Revue de presse de mars 2015 : Articles reçus du 17 février au 17 mars 2015 Sommaire numéro 114 Alzheimer spoken p 2 Recherche sur la maladie — Diagnostic et détection p 5 Recherche sur la maladie — Déterminants de la maladie p 7 Recherche sur la maladie — Prévention p 11 Recherche sur la maladie — Thérapeutiques : approches biomédicales p 13 Recherche sur la maladie — Thérapeutiques : approches psychosociales p 17 Technologies p 22 Acteurs — Les Personnes malades p 25 Acteurs — Les Aidants / Les Familles p 35 Acteurs — Les Professionnels p 37 Repères — Politiques p 41 Repères — Initiatives p 45 Représentations de la maladie — Médias grand public p 49 Représentations de la maladie — Art et culture p 55 Ouvrages scientifiques et professionnels p 60 Faits et chiffres p 64 Fondation Médéric Alzheimer Revue de presse de mars 2015 1/66 Alzheimer spoken Des enseignantes de l’École d’infirmières d’une université du Minnesota (USA) projettent d’adapter à des aidants de la ville indienne de Bangalore un programme de formation qu’elles ont mis au point pour des familles américaines dont un membre est atteint de la maladie d’Alzheimer. Surprise : aucune famille indienne contactée dans cet État ne peut identifier le terme d’aidant dans sa propre langue ni associer l’état de son proche à une maladie ( American Journal of Alzheimer’s Disease and other Dementias , 3 mars 2015). Cette anecdote venue d’un pays si lointain en dit long sur les difficultés de langage auxquelles on se heurte dès que l’on aborde l’énigmatique planète Alzheimer. Le titre même du journal où elle est publiée en fournit une autre démonstration : les Anglo-saxons disent « dementia » pour parler des maladies neuro-dégénératives. Nous sommes, nous, très réticents devant le mot « démence », qui – dans notre mémoire sémantique – dit la folie. De nombreux magasins français affichent à l’entrée « English spoken ». Peut-être, un jour, certaines institutions indiqueront-elles « Alzheimer spoken ». Cette difficulté de traduction concerne, bien sûr, à la fois les personnes malades et la société toute entière. Comment disent-elles leur souffrance ? Le cri est un langage, nous rappelle Pauline Debove, doctorante en psychologie clinique. « Avec le cri, nous sommes dans cette logique de l’imaginaire, du primitif, où la dépendance à l’Autre serait absolue, où les espaces psychiques et physiques se veulent indifférenciés, dans un contexte où tout est ressenti sans être élaboré. » ( Neurologie, Psychiatrie, Gériatrie , 2015). Comment évaluer leur douleur ? Problèmes de code : les psychologues cliniciens Ophélie Engasser et André Quaderi s’insurgent contre « le faux postulat que si le patient ne crie pas, ne se plaint pas, c’est qu’il n’a pas mal. Pourtant il est actuellement admis que la sensibilité à la douleur des patients atteints de la maladie d’Alzheimer est la même que pour tout autre patient douloureux. (...) Les codes d’expression de ces patients au stade évolué de la maladie peuvent s’avérer si éloignés des nôtres que, dans l’esprit de certains aidants, probablement par défense, il ne s’agit pas d’une douleur. » D’où la nécessité d’une investigation complète, basée sur l’observation clinique, le questionnement des proches et l’évaluation quantitative à partir d’échelles spécifiques, reposant notamment sur l’expression du visage, les mouvements du corps, les réactions avant et pendant les soins ( Actualités et dossier en santé publique , décembre 2014). Ce qui est particulièrement préoccupant, c’est que cette insuffisance de langage commence très tôt. D’après une étude du département de neurosciences cliniques de l’Institut Karolinska, à Stockholm (Suède), le risque de troubles cognitifs est réduit de 21% chez les personnes ayant eu de bonnes notes à l’école primaire. La performance scolaire dès le plus jeune âge, même en l’absence d’études secondaires ou supérieures, reste un facteur protecteur pour toute la vie ( American Journal of Geriatric Psychiatry , 10 février 2015). Pour expliquer la baisse actuelle de la prévalence des déficits cognitifs avec invalidité chez les agriculteurs français, les chercheurs avancent du reste l’hypothèse d’une augmentation significative du niveau d’études ( Le Quotidien du médecin , 10 février ; www.agevillagepro.com , 23 février 2015). Des chercheurs du département de neurologie de l’Université de Californie à Irvine (USA) estiment, après une enquête sur un panel de six cents personnes âgées en moyenne de quatre-vingt-treize ans, que les meilleurs facteurs de protection sont la lecture (risque réduit de 46%) et même... une Fondation Médéric Alzheimer Revue de presse de mars 2015 2/66 activité sociale à l’église ou à la synagogue ( Alzheimer's Disease and Associated Disorders , 6 mars 2015). Certaines notions de base n’ont pas le même sens selon la culture dans laquelle on baigne. Par exemple, le rêve de vieillir « chez soi » n’est pas exempt de fortes ambiguïtés : « Quid de ce « chez soi » quand les autres en ont la clé et entrent à leur guise sans attendre parfois l’accord de l’habitant ? Quid de ce « chez soi » avec son grand escalier, sa cuisine, ses WC et sa salle de bains non adaptés ? », interroge Annie de Vivie, qui suggère de « laisser la personne admettre petit à petit que son domicile devient hostile et de lui proposer de visiter différentes formes d’habitat (...) dans lesquelles la vie continue » (www.agevillagepro.com , 27 février 2015). C’est à la société tout entière de s’adapter au langage (et aux besoins) de la personne malade, et non l’inverse. Cela se révèle particulièrement difficile lorsque celle-ci est issue d’une minorité culturelle ou ethnique. Les chercheurs de l’École infirmière de l’Université de Californie à Los Angeles proposent un modèle théorique des interventions de santé à assurer dans une population qui, en 2050, représentera la moitié des personnes âgées aux Etats-Unis ( Journal of Transcultural Nursing , mars 2015). Une étude menée en Argentine et au Mexique par des psychologues de l’Université de Bilbao (Espagne) préconise, pour améliorer la santé psychique des aidants latino-américains, de s’appuyer sur « un contexte culturel mettant en avant le sens du devoir envers les aînés de la famille » ( ibid. , 23 février 2015) Dès le moment du diagnostic se pose le problème de la langue. Comment faire passer des tests à des personnes qui ignorent la langue du praticien qui les examine ? À Singapour, société multiculturelle, l’Institut national des neurosciences a développé un test visuel d’évaluation cognitive qui ne nécessite pas d’adaptation ni de traduction et qui couvre les domaines de la mémoire, des fonctions exécutives, de la fonction visuelle et spatiale, du langage et de l’attention (Journal of Neurology, Neurosurgery and Psychiatry , 17 février 2015). Un groupe d’experts internationaux, animé par Paul-Ariel Kenigsberg, adjoint au responsable de la cellule de coordination, prospective et stratégie de la Fondation Médéric Alzheimer, publie un rapport où il dessine les perspectives de la planète Alzheimer à l’horizon 2025. La prévention, basée sur la réduction des risques vasculaires et liés au style de vie, pourrait constituer un objectif réaliste. Le niveau d’éducation et l’évaluation de la réserve cognitive mériteront une plus grande attention, ainsi que les aspects culturels, sociaux et économiques de l’aide. Un environnement accueillant, la prise en compte de la culture et la dimension domestique seront les facteurs-clés du succès de toute intervention (Dementia , 3 mars 2015). C’est dans le même esprit que la Fondation Médéric Alzheimer a été à l’initiative de Social Sciences for Dementia , un réseau pluridisciplinaire dédié à la recherche en sciences sociales et humaines sur la maladie d’Alzheimer, associant étroitement de chercheurs académiques et des acteurs de terrain (ergothérapeutes, orthophonistes, psychomotriciens, musicothérapeutes, chercheurs en gérontologie, en travail social, en sciences infirmières ... ) qui réfléchissent à leurs pratiques et à l’environnement plus large dans lequel ils se situent. Le réseau compte actuellement cent vingt membres et vingt-six équipes ou institutions partenaires ( Doc’Alzheimer , janvier-mars 2015). S’il y a un domaine où la recherche et la pratique française marquent un indéniable retard, c’est bien celui de la fin de vie, sujet « tabou tant au niveau de la société qu’au niveau de Fondation Médéric Alzheimer Revue de presse de mars 2015 3/66 la médecine », comme le constate le Professeur Régis Aubry, président de l’Observatoire national de la fin de vie et membre du Comité national consultatif d’éthique. Ici aussi, du reste, l’impératif de pluridisciplinarité s’impose à l’évidence : médecine, interface avec les sciences de l’homme, sociologie, droit ... ( Actualité et dossier en santé publique, op. cit ., décembre 2014). « Faut-il promouvoir le « mourir entre soi » et renoncer à la mixité, au partage ? », interroge le Journal du domicile . A Marseille, la Villa David accueille 80% de résidents de religion juive, mais reste ouverte à tous. Des associations musulmanes réfléchissent à une maison de retraite communautaire. Mais le risque de ghettoïsation doit être évalué ( Le Journal du domicile , février 2015). Les soins palliatifs, encore si insuffisants en France, sont-ils un privilège de classe ? Deux chercheuses spécialisées, l’une néerlandaise, l’autre britannique, posent clairement la question lorsque qu’elles remarquent que la voix des personnes « démentes » est parfaitement entendue, contrairement à ce que l’on croit, lorsqu’il s’agit de « personnes malades blanches, éduquées, vivant avec un aidant » ( Palliative Medicine , mars 2015). Notre société change si vite que la maladie d’Alzheimer, sujet tabou lui aussi il y a encore si peu de temps, est en train de devenir un genre littéraire, théâtral, cinématographique à part entière. Il n’y a pas de semaine où ne paraisse un roman, où ne se découvre un film, une pièce, un ballet, une émission de télévision ou de radio qui en décrive les angoisses, voire – plus étonnamment - les plaisirs cachés.
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