LA IIT Les migrations rurales lohi de la aute-Volta vers la GOte d’hoire LES SENTIERS DE LA NUIT Les migrations rurales lobi de la Haute-Volta vers la Côte d’ivoire Michèle FIELOUX TRAVAUX ET DOCUMENTS DE L’ORSTOM No 110 ORSTOM - PARIS - 1980 Cet ouvrage a fait l’objet d’une thèse de Se cycle soutenue le 8 janvier 1975, sous la direction de Monsieur le Professeur MERCIER, Directeur d’études à la VI’ section de l’école pratique des hautes études. Q ORSTOM 1980 ISBN Z-7099-0479-9 AVANT-PROPOS L’enquête dont cet essai présente les résultats a été effectuée de décembre 1971 à décembre 1972 en pays lobi voltaïque et ivoirien, grâce à une allocation de l’Office de la Recherche Scientifique et Technique d’ou- tre-Mer (ORSTOM). Je voudrais d’abord remercier ceux qui ont rendu ce travail possible, et en premier lieu les autorités administratives ivoiriennes, en particulier celles du département de l’Est, MM. SORI et DRI YAO, sous-préfets de Bouna et de Tehini, les autorités administratives voltaïques de Gaoua, Batié-Sud et Kampti qui m’ont si cordialement accueillie dans leurs régions. Je voudrais exprimer tous mes remerciements au Centre de Petit Bassam d’Abidjan, qui s’est intéressé de près à la réalisation de ce travail et m’a donné les moyens de le mener à bien; MM. J. P. TROUCHAUD, J. P. DUCHEMIN m’ont aidée à résoudre les-problèmes matériels qui se sont posés ; MM. J. L. BOUTILLIER et P. ETIENNE, par leurs conseils, leur expérience et leur vigilance m’ont constamment guidée dans l’enquête sur le terrain et dans son exploitation. De chaleureux remerciements vont aux Lobi des villages de Solper- douo, Néloudouo, Poniseo, Iridiaka, Gomblora qui m’ont réservé un bien- veillant accueil et ont montré la plus grande patience pour mes intermina- . bles questions. Que BIWANTÉ KAMBOU, interprète et compagnon, trouve ici l’expression de ma gratitude pour sa constante collaboration ; que BENDOUTÉ DA, chef de canton d’Iridiaka, soit remercié pour sa très grande hospitalité et sa cordialité; ma reconnaissance va également aux anciens rencontrés, TENO SOMÉ, TIAGBOU KAMBIRÉ, NELOUTÉ KAMBOU, LEOUMI NuFÉ, DAHI SIB, DIHIMPÉ HIEN, HOPIERE KAMBOU. Que soient remerciés, aussi, P. BONNAFÉ, M. DIEU, J. M. KAMBOU, J. KAMBOU, G. SAVONNET, tous chercheurs en pays lobi, avec lesquels les échanges d’information ont été fructueux. Enfin, j’ai gardé une profonde gratitude à Monsieur le Professeur MERCIER, qui avait bien voulu suivre la genèse de cette enquête et accepter de diriger ce travail. INTRODUCTION Parmi les populations de l’Ouest africain, les Lobi occupent une place assez particulière : ils partagent avec quelques autres, rzotamment les Ba- riba et les « Somba », l’équ.ivoque privilège d’avoit été classés par BAUMANN et WESTERMANNcomme etpaléonégritiques » (1). Ce fait joint 6 divers épisodes de leur histoire récente - leur résistance à. la pénétra.tion fran- çaise, leur lente et sanglante soumission aux autorités coloniales, leurs révoltes sporadiques de groupements sans évidente hiérarchie politique - a contribué à donner d’eux une image teintée d’archaïsme et de rudesse. Certains traits sont venus parfaire cette vision des premiers Européens qui les ont rencontrés : leurs parures de feuilles ou de peaux, leurs ornements d’oreilles, leurs bracelets aux bras et chevilles, les labrets aux lèvres des femmes. ccLes Lobi ne sont pas habillés du tout. Un simple morceau d’étoffe cache à peine leur nudité. Les plus âgés portent des espèces de manteaux en peaux de bêtes. Ils ont le corps couvert de gris-gris. Sur la tête, des bonnets en écorce d’arbres, enduits de beurre de karité et de poudre de charbon, surmontés d’une plume de coq, dans les oreilles des anneaux de cuivre, de petites tiges de. mil ou de bambou, des bouts de cuir autour des bras jusqu’à 12 bracelets de cuivre, des bracelets en cauris, en cuir: au-dessus des mollets des ligations en cuir ou en ficelle, aux doigts de pied, des anneaux de cuivre Ü (lieutenant CHAUDRON~1902) (2). En même temps, le port permanent de l’arc et du carquois par les hommes contribuait à imposer la vision d’une société anarchique 06 la flèche fait loi. Le caractère si souvent souligné de forteresse de lews habitations placées (c à une portée de flèches les unes des autres » répandait la légende du Lobi ct sauvage ru à l’esprit querelleur et individualiste : « il y a quelques an&es, un jeune homme Lobi désira.nt après avoir fondé une famille construire une soukhala (= maison) ne pouvait le faire qu’après avoir tué un homme. Il montait alors sur la terrasse de la soukhala paternelle. prenait son arc et une flèche et lançait celle-ci le plus loin possible. L& où elle se fichait, il bâtissait. Il avait le droit d’ajouter le suffixe koyé, c’est-à-dire tué à son