Le 16, Pour Le MR ?

Le 16, Pour Le MR ?

/Politique 18 / Belgique Le 16, un traquenard pour le MR ? En offrant le poste de Premier ministre à la famille libérale, N-VA et CD&V piègent le MR. Car le prix à payer promet d’être lourd et la fonction, moins décisive que par le passé, sera surexposée dans une période difficile. Les libéraux francophones sont pourtant prêts à assumer leurs responsabilités. Par Olivier Mouton u MR, on ne cache pas son enthousiasme, même s’il est teinté d’appréhension. Charles Michel pourrait Aoffrir au parti – et à lui-même... – le poste de Premier ministre s’il mène à bien sa mission de coformateur et permet à la coalition suédoise de voir le jour, vraisembla- blement à la fin du mois. Un boulevard pour le « 16 » s’ouvre aux libéraux francophones depuis que le CD&V a renoncé à la fonction pour Kris Peeters le jeudi 4 septembre, privi- légiant dans des circonstances dantesques le poste de com- missaire européen pour son ex-présidente Marianne Thys- sen, au nez et à la barbe du candidat pressenti, le MR Didier Reynders. Une rupture historique Un libéral francophone au 16, rue de la Loi ce serait une rupture symbolique supplémentaire pour cette majorité LE FORUM DE MIDI Réagissez à notre dossier « Le 16, un traquenard pour le MR ? », PREMIER MINISTRE Charles Michel tient ce lundi 15 septembre, de 12 à 13 heures, sur La Première. la corde pour occuper le 16, rue de la Loi, Olivier Mouton, du Vif/L’Express, y est l’un des hôtes de l’émission depuis le retrait de Kris Peeters. participative de Fabienne Vande Meerssche. Un fameux risque. N° 37 / 12 septembre 2014 LE VIF / 19 inédite alliant N-VA, CD&V, Open VLD avec le seul MR. La dernière fois qu’un libéral francophone fut Premier mi- nistre, c’était en 1937 avec Paul-Emile Janson. Un franco- phone n’a plus succédé à un autre francophone à la tête du pays depuis 1965, quand le catholique Paul Vanden Boeynants avait relayé son collègue Pierre Harmel – mais à l’époque, les partis étaient encore nationaux. Aucun libéral ne parle de « revanche », mais la perspective de voir un MR remplacer Elio Di Rupo à la tête du fédéral, sans le PS pour la première fois depuis 1988, comble d’aise un parti blessé d’avoir été une nouvelle fois rejeté dans l’op- position dans les Régions par le PS et le CDH. « Nous ne nous attendions pas du tout à ce que le CD&V fasse l’impasse sur le 16, commente un proche du président, Charles Michel. Le poste de Premier ministre n’avait jamais fait partie de nos plans. Quand on a pris acte de cette nou- velle donne, dans un premier temps, nous avons eu peur parce que l’on mesure les risques d’une telle fonction. Mais qui n’ose rien n’a rien. Diriger cette équipe, ce serait cohérent avec notre volonté de prendre nos responsabilités. Nous souhaitons inventer avec la suédoise une nouvelle logique fédérale, sans majorité dans les groupes linguistiques. Alors, autant être à la manœuvre! » « Un piège qui se referme » Dans les rangs de la future opposition fédérale francophone, on tire pourtant la sonnette d’alarme. Attention, danger! Si le MR s’empare du 16, rue de la Loi pour diriger la sué- doise, cela risque d’être « une très mauvaise nouvelle pour les francophones ». Pour atteindre le Graal de la politique belge, les libéraux francophones devront en effet multiplier les concessions sur le fond, affirment tant le PS et Ecolo que le FDF et, dans une moindre mesure, le CDH. Ultra- minoritaire au sein de la coalition, seul francophone face à la N-VA, au CD&V et à l’Open VLD, le parti de Michel et Reynders deviendrait la marionnette des exigences fla- mandes. « Ce poste de Premier ministre est un piège, clame à qui veut l’entendre Olivier Maingain, président du FDF. L’étau va vite se resserrer sur celui qui va occuper la fonction. » A ses yeux, le MR risque d’être victime du « supplice chinois de l’étouffement progressif ». La métaphore est pratique- ment la même dans les rangs socialistes: « Le MR avait commis une erreur historique en ouvrant un boulevard au fédéral pour un parti séparatiste et là, il aggrave son cas car les partis flamands vont l’étouffer petit à petit. La phase de suffocation a commencé. » Olivier Deleuze, secrétaire fédéral d’Ecolo, n’est pas en reste: « Cette fois, le Premier ministre francophone repré- sente une petite minorité dans sa communauté, et il se re- trouve face à une masse flamande impressionnante. Or, il y a deux façons de faire éclater le pays: défaire la Consti- tution ou, plus simplement, détricoter les mécanismes de solidarité. Nous y voilà... » Seul Benoît Lutgen (CDH) est plus mesuré : « Un Premier francophone, cela permettrait NICOLAS MAETERLINCK/BELGAIMAGE NICOLAS peut-être de rééquilibrer un peu la suédoise... » ••• N° 37 / 12 septembre 2014 /Politique 20 / Belgique