ANNÉE No 1 1967 8 janvier 2007 L’HEBDOMADAIRE DES 40 ANS DE L’INRIA Et pendant I.R.I.A. ce temps là... Une naissance aux forceps Le professeur Christian Bernard et son équipe réalisent la première public parmi lesquels, outre les domaines spatial ou nucléaire, greffe du cœur – « La figuraient en bonne place l’élec- planète des singes » sort tronique et les grands calcula- sur les écrans – La teurs. Pour aboutir dans ces guerre des six jours domaines de pointe, était-il sti- éclate – Les Beatles pulé, la recherche est indispen- chantent « All you need sable. is love » – L’Agence Aucun consensus ne se déga- Nationale pour l’Emploi geait cependant sur la forme que prendrait un tel institut. Tout le est créée en France – monde s’accordait sur les rela- Charles De Gaulle lance tions privilégiées que l’institut à Montréal « Vive le devrait tisser avec l’industrie. Québec libre ! » - Mort Mais fallait-il l’intégrer dans le de Che Guevara. Centre National de la Recherche Scientifique (CNRS), créer un L’OTAN au centre des débats à l’Assemblée Nationale en1966 © Keystone France Centre National de l’Informati- valorisation de la recherche et le que et de l’Automatique C.N.E.X.O. pour l’exploitation Le 3 janvier 1967 – Le nouvel Ce vote clos le long débat qui a (C.N.I.A.) à l’image du Cnes des océans, et a mené au vote Institut de recherche en informa- accompagné la genèse du pro- pour le spatial ? Après de lon- du 2 décembre. La Commission tique et automatique, l’I.R.I.A., jet. La question de la création gues hésitations, il fut décidé des affaires culturelles et socia- voit enfin le jour ! Officiellement d’un Institut de recherche en que le futur I.R.I.A. devrait être les souligne l’originalité des nou- créé ce 3 janvier, le projet d’insti- informatique et automatique a un organisme d’un genre nou- veaux instituts comme l’I.R.I.A. tut était discuté depuis le été évoquée pour la première veau. L’indépendance d’un insti- qui se situent à proximité du 30 novembre dernier à l’Assem- fois par le Conseil consultatif de tut public est, dans la tradition privé et préfigurent de nouvelles blée nationale, avant d’être la recherche scientifique et tech- française, assez limitée dans les relations entre secteur public et adopté à main levée à 1 h 50 du nique (C.C.R.S.T.) le 12 février faits. D’où, sans doute, un pro- industrie. Les rapports parlemen- matin le 2 décembre. Le projet a 1966, reprenant en cela certai- jet de dépenses internes assez taires insistent de leur côté sur le suscité une large approbation, nes des idées lancées l’année limité, destiné à conjurer le sort. retard français et donnent quel- même si François Mitterrand, précédente par la commission À l’automne, la nomination d’un ques pistes de recherche, pour l’opposition, et Alain Peyre- des sages dirigée par Jean Saint- Délégué à l’informatique a com- comme l’informatique médicale fitte, pour la majorité, ont Geours, directeur de la Prévision plété le nouveau paysage institu- à propos de laquelle est cité échangé quelques arguments au Ministère des Finances, pour tionnel. La phase parlementaire Michel Laudet qui pourrait, de sur la nécessité de créer un Cen- faciliter et accélérer la recherche a alors débuté par un projet de source bien informée, se voir tre national d’informatique et industrielle en France. Le loi, le 16 novembre 1966, por- confier la direction du tout jeune d’automatique plutôt qu’un sim- C.C.R.S.T. énonçait alors les tant sur les fonts baptismaux I.R.I.A. ■ AB & PG ple institut. sujets devant mobiliser l’effort l’I.R.I.A., l’A.N.V.A.R. pour la Un réformateur à la tête du Conseil Scientifique de l’I.R.I.A. ’est à André Lichnero- causa de nombreuses uni- au fossé qui s’est creusé « club » afin que la France Cwicz, grand savant et versités étrangères. Il prend entre l’évolution de la dis- puisse affirmer sa présence organisateur de la recher- ses nouvelles fonctions cipline et son enseigne- dans l’informatique mon- che, qu’a été confiée la pré- après avoir assuré la direc- ment, André Lichnerowicz diale. À cet effet, le jeune sidence du Conseil scien- tion de la Commission entend mettre en avant à institut doit être doté de tifique du tout jeune d’enseignement des mathé- l’I.R.I.A. la formation des moyens suffisants, insiste le I.R.I.A. Cet homme de 52 matiques de l’Union hommes, plus complexe et Professeur au Collège de ans affiche simplicité et Mathématique Internatio- plus urgente, selon lui, que France, visiblement inquiet franc-parler, bien qu’il soit nale de 1962 à 1966 et la les seuls enjeux matériels des moyens modestes dévo- normalien, membre de direction de la Commission liés au Plan Calcul. Pour lus à l’institut pour sa pre- l’Académie des Sciences, sur la réforme de l’ensei- cela, l’I.R.I.A doit accueillir mière année de fonctionne- professeur au Collège de gnement des mathémati- des personnes d’horizons ment. ■ AB & PG France et docteur honoris ques en 1966. Très sensible divers à la façon d’un L’HEBDOMADAIRE DES 40 ANS DE L’INRIA «Il n’y avait qu’un seul téléphone « J’ai LE SAVIEZ-VOUS? pour 25 chercheurs.» réalisé fournitures, pas de secrétaires ! 