’œuvre est brossée dans un camaïeu de gris bleutés, de bruns et de mauves rehaussé par l’éclat du manteau pourpre d’Enée qui bouillonne sous le cœur de Didon et préfigure le sang qui, bientôt, coulera de sa blessure au cœur. Provenant du coin gauche, la lumière éclaire particulièrement la gorge et les bras pâles de l’héroïne et creuse les plis mouvementés des tissus, matérialisant le contraste entre la fragilité de la femme et les tourments intérieurs qui agitent la reine amoureuse. Didon, reine mythique de Carthage Carthage a été fondée par des colons phéniciens de Tyr vers 814 avant J.-C. Le nom de Carthage provient du phénicien Kart-Hadasht qui signifie « Nouvelle ville » et qui pourrait faire penser à « Nouvelle Tyr ».

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