MARIANNE THYSSEN Le CD&V a choisi : sa candidate sera commissaire européenne. MICHEL GOUVERNEUR/REPORTERS MICHEL ••• Une fonction « à hauts risques » le poste de Premier ministre pour une question de principe, Pour les académiques que nous avons interrogés, le poste nationaliste. Le CD&V est traditionnellement un parti du de Premier ministre est plus que jamais une fonction « à centre mais dans cette suédoise, il en sera le parti le plus à hauts risques », a fortiori dans une coalition « compliquée » gauche et doit tenir compte de ses piliers syndicaux et mu- comme risque de l’être la suédoise, dans un contexte so- tuellistes. Ces deux partis ont renoncé au 16 dans l’espoir cio-économique délétère. « Un parti éprouve davantage de pouvoir obtenir davantage de choses sur le fond... Quant de difficultés à défendre ses positions quand il occupe le à l’Open VLD, il est indispensable après avoir été invité 16 parce qu’il doit faire la synthèse entre les points de vue en dernière minute... » des partenaires, souligne Pascal Delwit, politologue à Officiellement, le ministre CD&V Koen Geens réfute l’ULB. Cela peut l’amener à faire davantage de concessions l’idée selon laquelle son parti serait à la recherche de « tro- pour protéger son Premier ministre. Cela peut aussi poser phées de gauche », mais il a déjà modifié sa ligne de négo- un problème au MR s’il veut retirer la prise pour défendre ciation depuis le retrait de Kris Peeters, notamment dans le domaine fiscal. La N-VA, elle, « n’a pas encore obtenu de grandes victoires symbo- « Le plus grand risque que court liques et peut être tenté de faire monter la la suédoise, c’est de mettre en place pression en fin de négociations », estime Carl Devos. N-VA et CD&V pourraient un gouvernement au sein duquel en outre réclamer des modifications dans Bart De Wever ne serait pas présent » le fonctionnement du gouvernement, no- tamment en exigeant que le Premier minis- les intérêts francophones, même si je suis circonspect quant tre fasse partie du quota francophone, ce qui remettrait en à l’utilité de ce type de menace. » cause la traditionnelle parité au sein du Conseil des ministres. « Le poste de Premier ministre n’est plus ce qu’il était, Pascal Delwit avertit encore: « Le plus grand risque que complète Carl Devos, politologue à l’université de Gand. court la suédoise, c’est de mettre en place un gouvernement Il pèse beaucoup moins lourd qu’auparavant, a fortiori au sein duquel Bart De Wever ne serait pas présent. En avec l’émergence des Régions. Dans cette coalition parti- marge, il pourra toujours être déloyal et porter son propre culièrement, les vice-Premiers ministres N-VA, CD&V et agenda. » Au fond d’elle-même, la N-VA rêve encore et Open VLD auront beaucoup de pouvoir. » Dave Sinardet, toujours de confédéralisme (lire aussi l’interview du cofon- politologue à la VU, acquiesce et ajoute: « La N-VA refuse dateur de la N-VA, Eric Defoort, en pages 24 et 25). N° 37 / 12 septembre 2014 LE VIF / 21 Si la N-VA et le CD&V ont dit « non » au 16, c’est aussi plique Pascal Delwit. Classiquement, il fait les arbitrages, parce que les partis flamands estiment désormais que la ce qui est très important. C’est quelqu’un qui peut bloquer fonction de Premier ministre est électoralement dangereuse les dossiers. Or, toutes les propositions plus ou moins “ra- et politiquement instable. « Guy Verhofstadt et l’Open dicales” passent par sa chancellerie. Il ne faut pas non plus VLD, Yves Leterme, voire Elio Di Rupo ont vu ce qu’il oublier qu’il est le principal représentant de la Belgique à en coûtait d’être Premier ministre en perdant des plumes l’extérieur: il siège au sein de l’Union européenne, à l’Otan, aux élections suivantes », note à l’ONU, où des décisions im- Carl Devos. La petite phrase portantes sont prises pour no- de Bart De Wever selon la- tre pays. Enfin, les locataires quelle celui qui passe par le 16 du 16 bénéficient quand même en ressort avec 16% est sans de la notoriété de la fonction, doute exagérée, mais elle trotte surtout de l’autre côté de la dans bien des têtes. Herman frontière linguistique. On a ou- Van Rompuy, lui, avait préféré NEWS LEBRUN/PHOTO DIDIER blié combien Guy Verhofstadt prendre la poudre d’escampette ou Yves Leterme étaient mal en 2011 pour rejoindre les cieux aimés ou peu connus du côté étoilés de l’Europe. francophone avant de devenir Premiers. » Un « arbitre déterminant » « Cela ne se refuse pas » Le MR est-il entré dans une lo- Pilier du MR et père de l’actuel gique autodestructrice? « Ce président, Louis Michel laisse défi peut paraître effrayant, entendre que son parti, cette c’est vrai, reconnaît cet acteur fois, ne laissera pas filer l’occa- de premier plan du parti libéral.

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