SOMMAIRE 04/07 Ibrahim Maalouf Musicothérapie ÉDITO 08/13 ACTU musiques 12 / Forabandit // Live 13 / Deltas // Bonne nouvelle Médecines douces 14 TENDANCES Électro Chaabi Dans l’interview qu’il nous a accordée, Ibra- him Maalouf, certifié meilleur artiste de jazz 16/26 PORTRAITS, INTERVIEWS en 2013, déclare faire de la musique pour 16 / Reggae régénérescence se soigner. Ce faisant il nous rend aussi la 18 / Mo Kalamity vie plus agréable. La planète malade dans 20 / Mamar Kassey laquelle nous évoluons a bien besoin de 21 / Mayra Andrade telles thérapies de groupes. Les autres ar- 22 / Nathalie Natiembé tistes présentés ici œuvrent aussi à rendre le 23 / Vieux Farka Touré monde meilleur. En Egypte, les musiciens du 24 / Dhafer Youssef mouvement électro chaabi ont créé une eu- 25 / Keziah Jones phorisante réponse aux soubresauts de leur 26 / Tremor société. En Afrique, les Nigériens de Mamar Kassey, le Malien Vieux Farka Touré ou l’An- 27 LA ruBRIQUE de David Commeillas Voguing / De le musique plein les yeux glo-Nigérian Keziah Jones veillent au moral et à la moralité de leurs pays. De leurs iles 30 DIS-MOI CE QUE TU ECOUTES respectives, la Capverdienne Mayra An- Rosemary Standley drade et la Réunionnaise Nathalie Natiem- bé exportent de la vitamine D. Les Argentins 31/42 CHRONIQUES DISQUES de Tremor concoctent des solutions hybrides entre rythmes traditionnels et prothèses nu- 44 PLAYLIST mériques. En France, le reggae se porte bien et commence à se prescrire au delà de nos 45 LABEL frontières. Quels qu’en soient les symptômes, Awesome Tape of Africa les maux de l’âme peuvent se combattre en musique. Benjamin MiNiMuM 46 ChroniQUES TV/DVD 48/52 DEHORS Photographie extraite du livre Voguing and the House Ballroom Scene of New York City, 1989-92 de Chantal Regnault En couvertureTendances Portraits, interviews pour mesauver » que lamusiqueétaitlà « J’aitoujourssenti © Joyce En couverture MUSICO - - THÉRAPIE Ibrahim Maalouf Propos recueillis par : Benjamin MiNiMuM Photographies : Denis Rouvre Fort d’une victoire de meilleur artiste de jazz de l’année, Ibrahim Maalouf revient avec Illusions, un nouvel album nourri de quelques certitudes et de nombreuses interrogations Qu’as-tu ressenti lorsque l’on t’a remis la Victoire de l’artiste Peut-on considérer comme fondement de ton travail la trilo- de jazz de l’année ? gie « Dia » (les albums Diaspora, Diachronism et Diagnostic) Ibrahim Maalouf : Je me suis avant tout senti honoré par les où tu as expérimenté beaucoup de directions et brassé de professionnels qui accordent de l’importance à mon travail. nombreux genres ? C’est une chance. J’étais assez fier de sentir que le « métier » IM : C’est quasiment dix ans de ma vie. Au delà d’être la base de m’accompagnait dans ma démarche artistique et qu’il y avait mon travail, ces trois albums m’ont construit. Avant de compo- des gens dans le milieu du jazz qui aiment bien ce que je fais. ser le premier, j’étais vraiment quelqu’un d’autre, j’avais besoin Car pendant un temps, je sentais un débat au sein de ce petit de passer par un chemin presque initiatique. Pour des raisons milieu, provoqué par certains musiciens qui ont du mal à ac- techniques : savoir comment on construit un album, comment cepter que ma musique puisse être du jazz [Des propos insul- on le produit, comment on mélange les sons. Je n’avais jamais tants ont circulé sur les réseaux sociaux, créant une polémique fait ça, je suis un autodidacte à tout point de vue, sauf pour la qui a culminé au soir de l’attribution des Victoires, quand une trompette. J’ai appris à exprimer ce que j’avais à dire, comme photo d’Ibrahim Maalouf recouverte d’un crachat a circulé quelqu’un qui ne sait pas vraiment parler, mais qui à travers sur Facebook, avant d’en être retirée]. Mais avec cette ré- un long parcours apprend à s’exprimer. Avec ces trois albums, compense officielle, la polémique n’a plus lieu d’être. Même ma vision des rapports humains a aussi complètement évolué. si quelque part, ça ne m’importe pas beaucoup. Je fais ma J’étais souvent seul sur ces disques, mais j’ai appris à m’entou- musique sans me préoccuper de savoir dans quelle catégorie rer, à intéresser les gens à ma musique, à échanger. J’ai appris elle rentre. à dialoguer, à ne pas couper la parole aux autres. A fonction- ner aussi selon les règles des autres. Quand on est jeune, on est Le jazz est loin d’être le seul ingrédient de ta musique. persuadé d’avoir raison et on se