/// BORDEAUX SANS CLUBS ? /// EMILY LOIZEAU /// MONO /// JEAN-LUC PORTELLI /// HENRI BONNITHON /// ALEXIS FORESTIER & ANDRÉ ROBILLARD /// MICHEL MOGA /// NICOLAS MILHÉ La clé des champs urbains en Gironde / n°49 / Avril 09 / Gratuit /// MICHEL PORTOS /// PATRICK MESSINA /// JACQUES GIRAULT Edouard Decam, Landscape scale, Arrêt sur l’Image Galerie, du jeudi 2 avril au jeudi 30 avril, dans le cadre de la 18e édition d’Itinéraires Photographes Voyageurs LA MATIÈRE ET L’ESPRIT AIMER SON VOISIN Le bon voisinage est une vertu institutionnalisée dans les célèbres repas de quartier. Le programme - Voisins Solidaires - du ministère du Logement veut renforcer cette habitude, par la dépense d’une enveloppe, destinée à nous faire aimer nos voisins. Cette intention est délicate, pour un résultat plus qu’improbable car le voisin est un être socialement informe. Le voisin n’est pas de la famille, il n’a pas pour nature de subvenir aux besoins ou de dessiner les premières images de nos désirs, comme le font les parents. Mais, à l’instar de la parenté, il s’impose à nous, sans que nous l’ayons jamais choisi. Sa présence incontournable et certaine est d’une inquiétante étrangeté. Le voisin a souvent l’apparence de notre tribu, il a peut-être les mêmes coutumes, les mêmes croyances, les mêmes habits mais nous ne sommes liés à lui en rien. Nietzsche a souligné cet anonymat réciproque propre au « royaume du «voisin» » : « on y devient voisin soi- même... ». Être voisins, c’est n’être rien pour l’autre tandis que lui n’est rien pour nous. Pire encore, par son intrusion au seuil de notre horizon et de nos paliers, le voisin est avant tout désagréable, il est toujours en trop. Reflet de nous-mêmes, projection de ce que nous sommes sans l’être, il éveille à la fois jalousie et mépris. Proche certes, mais assez lointain pour que nous puissions le maudire. Ayant toujours l’œil, l’oreille, le nez sur lui, nous constatons à travers la finesse des murs ou la discrète claire-voie des cyprès de Leyland, ses misérables fraudes et ses manies stupides. Devrions-nous le dénoncer avant qu’il ne nous dénonce ? Malgré tout, il est bourgeois et sage de tisser des liens avec ses inévitables voisins dont l’anormalité n’est que le miroir de la nôtre. Mais un bon voisinage ne peut s’instituer comme si nous formions d’abord une communauté ou une cité. La relation à son voisin est une affaire privée et l’État pourrait nous laisser seuls responsables de notre rapport au voisin et s’attacher plutôt à ce que chacun ait d’abord un logement pour permettre, au choix, d’aimer ou de haïr son voisin. [Laurent Boyer] The Pleasure of being robbed, un film de Joshua Safdie, en salle le 29 avril. PLAÎT-IL? ŒiL EN FAIM HAUTES TecHNOLOGIES 06 Bientôt, Bordeaux sans le moindre club ? 18 308, nouvel écrin pour architecte. 29 Le numérique, c’est chic. Légende urbaine ou réalité ? Rustha Luna Pozzi-Escot au CAPC. Bienvenue dans l’ère digitale. L’enquête. Sur les quais au musée des Beaux-Arts. SONO TOILES & LucARNES TABLES & COMPTOIRS 08 Emily Loizeau, Mono, Aeroflot, Up Under… 22 Nixon, encore et toujours. 30 L’intrépide Luculus s’aventure en banlieue. Cherchez le garçon. Tavernier, born in the bayou. Enfin, à Talence. Michel Portos, de la Cane- Romaine au Québec, stu un vrai chien ? bière au Saint-James, avec deux étoiles ! COURS & JARDINS EN GArde AGENDA & PETIPOTIN 12 Transformes, deuxième acte. 24 Yves Harté, journaliste et homme de lettres, 33 Un truc utile pour sacrifier à la civilisation Robillard au TNT, Bonnithon au GLOB. préfacier de Louis Émié se dévoile. Un peu. des loisirs… Nouveau et éducatif : l’Abécédaire. Pour les enfants et les parents exigeants. Spirit Gironde est publié par Directeur de la publication : Cristian Tripard Rédaction : Luc Bourousse, Laurent Boyer, Crédit photos et illustrations : Planchenault (La Conserverie de vieux), Laurent Yayoï Dépôt légal à parution PUB.L.IC Fondateur associé : José Darroquy Cécile Broqua, Benjamin Cordazzo, Couverture : © Édouard Decam. (Impromptu). © Spirit Gironde 2009 31-33, rue Buhan Rédacteur en chef : Marc Bertin Emmanuelle Debur, Séverine Garat, Annabelle Gérard Aimé - Rapho-Eyedea (FHAR),Vincent Impression : Rotimpres 33 000 Bordeaux Tél. : 05 56 52 09 95 Georgen, GW™, Frédéric Lacoste, Serge Alvarez (La grande Sophie), Jérémie Buchholtz Régie publicitaire : ISSN 1954-1155 Tél. : 05 56 52 09 95 [email protected] Latapy, Olivier Mony, Joël Raffier, José Ruiz, (Aeroflot), Anne Canta-Corsini (IREM), Cindy PUB.L.I.C Fax : 05 56 52 12 98 Direction artistique : Anthony Michel Jean-Pierre Simard, Nicolas Trespallé, Frey (Dälek), Roberto Giostra (ONBA), Hervé 05 56 52 09 96 - Fax 05 56 52 12 98 [email protected] Cyril Vergès. Lefebvre – Studio Twin (Michel Portos), Jean-Paul [email protected] www.spiritonline.fr Stagiaire : Marie-Charlotte Téchené Lozouet (Fées), Patrick Messina (Ma petite Amérique), 2007 myspace.com/spiritbordeaux Anthony Michel (Plaît-il ?), Jean-Baptiste Mondino Pao : Anthony Michel [email protected] (Emily Loizeau), Richard Noury (So Danse), Pierre www.regie-public.com Plaît-il? 06 Vers la fin des petites salles ? This town is coming like a ghost town All the clubs have been closed down This place is coming like a ghost town Bands won’t play no more Too much fighting on the dance floor Do you remember the good old days Before the ghost town ? We danced and sang And the music played inna de boomtown Ghost Town, The Specials, 1981 La crise aurait-elle désormais choisi de s’inviter dans la moiteur des salles de concert bordelaises ? La liste des avis de décès commence à être longue : l’Inca et le Son’art fermés, la Centrale en phase terminale d’une longue maladie qui la ronge, le 4 Sans en sursis. Si Bordeaux a connu pire, prouvant à maintes reprises qu’elle savait renaître de ses cendres, cette série noire aux allures de maelström soulève tout de même des inquiétudes. Le spectre de la « Belle Endormie » semblant à nouveau rôder dans les ruelles du centre ville. « Nous sommes saisis par vos voisins. Ceux- de vider les lieux d’ici « décembre 2009 ou juin un des membres de l’Heretic. Dans une salle À l’inverse, certains aimeraient être reconnus ci dénoncent les nuisances sonores émises 2010 au plus tard » selon Philippe Marchandin, plus grande, comme la nôtre, c’est plus difficile. » tel Corner, qui vient d’ouvrir un local régulièrement à leur domicile lors de soirées programmateur du lieu. Avec l’aide de la mairie, Depuis que le Son’art a fermé, l’Heretic est pluridisciplinaire rue Leyteire : « On ne veut musicales que vous organisez. » Des lettres de l’équipe cherche une nouvelle salle mais n’a pas devenu l’une des solutions de repli pour pas travailler dans la frustration et dans l’ombre la mairie de Bordeaux, la Centrale en reçoit encore trouvé chaussure à son pied. les associations qui programmaient là-bas. d’une cave. Le jour où l’on aura un carton régulièrement. Lasse de la guéguerre que lui Sans enregistrer de boom pour autant. d’invitation signé par Alain Juppé pour un mènent ses voisins depuis trois ans et faute L’Inca a lui aussi déclenché l’ire du voisinage à « On vit chichement », assure-t-on rue du Mirail. vernissage chez nous, on aura avancé », explique d’avoir les reins solides pour réaliser les travaux maintes reprises. Quelques anciens habitués ont Cette économie de bouts de chandelles qui est Nicolas Sergère, qui désire faire de cette salle d’insonorisation « recommandés » par la mairie, parfois évité de peu le lancer de jardinière. « Ce l’apanage des petits clubs privés et associatifs intermédiaire « le chaînon qui manque pour la petite salle associative de la rue Bouquière, n’était qu’une kermesse barbare, saturnale [...] bordelais s’accompagne aussi souvent d’une que des groupes bordelais puissent rencontrer dédiée aux musiques expérimentales, a déposé Un pur délice qui finissait à deux ou trois heures clandestinité volontaire : rares sont les salles des groupes internationaux ». son préavis en février. « Tout ce qu’on sait c’est du mat’ par [...] des jets de canettes de bière qui qui ont daigné un jour déposer un dossier de Face à cette foule de petits lieux en mode survie, qu’on fermera le 2 août au plus tard », assure s’éclataient là où elles le pouvaient », se souvient subventions à la mairie, acte volontiers présenté Barbey fait figure de mastodonte. Cristallisant Jérôme Bonneau, salarié de la Centrale. Il est sur le site de Libé Bordeaux un internaute ayant comme un signe d’allégeance collant peu à les frustrations de ceux qui peinent à aligner loin, le temps où « les concerts pouvaient finir à visiblement été contraint de passer plus d’une l’étiquette du milieu underground bordelais. leurs maigres deniers pour organiser des 7 heures du matin ». Le quartier a bien changé, nuit sans fermer l’œil. Mais la fermeture de cette Ainsi à La Politique, à Saint-Michel, on préfère concerts, souvent désignée par ces derniers se repeuplant au gré de l’opération programmée minuscule salle fin décembre, après deux années se faire discret. « Un jour, ma voisine m’a dit : comme un temple mort de la culture gourmand de l’amélioration de l’habitat mise en œuvre de redressement judiciaire, laisse un grand vide “ Faîtes comme la mafia. Faîtes votre business, de subventions. Mais derrière cette analyse depuis 2003 par InCité. derrière elle. Avec ses concerts « eight days a mais faîtes en sorte qu’on ne vous voie pas.” un peu trop manichéenne et passionnée pour Le modèle de la petite cave en centre ville mal week » à prix cadeau, elle était devenue « le » Elle avait raison, se souvient-on à l’association qu’on y accorde un réel crédit se cache un insonorisée semble avoir fait son temps à en rendez-vous de la scène rock locale.