Materialisme- dialectique.com Vive le PCF ()mlm ! L'économiste Eugen Varga Un personnage historique Eugen Varga est une figure importante du Mouvement Communiste International, en tant qu'économiste extrêmement actif et prolifique. Il a été l'auteur de pas moins de 65 rapports trimestriels sur la situation du capitalisme (soit environ 2 000 pages d'articles), 500 articles scientifiques et 75 ouvrages. Il fut l'économiste de la révolution hongroise en 1918, avant de se mettre au service de l'Union Soviétique, devenant alors un économiste important en termes d'analyse du capitalisme. Après avoir été actif au début des années 1920 dans un Institut fondé à Berlin à la demande de Lénine, il mit en place et dirigea l’Institut de l’économie mondiale et de la politique mondiale, qui devint une composante de l’Académie des sciences de l’URSS. À ce titre, il joua un rôle important également comme auteur de rapports économiques de plusieurs congrès de l’Internationale Communiste, participant également à plusieurs sessions plénières de son Comité exécutif. C'est lui qui assuma la fonction de cumuler les données pour dégager les grandes lignes de ce qui fut appelé par l'Internationale Communiste la « crise générale du capitalisme ». Il connut une phase de critiques pour certaines de ses interprétations à partir de 1927-1928, moment où il fut considéré comme convergeant avec la droite au sein du Mouvement Communiste International. Il fit toutefois amende honorable, sa place devenant néanmoins tout à fait secondaire ; il était considéré comme un statisticien et un analyste de grande valeur, mais tendant à l'objectivisme bourgeois. Il ne joua pour cette raison pas de rôle réel dans la mise en place du principe du Front populaire, puis des démocraties populaires. Eugen Varga appartient ainsi historiquement, au sens strict, à la vague révolutionnaire des années 1920, avec sa valeur et ses grands soucis internes. C'est d'ailleurs comme cela que, le plus souvent, cette figure historique est présentée. Ce n'est pourtant pas tout. À la suite de la Seconde Guerre mondiale, Eugen Varga commença à entrer en conflit ouvert avec les thèses dominantes en URSS ; il affirma que les guerres inter- impérialistes n'étaient plus inévitables, que désormais l’État était désormais relativement indépendant du capitalisme et en mesure d'organiser celui-ci. Il mit tout l'institut qu'il dirigeait au service de cette vision des choses, ce qui ébranla très profondément le Parti en URSS, provoquant des troubles idéologiques pour plusieurs années. Cet épisode, inconnu dans le Mouvement Communiste International à part très rarement pour quelques détails, est pourtant d'une importance capitale, car Eugen Varga est ni plus ni moins qu'à 1 l'origine de la dynamique révisionniste en URSS. Les thèses de Nikita Khrouchtchev, notamment lors du 20e congrès du Parti Communiste d'Union Soviétique, relèvent directement de la conception d'Eugen Varga, qui fut par conséquent particulièrement valorisé pour cela. Ce dossier sur l'activité d'Eugen Varga pour l'Internationale Communiste et celui sur son aide à Khrouchtchev sont par conséquent d'une haute importance. La polémique lancée par Eugen Varga en 1947 est à l'origine de la mise en place du révisionnisme sous une forme organisée en URSS. C'est le véritable détonateur d'un ébranlement fondamental dans les institutions soviétiques, avec la remise en cause de l'idéologie matérialiste dialectique et de la conception léniniste telle que définies par Staline. L'intérêt pour Eugen Varga ne s'arrête pas là. Il est en effet également à l'origine d'une conception nouvelle du capitalisme, le « capitalisme monopoliste d’État ». Cette thèse remplaçait directement la thèse de Lénine sur l’impérialisme comme stade suprême du capitalisme ; l’impérialisme se serait transformé en capitalisme monopoliste d’État ; les monopoles partiraient à l’assaut d’un État neutre par rapport aux classes et il s’agirait de faire un front anti- monopoliste pour le protéger et soi-même le conquérir. Cette conception du capitalisme sera pas moins que celle désormais de l'URSS après Staline, alors qu'elle s'affirme désormais comme puissance social-impérialiste en quête de satellites semi- coloniaux. Elle sera partagée et développée par de nombreux pays et partis, notamment le Parti Communiste français qui en fera la clef de toute sa stratégie par l'intermédiaire de l'économiste Paul Boccara, qu'il faut définir comme le Varga français. Le programme commun socialiste-communiste, dont l’aboutissement est l’élection de François Mitterrand comme président français en 1981, s’appuie en tant que tel du côté du Parti Communiste Français sur la thèse du capitalisme monopoliste d’État, théorisé par ailleurs dans un ouvrage en 1971. Un révolutionnaire hongrois Eugen Varga est né le 6 novembre 1879 à Nagytétény, une petite ville à une trentaine de kilomètres de