trompe, car on apprend des IM : Je pense que par définition le jazz est un mélange de plein autres. Ces trois disques ont été une grande expérience, hu- de tendances. Mais dans le fond, ça m’est égal, je n’ai pas de maine, musicale et technique. Donc, c’est forcément la base problème à ne pas être considéré comme un jazzman et je suis de ce qui va suivre. tout à fait honoré de l’être si c’est le cas. 05-39 Mondomix musiques nov/dec 2013 Ces trois disques ont aussi été pour toi de grands question- plus elles me font réfléchir. Ce sont les musiques qui induisent le nements sur ton identité géographique, humaine et artis- thème, le sujet traité. tique... IM : En effet, ils représentent beaucoup de questions. Celle Et quelles sont les questions en jeu cette fois ? de la place qu’un individu doit prendre dans une société, du IM : J’ai toujours été fasciné par la notion de perception des rôle qu’il doit jouer. Sommes-nous inutiles ou sert-on à quelque choses. Je suis fasciné par la façon que l’on peut avoir d’être chose ? Ces trois disques ont été pour moi une énorme théra- tous d’accord au sein d’un groupe alors que fondamentale- pie. On dit d’ailleurs qu’une psychanalyse dure dix ans et ça ment, on ne voit pas les choses de la même manière. Et, au été le temps que j’ai consacré à ces disques. J’ai l’impression contraire, on va se retrouver en désaccord total et rentrer dans d’avoir beaucoup grandi et mûri grâce à ces albums. Je ne dis des débats à propos de choses précises alors que globale- pas que ça ne va pas continuer. Mais il y a un avant et un après ment, ce qui nous sépare se résume à des détails. Toutes les très important. compositions d’Illusions m’ont évoqué ce sujet. Et aujourd’hui, tu fais face aux « illusions » ? Ça va de choses anecdotiques à des sujets plus graves ? IM : J’ai toujours été dans l’analytique. Ça na jamais été la mu- IM : On est dans un monde où l’on peut zapper et la percep- sique pour la musique. J’ai toujours senti qu’elle était là pour tion des choses est complètement altérée. Le summum, c’est me sauver. Et ça continue. le journal télévisé, avec lequel on peut passer en quelques mi- nutes de la victoire de l’équipe de basket française au cham- Avec ce nouvel album, le premier enregistré dans ton studio, pionnat d’Europe à l’horreur d’un massacre au Kenya [l’inter- tu as travaillé avec ton groupe et non plus tout seul... view se déroule le 23 septembre]. Comment peut-on avoir une IM : Le groupe avec lequel j’ai enregistré Illusions résulte de vision du monde raisonnée dans ces conditions ? Comme tout sept années de tournées. En 2006, je suis parti avec un groupe le monde, je suis très troublé par ça. Cela s’exprime de diffé- qui jouait des choses qui n’avaient rien à voir avec mes albums. rentes manières selon les gens. Certains vont garder ce trouble Normalement, quand tu fais un disque, tu pars avec les mêmes en eux. Certains prient. Moi, je le manifeste par la musique, en musiciens en tournée ou au moins avec les mêmes instruments. essayant d’exprimer cette difficulté à comprendre les choses, Jusque là, quand les gens qui achetaient mes disques venaient en lui donnant un sens. me voir en concert, ils entendaient autre chose. Après sept ans de maturation, je me suis senti prêt à enregistrer quelque Illusions est composé de nouveaux morceaux et d’autres chose parce que j’ai l’impression d’avoir trouvé l’équipe qu’il très anciens. me fallait, le son qui m’allait. Comme je les sentais fin prêts, je IM : Il y en a un que j’ai écrit voilà très longtemps. Pendant leur ai proposé toutes ces musiques que nous avons bossées la guerre du Liban, nous étions en France et mon père appe- au cours d’une résidence et que nous avons jouées sur scène lait la famille tous les jours pour avoir des nouvelles. Il laissait avant l’enregistrement. le téléphone sonner pendant de très longs moments et cette sonnerie était un peu angoissante car on ne savait pas ce qui Il y a eu des échanges d’idées entre toi et eux ? était arrivé aux personnes que l’on appelait. J’avais moins de IM : Les musiciens m’ont énormément apporté pendant l’enre- dix ans et mon cœur battait à trois cent à l’heure, car je voyais gistrement, chacun donnait son avis. Même si c’est moi qui ai les images à la télé et derrière la sonnerie, il y avait des gens composé, arrangé et réalisé. J’ai un peu du mal à libérer mes qui pouvaient être vivants ou morts.
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