prénom, droit E;galement au port d’une plume de coq dans sa chevelure et à la désignation de bon garçon. s (lieutenant MUER 1932). Les difficultés rencontrées par les pre- miers administrateurs - militaires et civils - pour imposer aux Lobi la tutelle coloniale ont été justifiées par le mépris de ceux-ci pour toute forme d’autorité : « même ceux qui portent le nom de chefs n’en ont aucune : (3) ». L’existence même de leurs villages a été contestée, y compris par leur observateur privilégié et « pacificateur U.H. LABOURETqui, en 1923, donne des Lobi le portrait suivant : « Ces populations n’ont aucun sentimen.t de déférence et de respect pour nous. Il y a peu. de temps encore leur attitude dans les réunions était symptomatique. Assis sur leurs petites chaises de bois sculpté, coiffés d’un bonnet graisseux et sale, à part cela tout nus, ils écoutaient vaguement les recomma.ndations faites, tout en soupesant leurs parties génitales d’un geste détaché. Soudain., l’un d’eux, sans se lever ni se déranger, urinait par terre, tandis que les autres projetaient au loin de longs crachats noirâtres, mélangés de tabac. Il était assez difficile de leur faire garder une attitude correcte et surtout de les empêcher de discuter les ordres donnés. Au lieu de fixer la terre comme les autres indigènes, de baisser les yeux en présence du chef, ils regardaient celui-ci avec une curiosité presque insolente. La plupart considère comme une chose naturelle d’aborder directement le chef de la colonie ou, de monter dans son automo- bile lorsqu’il inspecte la région r>)(4). Pour l’administrateur de ces territoires comme pour le voyageur qui traversait ces régions, ces traits culturels (<archaïques J>pouvaient sembler en contradiction avec leur efficacité dans le domaine de l’élevage et de l’agriculture qu’attesta.ient 1‘étendue des champs cultivés, 1‘importance des troupeaux de bœeufs et l’activité des marchés locaux. D’autre part, dès le début du XX' siècle, a été signalé le phénomène des migrations de groupe- ments lobi venant de Haute-Volta pour B coloniser » la région de Bouna- Tehini, c’est-&dire les terres faiblement peuplées du royaume B koulango JJ de Bouna. Ce mouvement révélait chez ces populations un dynamisme certain et de grandes facultés d’adaptation. Cependant, est-ce en raison du ca.ractère cca.rchaïque a qui leur était attribué que cette région est restée très marginale par rapport au développement économique de la Côte d’ivoire jusque vers les années 60 : ni enquête socio-économique, ni projet d’in.ter- vention agricole n’y avaient été réalisés. En 1969, un premier projet d’action agricole a été tenté non en milieu autochtone koulango mais en milieu lobi. C’est ainsi qu’en 1970, j’ai eu. l’occasion d’effectuer dans cette zone pilote kolodio-bineda, aménagée par les pouuoirs publics, une enquête de trois mois pour une société d’études. J’étais chargée d’observer les réactions des Lobi face aux innovations qui leur étaient imposées, à savoir nouvelles méthodes culturales, construction de maisons en dur, etc. Ce petit colonat, situé a.u sud de Bouna, est destiné à accueillir au moins 10 000 Lobi (soit le 116 des Lobi du territoire de Bouna-Teh.ini): cette installation a pour but de remédier aux méthodes culturales pratiquées par les Lobi, dont on peut penser qu’elles sont partiel- lement à l’origine de leurs migrations. De nombreuses questions se sont posées au cours de cette enquête à propos des processus migratoires, qui ne pouvaient trouver de réponse à partir de ce seul secteur pilote : depuis combien de temps la population lobi est-elle en mouvemen.t ? Quelle partie de la population est concernée par ces déplacements ? Sur quelle base, le regroupement (familial, individuel, clanique) s’effectue-t-il ? Quels sont les motifs (avoués, supposés ou réels) qui déterminent ces déplacements ? Sur quelle base se forme-t-il des regrou- pements en villages ou en toute autre unité sociale ? Quelles sont les relations a.vec les populations habitant les zones dites d’accueil ? Comment une société de type lignager, sans pouvoir centralisé, peut-elle être en mouvement continu et garder une certaine homogén.éité ? Qu’est-ce qui 6 favorise à la fois la dislocation. des u.nités villageoises et leur reconstitu- tion. ? S’il y a des innovations, par quoi sont-elles suscitées et dans quel domaine de la réalité sociale se produisent-elles ? Une allocation de recherches de I’ORSTOM m’a permis de séjourner en pays lobi de décembre 1971 à décembre 1972 sur le thème de recher- che : les migrations de groupements lobi en zone rurale dans le nord-est de la Côte $Ivoire, les migrations individuelles de travailleurs partant plus ou moins saisomaièrement en.
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