G. JEAN-AUBRY EUGÈNE BOUDIN D APRÈS DES DOCUMENTS INÉDITS PARIS LES ÉDITIONS BERMHEIM-JEUNE 25, Boulevard de la Madeleine MCMXXU eu(;èai: minw Il a été imprimé de cet ouvrage : 25 exemplaires sur Japon, numérotés de 1 à 25; 50 exemplaires sur Arches, numérotés de 26 à 75. EUGÈNE BOUDIN (1890). G. JKAN-ALHin EUGËiNI^ 1]0L1)L\ D'APRÈS DES DOCUMENTS INÉDITS L'HOMME ET L'ŒUVUE l'AlUS LKS l.niilONS RKUMII l\l-.li:UNK 25. Houli'vanl dv la Madeleine MCMXXIl \[ SEP28:?8 AjD - AUX PAYSAGES DE LA BAIE DE SEINE QUI FURENT LES MAITRES D'EUGÈNE BOUDIN ET A CLAUDE MONET QUI FUT SON SEUL ÉLÈVE EST DÉDIÉ CE LIVRE, G. J.-A. Je uuus assure que le mauvais temps est plus vivant que le beau temps. La grande nappe bleue du eiel absorbe trop : plus il fait beau, plus elle est noire... Au lieu qu'un grand voile d'un gris fin, fin comme les ailes des oiseaux dont vous me parlez, un gris qui laisse à la moindre plante sa couleur, à tous les objets leur valeur, un gris comme celui-là, est l'accom- pagnement doux et soutenu qui laisse tout chanter, c'est la merveille par excellence... PUVIS DE Cn.W.VNNES. (Lrttrc * un ami. — 1861.) iNOS l)(H r.MKMS Les documents qui i>nt servi à établir cet ouvrage sont de deux sortes : Des lettres : l" — Lettres à M. Martin. Au nombre di- 235. I.a prirnière porte la date du 20 février 1R61, la dernière est du 25 décembre ISilO. Aucune interruption n'est venue ralentir cette correspondance durant ces trente années : nous sommes donc assurés de posséder là un ensemble documentaire d'une indé- niable tidélilé en ce qui touche l'évolution intellectuelle et sensible du peintre. Ces lettres sont la propriété de M. C.hari.ks I^vali» du Havre, à qui j'en ai dû la communication, et auquel j'exprime une fois encorr ici toute mon amicale reconnaissance. 2* — Lettres à son frère Louis. Au nombre de Ht). La première porte la date du 21 février 1833. ce qui la dernière est datée de Paris, 28 mai 1808. Contrairement à sont en est pour la lias.se des lettres à M. Martin, les interruptions les attribuer au fait fréquentes : il semble bien qu'on doive surtout qu'un certain nombre de lettres avaient été égarées ou détruites uu fait défaut fur et ù mesure. C'est ainsi que ces documents nous ont de toUlement pendant les années 1854, 1855 et 1850, s'interrompent 1858 à 1801. de 1871 h 1874 et de 1880 i 1893. On remarquera que par un sinRulier et heureux hawrd les près lacunes de cette corre.spondancc se trouvent précisément ik peu vie du comblées par les lettres à M. Martin, et nous pouvons suivre la 18j.T heure de peintre presque sans interruption de février jusqu à 1 années. sa mort, l'cst-i dire sur une période de quarante-cinq léguées par leur Ces lettre» m'avaient été communiquées, puis ain.ibilité et l'excep- destinataire M. Louis Boudin, dont 1 atTeetueuse et de tionnelle mémoire pour tout ce qui touche la vie du Havre Honneur, m'ont rendue aisée une tâche qu'il m'eût été impoMlble de Louis B..udin mener ù bien sans son aide. Je déplore que la mort de M. survenue en 1918 m'oblige à reporter sur sa seule mémoire ma reconnaissance et l'aie privé de la vue d'un ouvrage auquel il s'affec- tionnait et où sa part fut considérable. 3° — Deux lettres d'Eugène Boudin à M. Claude Monet portant les dates de 28 juillet 1892 et 14 juillet 1897, qui m'ont été com- muniquées par le maître lui-même. 4° — Une lettre adressée par Eugène Boudin à la mairie du Havre demandant la copie de la décision municipale lui accordant une pension (1851). Cette lettre, datée de 1872, est déposée aux Archives de la ville du Havre, série R. I, carton 34, liasse 8. 11 vaut de remarquer que cette pièce est le seul autographe de Boudin que semble posséder actuellement la viUe du Havre. Une série de documents divers : Conservés dans la collection Louveau, à Honfleur, et qui m'ont été très aimablement communiqués partie en 1912 par M. Louveau, partie, après la mort de celui-ci en 1914 par Madame Louveau à laquelle j'exprime de nouveau ma gratitude. Ces documents comprenaient : /. — De la main d'Eugène Boudin : a. Des carnets de notes concernant les années 1847, 1854, 1855, 1856, 1859 et 1860. b. Des livres de comptes tenus par le peintre entre les années 1851 et 1866. c. Quelques brouillons de lettres. //. — De nombreuses liasses de lettres adressées à Eugène Boudin parmi lesquelles nous avons extrait quelques renseignements précieux (lettres de Troyon, Bonnafé, Dubourg, Couveley, lettres officielles, lettres de clients). Je tiens à remercier ici, en outre : Les mémoires de MM. Charles de Bériot, Roger Marx, P. Van der Velve et Barrey, archiviste de la ville du Havre. M. Claude Monet. MM. Georges Dussueil, Millot, conservateur de la Bibliothèque du Havre, Le Clerc, conservateur du Musée de Honfleur, Sescau, directeur de l'Echo Honfleurais. MM. FÉLIX FÉNÉON, Gustave Geffroy, Henry Marcel. MM. les Conservateurs des Musées du Luxembourg, de Caen, Morlaix, St-Lô, Valenciennes, Brest, Manchester et Stockholm, pour les documents, les conseils ou l'appui que j'ai reçus d'eux et qui m'ont permis de mener à bonne fin cet ouvrage. L'almoipbtrc, la poMntlon, Ir rrminlrmml rontlDB. rrnilira«>rment univmrl, la prnciratlua dr« rhu»»-» par le ciel avulrnt t\t la urandc *lude dr en >«j» rt de brunir, 1rs mriamurpho lit^l c^lolr», 1rs va|>urlullon> chanitri de* rayons, la dmirapuiltlon dr« m richrisr ri le dlTln caprice de» culoro de nos ciels du Nord. Aussi le cirl Jamais un fait isolé, le dessus n tableau, Il riait l'envrloppcment du à l'ensemble et aux détails tous 1rs mirage* dr la nalurr. et toutes 1rs transOfuratlon* de la terre... Edm. et J. DB GoMCouaT. Hanttle Salomon. Il en est parmi les grands artistes, et ce sont les plus grands, qui semblent n'avoir rellété durant leur vie que la constance de l'àme humaine. Ils apparaissent inopinément : rien dans le temps où ils vivent, ni dans celui qui les précéda, n'en peut convenablement expliquer l'appa- rition. Ils éj)rouvent sans cesse le grave fardeau de leur isolement cl pour s'en divertir, promènent leurs tristesses de rois solitaires, sur les plus hauts sommets de l'humanité. Certains demeurent dans leurs œuvres, plus proches de leur temps et de l'homme social qu'ils furent; ils ne surent pas dégager leur quo- tidienne existence des spectacles qu'ils s'appliquèrent à exprimer : leur propre vie demeure l'inévitable témoin de leurs œuvres et ne s'en peut plus séparer. D'autres artistes enfin, sans être les universels confidents de l'âme humaine, embrassent en leur œuvre plus que le charme même d'une la existence médiocre et d'une étroite vision : ils ne dominèrent pas vie, ils ne confèrent pas leurs aventures, leurs goûts, ni leurs usuelles sympathies. Il semble que la réflexion ait eu d'abord peu de pouvoir sur la conduite de leur (vuvre. Ils sont l'image d'un lieu, d'une ville, d'un pay.s, <( possédés » qu'ils sont de leur contrée natale : et ils parcourent le monde d'un regard qui ne peut plus voir les choses qu'à travers l'émou- vante obsession de leuis prtinieis senlinuiits. 10 Tandis qu'un génial artiste crée pour soi son univers, domine ses sujets, les plie à sa fantaisie, parce qu'elle est assez vaste pour que la réalité s'y combine en d'infinies variations, ceux-là subissent l'influence de leurs sujets au point d'en être imprégnés. Ils sont l'expression du coin de terre où ils vécurent, ils ont chargé les paysages de rendre leur pensée, comme s'ils se sentaient assez étroitement liés à ce canton de l'univers pour voir en lui la cause profonde de leurs moindres sentiments. Ni l'inconstance de leur fortune ni les appels de leur curiosité ne les déracinèrent. Ils contemplèrent d'autres contrées, s'émerveillèrent d'autres spectacles, mais la beauté de terres lointaines ou voisines ne sut jamais leur faire oublier le souriant ou mélancolique visage de leur petite patrie. De cette sorte d'artistes il est peu d'exemples plus frappants qu'Eu- gène Boudin : nul peut-être n'a su enfermer aussi complètement en soi la somme d'une contrée aux aspects à la fois délicats et complexes. Ron- fleur où il est né, Le Havre où il commença à peindre, Deauville où il est mort, encadrent l'horizon moral d'un artiste qui demeure avant tout le «peintre de la Baie de Seine», et lors même que la Bretagne, Anvers, Rotterdam ou même Venise et Antibes l'ont attiré, c'est toujours son pays qui lui remonte au cœur; ce sont ces «paysages de mer», comme disait Courbet, qu'il retrouve sans effort parmi les aspects étrangers : ce sont des ciels gris infiniment nuancés qui l'obsèdent, même sur les bords de la Méditerranée, où il ira chercher de quoi réchauffer son corps qui cède avant l'ardeur délicate de son cœur. Le gris des ciels du Nord dans son âme est resté Il en avait goûté, à pleins poumons, dès les premiers jours, le charme inlassable, et dans les 3^eux de l'enfant, mousse à huit ans, sur la barque du père, les paysages de mer avaient imprimé l'ineffaçable hantise de leur ciel et de leur eau.
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