1962 : En France, Philippe Pierre Népomiastchy, Je me souviens être arrivé en voi- Pas grand chose en fait, excepté le premier Dreyfus invente le mot informa- responsable Asie à la direction ture, l’été 1967, avec Claude les locaux qui avaient servi aux tique pour désigner la science des relations internationales. Lemaréchal qui travaille aujour- Américains lorsque Rocquen- contrat du traitement de l’information d’hui à Grenoble. Fraîchement court abritait les forces armées de industriel » et des ordinateurs. ■ 1964 : diplômé de l’ENSEEIHT (École l’Otan : gymnase, piscine, tennis, Création du code ASCII, nor- Americo Marrocco nationale supérieure électronique squash, terrain de football. Il n’y chercheur dans le projet Bang malisé en 1966 par l’ISO, pour informatique et ingénierie avait pas non plus de cantine — à l‘INRIA Rocquencourt simplifier l’échange de don- hydraulique de Toulouse), je nous déjeunions à la cantine nées entre ordinateurs. IBM venais pour effectuer ma thèse Thomson CSF occupée aujour- J’ai effectué mon DEA de maintient sa propre norme pro- sous la direction de Michel Laudet d’hui par l’entreprise Mercedes — mathématiques appliquées priétaire EBCDIC — Lance- qui était aussi le directeur général et on voyait encore des images de sous la direction de J.-L. Lions ment du super ordinateur CDC de l’IRIA. Bien qu’arrivé parmi les cowboy et de Mickey dans les sal- en 1968 avant d’être stagiaire 6 600 développé par Seymour tout premiers, je n’étais pas les de bain et toilettes, avec le de recherche puis chercheur Cray — IBM inaugure, avec le encore considéré comme un papier hygiénique américain IRIA. J’étudiais à l’époque des lancement de la série des ordi- chercheur officiel de l’institut, car dont chaque feuille était estam- problèmes liés à l’électro- nateurs IBM 360, le concept je n’étais pas payé par l’IRIA ! Je pillée Property of the US govern- technique, ce qui m’a amené d’une lignée d’ordinateurs bénéficiais d’une bourse de la ment. à réaliser, en 1971, le premier compatibles entre eux. Cette Délégation générale à la recher- Nous étions proches de nos direc- partenariat industriel avec série eut un grand succès che scientifique et technique teurs qui étaient nos anciens pro- SEV – Marchal, l’ancêtre de commercial. ■ 1965 : Premier (DGRST). Ce n’est qu’après une fesseurs à l’université. Il faut dire Valeo. Ce contrat industriel super ordinateur à architecture escale d’un an à Moscou, que je que nous n’étions pas très nom- portait sur la simulation de vectorielle : l’ILLIAC IV de Bur- suis devenu, en 1970, chercheur à breux à faire de la recherche infor- machines tournantes et s’est rough — Digital présente le l’IRIA. matique à l’époque. Seulement concrétisé grâce au beau- PDP 8, le premier mini ordina- Ma thèse portait sur la résolution deux écoles préparaient à l’ingé- frère d’Alain Bensoussan qui teur. ■ 1966 : Création de la des équations aux dérivées par- nierie informatique : les écoles était directeur de recherche première console de jeu vidéo, tielles. Nous avions peu de supérieures de Grenoble et de dans cette société et travail- la Magnavox Odyssey ■ moyens pour travailler : il n’y avait Toulouse. Et nous étions aussi un lait à la conception de telles 1967 : Débuts de la télévision qu’un seul téléphone — celui de peu privilégiés parce que le gou- machines. On avait pour en couleurs en France — IBM Jacques Louis Lions — pour l’en- vernement souhaitait ardemment objectif d’analyser, par la construit le premier lecteur de semble des 25 chercheurs pré- que l’informatique se développe simulation numérique, le disquettes — Le département sents à Rocquencourt, pas d’ordi- et que la France puisse y jouer un comportement du champ informatique de l’université de nateurs (évidemment), pas de grand rôle. ■ JG magnétique à l’intérieur d’un © INRIA / Photo Alexandre Eidelman alternateur et d’en tirer des l’Utah, numérise la Coccinelle fonctions annexes utiles à la vie informations pour en amé- d’Ivan Sutherland pour une «C’était une grande famille» de l’institut.
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