Des discours métalinguistiques aux usages : le français écrit des jeunes Gatinois Jade Dumouchel-Trudeau Thèse soumise à la Faculté des études supérieures et postdoctorales dans le cadre des exigences du programme de maîtrise ès arts en lettres françaises Département de français Faculté des études supérieures et postdoctorales Université d’Ottawa © Jade Dumouchel-Trudeau, Ottawa, Canada, 2016 Résumé Dans cette thèse, nous proposons de mettre en relation trois sphères susceptibles de s’influencer les unes les autres, mais pourtant peu rapprochées par les chercheurs jusqu’à présent : les discours journalistiques auxquels sont exposés de jeunes Québécois et leur communauté, les représentations que se font ces adolescents de leur langue et leurs usages du français. Nous approfondirons ces sphères une à une, pour ultimement en évaluer la cohérence et tendre vers un portrait nuancé des rapports d’adolescents à la langue. Nous prendrons pour cadre plus précis la ville québécoise de Gatineau, limitrophe de la province de l’Ontario : les représentations linguistiques des jeunes y demeurent peu connues, en dépit des traces que peut y laisser la vie dans un milieu frontalier où se côtoient les groupes linguistiques francophone et anglophone. D’abord, comme la presse écrite sert de lieu de construction et de relais des représentations linguistiques, nous ferons ressortir d’un corpus d’articles les principaux discours métalinguistiques qui y sont tenus à l’échelle gatinoise et québécoise. Ensuite, grâce à un corpus de questionnaires écrits que nous avons recueilli auprès d’élèves gatinois du secondaire, nous verrons dans quelle mesure les perceptions qu’entretiennent ces jeunes sur la langue se rapprochent ou s’éloignent de celles diffusées par les journaux. Enfin, nous montrerons que les opinions véhiculées dans ces deux corpus se font tour à tour miroir et distorsion du français écrit employé par ces élèves dans leur questionnaire. Faire ainsi dialoguer différentes composantes de la réalité linguistique d’adolescents contribuera à mieux distinguer les écarts qui s’installent entre perceptions de soi et de l’Autre. Cela paraît d’autant plus nécessaire dans le cas de locuteurs dont les représentations linguistiques, entre autres teintées par leur situation frontalière, se révèlent traversées par un fort sentiment de différence. ii Remerciements Je tiens à exprimer mes plus sincères remerciements à ma directrice de thèse, France Martineau, qui a su m’éclairer de ses conseils judicieux et me donner les moyens de grandir à travers chacune des étapes de la réalisation de cette thèse. Son amour de la recherche, sa générosité exceptionnelle, sa patience et ses encouragements m’ont profondément touchée. Je n’aurais pu espérer recevoir meilleur accompagnement dans ce projet. Cette recherche a été financée par le Conseil de recherche en sciences humaines du Canada, le Fonds de recherche du Québec (Société et culture) ainsi que l’Université d’Ottawa. Je suis très reconnaissante de cet appui financier, qui m’a été accordé sous forme de bourses. Merci aux professeures Mawy Bouchard et France Martineau, qui ont cru en moi et m’ont fourni les lettres de recommandation nécessaires pour soumettre ma candidature à ces bourses. Je souhaite également remercier les élèves qui ont accepté de remplir mon questionnaire de recherche, leurs parents, qui y ont consenti, de même que les enseignants et directeurs qui m’ont chaleureusement accueillie dans leur école secondaire le temps d’un cours de français. Sans leur aide, un important pan de cette thèse n’aurait pu voir le jour. Je désire aussi témoigner ma reconnaissance aux membres du Département de français de l’Université d’Ottawa. Je tiens plus précisément à souligner l’aide de madame Jocelyne Gaumond, secrétaire, qui a répondu à toutes mes questions avec la plus grande gentillesse; celle de Christian Milat qui, à titre de Directeur du département, a autorisé ma collecte de données auprès d’élèves; et celle des évaluateurs de cette thèse, Bertrand Labasse et Mawy Bouchard, dont j’ai apprécié la lecture attentive et les commentaires stimulants. C’est un plaisir et un privilège que d’avoir travaillé depuis quelques années comme assistante de recherche au Laboratoire Polyphonies du français, dirigé par France Martineau. J’y ai grandement enrichi mes connaissances. J’en garderai le souvenir d’un milieu de recherche stimulant et d’une équipe chaleureuse. Un merci tout particulier à Anne Mauthès, adjointe administrative, et à Marie-Claude Séguin, coordonnatrice à la recherche, pour leur disponibilité et la bonne humeur qu’elles répandent autour d’elles. Je tiens aussi à remercier ma collègue Mélissa Chiasson-Léger, en qui j’ai trouvé une amitié et un soutien des plus précieux. Il me faut enfin exprimer ma gratitude à ma famille