Budapest, la capitale de la Hongrie, dans ce qui était alors l'Autriche-Hongrie. Son père était instituteur, il perdit sa mère très jeune en raison de la tuberculose. Lui-même fut d'abord apprenti boulanger, pour ensuite faire un apprentissage de commercial. Il servit alors de secrétaire pendant trois années à un propriétaire terrien à partir 1899, dans le Komitat Somogy dans l'ouest de la Hongrie. Il parvint à poursuivre ses études, afin de pouvoir s'inscrire à l'université, ce qu'il fit en 1902 à la faculté de philosophie de Budapest, dans les domaines de l'histoire et de l'économie. En 1903, il quitta la religion juive et abandonna son nom de Weisz pour celui de Varga. Il étudia ensuite également à Berlin et Paris, pour obtenir un diplôme de professeur de commerce en 1907 et de docteur en philosophie en 1909, à 28 ans. Il fut alors professeur dans une école commerciale jusqu'en 1918. 2 Entre-temps, il avait rejoint la social-démocratie hongroise en 1906, pour qui à partir d'avril 1907 il écrivit des articles en tant que collaborateur constant et rédacteur de la section économique de l’organe central du Parti, Nepszava, La voix du peuple, qui était devenu un quotidien en 1905, après avoir paru auparavant trois fois par semaine. Un hebdomadaire plus théorique, Szocializmus, fut fondé en 1906. Eugen Varga travailla également pour l’organe social-démocrate allemand la Neue Zeit, notamment au sujet de la situation de la classe ouvrière hongroise, du développement économique, de la question monétaire, de l'inflation. Avec l'effondrement de l'Autriche-Hongrie, il fut nommé en novembre 1918 professeur d'économie à l'université de Budapest, mais il ne fut pas en mesure de prendre ce poste en raison de l'intense activité politique du côté social-démocrate. Le contexte était le suivant : le 23 octobre 1918, sur les ruines de l'Autriche-Hongrie, se produisit la révolution des asters, du nom de la fleur servant de reconnaissance aux partisans de la république hongroise. Le comte Mihály Károlyi fut alors à la tête d'un gouvernement de coalition, avec également la social-démocratie, donc aux côtés du parti indépendant et du parti bourgeois. Les représentants sociaux-démocrates dans le gouvernement appartenaient uniquement à l'aile droite du Parti, tandis que l'aile gauche poussait à l'agitation, Eugen Varga écrivant notamment la brochure « Comment peut-on vivre sans travail ? ». Il rédigea également un plan de réformes de la propriété agraire, à la demande du Parti qui n'avait pas encore établi de point à ce sujet dans son programme, n'ayant formé une commission en ce sens qu'en 1912, à son XIXe congrès. Cependant, parallèlement s'était formé, autour de Béla Kun, un Parti des communistes de Hongrie, lié directement aux bolcheviks. La convergence des deux forces se produisit à l'occasion de l'ultimatum du traité de Versailles, qui privait la Hongrie d'une partie significative de son territoire. Mihály Károlyi démissionna immédiatement, le 19 mars 1919, et les communistes créèrent dès le lendemain une agitation dans le sens du soulèvement, aboutissant à leur répression, mais provoquant en même temps une solidarité du côté de l'aile gauche de la social-démocratie, qui demanda que le gouvernement, désormais social-démocrate uniquement, les intègre dorénavant. Au bout de deux jours de négociation, il fut procédé à l'unification, donnant naissance au Parti Socialiste de Hongrie,le 21 mars 1919, et proclamant en même temps la formation d'une république soviétique de Hongrie. Eugen Varga participa à cela en étant au premier plan, prenant les fonctions de commissaire au peuple des finances du gouvernement révolutionnaire, puis immédiatement de commissaire à la production, et pas moins que celui de président du Conseil économique suprême de la République soviétique hongroise. Sa ligne avait déjà été exposée dans un article de Nepszava, le 2 mars. Le capitalisme était en train 3 de mourir et il fallait réorganiser la production à un rythme rapide pour former des grands regroupements productifs, centraliser pour échapper à la crise productive. S'il venait de la social- démocratie, cette ligne centraliste-volontariste correspondait à celle de ceux qui l'avaient quittée peu de temps avant dans le but de former un parti communiste autour de Béla Kun, et avec qui il était en désaccord pourtant encore une semaine auparavant, se méfiant du bolchevisme, dans un esprit proche de celui de Karl Kautsky. La trajectoire d'Eugen Varga est ici exactement parallèle à celle d’un autre intellectuel bourgeois, Georges Lukacs, frappé par la vigueur du bolchevisme et qui prit pareillement des responsabilités importantes dans le gouvernement, dans le domaine de la culture. Eugen Varga fut d'ailleurs auparavant un visiteur irrégulier du « cercle du dimanche » lancé sur une base idéaliste par Georges Lukacs.
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