et à mes amis, dont les encouragements répétés m’ont vivement émue. Une pensée toute spéciale pour Annabelle, qui a tant de fois embelli mes journées de rédaction par ses sages paroles, pour Ugo, qui a si bien su me comprendre, et pour Fabien, mon amoureux, avec qui la vie est si douce et inspirante. Les mots ne sauraient me suffire pour remercier mes parents, Gaétane et Christian, qui depuis toujours me font le cadeau de m’accompagner dans chaque projet qui me tient à cœur. C’est une chance inestimable que de pouvoir compter sur leur soutien et leur amour sans limites. iii On dit souvent que les jeunes sont porteurs de l’avenir d’une société. En fait, ils représentent bien davantage, puisqu’ils contribuent activement à bâtir le présent1. Introduction Dans la francophonie canadienne, où vivent en contexte minoritaire de nombreux francophones, se pose la question des conditions de la préservation de la culture et de la langue françaises. Il a été montré que chez les élèves du secondaire qui vivent en milieu minoritaire, la transmission du français peut être favorisée par l’école, la famille et la communauté2, mais aussi par les représentations positives que ces adolescents se font de cette langue3. Au Québec, l’école est également perçue comme devant jouer un certain rôle dans le maintien de l’identité francophone : quoique les Québécois forment une communauté linguistique majoritaire au sein de leur province, ils constituent néanmoins une « majorité fragile », de par leur statut de francophones minoritaires au Canada et l’« ambiguïté de dominance » qui en résulte4. Pour mieux comprendre, dans un tel contexte, les rapports d’élèves québécois à leur langue, il importe d’examiner les représentations linguistiques qu’entretiennent ces jeunes ainsi que les principaux discours de l’espace public susceptibles d’alimenter ces représentations. Cela présente un intérêt supplémentaire dans un milieu québécois majoritairement francophone, mais frontalier. Aussi proposons-nous, dans cette 1 Nathalie St-Laurent et al., Le français et les jeunes, Québec, Conseil supérieur de la langue française, 2008, p. 17. 2 À ce sujet, voir par exemple Rodrigue Landry, Réal Allard et Kenneth Deveau, École et autonomie culturelle. Enquête pancanadienne en milieu scolaire francophone minoritaire, Gatineau et Moncton, Patrimoine canadien et Institut canadien de recherche sur les minorités linguistiques, 2010. 3 Annette Boudreau et Lise Dubois, « L’insécurité linguistique comme entrave à l’apprentissage du français », Revue de l’Association canadienne de linguistique appliquée, vol. 13, no 2, 1991, p. 37-50. 4 Marie Mc Andrew, Les majorités fragiles et l’éducation : Belgique, Catalogne, Irlande du Nord, Québec, Montréal, Presses de l’Université de Montréal, 2010. 1 thèse, de porter une attention particulière au cas de Gatineau, ville québécoise voisine de la province anglophone de l’Ontario et de la capitale du Canada, Ottawa. Il a été observé que cette frontière interprovinciale – « la plus chargée au plan symbolique au pays5 » selon les géographes Anne Gilbert et Luisa Veronis – a un effet singulier sur la citoyenneté de la minorité anglo-gatinoise, qui se caractérise par un jeu d’appartenances multiples6. Comme cet espace frontalier paraît propice, par son contact avec l’anglais, au déploiement d’identités à plusieurs échelles, nous avons entrepris de vérifier s’il avait un impact notable sur les opinions linguistiques d’élèves gatinois francophones, qui restent à ce jour peu documentées. Cette thèse est plus largement sous-tendue par le désir de rendre compte de trois facettes de la réalité linguistique d’adolescents : leurs usages écrits, leurs idées sur la langue de même que celles diffusées dans leur communauté par la presse écrite. Si ces trois composantes ont été étudiées séparément, elles ont peu fait l’objet de travaux les mettant en relation. Pourtant, leur interaction façonne le quotidien des locuteurs : les discours métalinguistiques des journaux participent à la production et à la reproduction des représentations linguistiques, et ces représentations, elles, influencent les pratiques linguistiques et s’en nourrissent. Il nous apparaît donc essentiel de rapprocher ces trois sphères dans le but de tendre vers un portrait plus juste des rapports d’adolescents gatinois au français. 5 Anne Gilbert et Luisa Veronis, « Habiter Gatineau depuis la marge minoritaire : frontière et citoyenneté », ACME : An International E-Journal for Critical Geographies, vol. 12, no 3, 2013, p. 583. Ce texte a fait l’objet d’une seconde parution sous un titre semblable : id., « Habiter Gatineau depuis la marge anglophone », Anne Gilbert et al., La frontière au quotidien : expériences des minorités à Ottawa-Gatineau, Ottawa, Presses
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