Directeur de la publication : Edwy Plenel www.mediapart.fr 1 d’un pont, d’une piscine, d’un pool house et d’un court La défense de Patrick Balkany prend l’eau de tennis, etc. Un expert a chiffré le montant total des PAR MICHEL DELÉAN travaux à quelque 1,8 million d’euros. Une paille. ARTICLE PUBLIÉ LE VENDREDI 24 MAI 2019 Le maire (LR) de Levallois-Perret ne convainc pas quand il est cuisiné à son procès sur le financement de son moulin de Giverny et de sa villa aux Antilles. Sans être un supporteur de Patrick Balkany ni un défenseur de la fraude fiscale, on pourrait presque prendre en pitié le maire (LR) de Levallois-Perret, tant Le moulin des Balkany à Giverny. © Mediapart il s’enfonce de plus en plus à son procès, ouvert depuis Cette propriété luxueuse a été estimée à 4,7 millions le 13 mai au tribunal de grande instance de Paris. d’euros (on peut voir les photos ici). Face à ses juges, Après le volet fraude fiscale, qui a occupé la première Patrick Balkany tente d’en minimiser le faste, assurant semaine des débats, un second procès a débuté lundi 20 même qu’elle serait « invendable », à cause de la mai, avec les faits de blanchiment et de corruption, proximité supposée d’un parking et de l’afflux de et doit se poursuivre jusqu’au 20 juin. touristes à Giverny, notamment « les Japonais ». Ce péril jaune fait, au mieux, sourire. Ce jeudi 23 mai, Patrick Balkany souffre du dos, comme la veille, et il a abandonné le ton bravache et Le court de tennis ? Il serait hors d’usage. L’autre gouailleur des premiers jours de procès. Il va même, bâtiment ? Insalubre. « Un ancien garage qui à un moment donné, jusqu’à esquisser un début de ressemblait à une casse », jure-t-il. L’installation d’un contrition assez inédit de sa part. puissant système d’éclairage dans le parc (21 000 euros) ? Dans la bouche du maire de Levallois, c’est « Méthodique, le président Benjamin Blanchet examine un changement de loupiotes ». les modalités de financement du moulin de Giverny (Eure), acquis par les époux Balkany en 1986. Cette Questionné par le président du tribunal, Patrick belle propriété normande, traversée par une rivière, Balkany assure que son épouse et lui-même avaient a été agrandie par deux autres achats de terrains, en les moyens d’acquérir, d’embellir et d’entretenir 1988 et en 1990. Le tandem de Levallois y a fait la propriété. Même si, selon Didier Schuller, effectuer des travaux assez somptueux : rénovation l’entreprise Fayolle y a effectué des travaux gratuits, de la (grande) demeure principale et de sa roue, dont les enquêteurs n’ont pas retrouvé de traces aménagement de jardins, embellissements (arbres, écrites, qu’il s’agisse de factures ou de paiements. massifs de fleurs, statues), création d’une terrasse, « À l’époque, je travaillais, j’étais très bien payé », explique l’édile, qui était directeur général de l’entreprise familiale de prêt-à-porter jusqu’en 1986. Les parents du couple aidaient aussi financièrement, dit-il. Et si une donation du moulin « en nue-propriété » a été effectuée au profit des enfants Balkany, en 1997, ce n’est pas pour fuir les impôts ou se rendre insolvables, il ne faut pas fantasmer. « Après notre séparation, on s’est remis ensemble, et ma femme a posé la donation comme condition. Elle avait peur que je reparte avec une femme plus jeune, que j’aie d’autres enfants et que ça crée des problèmes de succession », lance Patrick Balkany. 1/4 Directeur de la publication : Edwy Plenel www.mediapart.fr 2 Les explications du financement de la première villa – Je l’ignore. Il y a eu un non-lieu, ça date de 35 ans… achetée par le couple à Saint-Martin (Antilles) sont Si j’avais tué quelqu’un, ce serait prescrit, non ? Je tout aussi laborieuses et oiseuses. La villa Serena, en suis moins bien traité qu’un meurtrier, gémit Balkany. bord de mer, a été acquise en 1989 par une mystérieuse On fait une montagne d’un procès qui accouche d’une société sise au Liechtenstein, puis vendue en 2002 à souris. une autre société tout aussi opaque. Patrick Balkany, – On verra. Nous ne sommes qu’à l’audience, pour qui a longtemps nié farouchement, n’en conteste plus l’instant, répond le président, pince-sans-rire. la propriété face au tribunal. – Cet argent, qui était en Suisse, je l’ai réinvesti en France, pas du côté hollandais de Saint-Martin ou à Miami ! Je suis fier d’être français, de soutenir mon pays et de le défendre », tente Balkany. Questionné sur la cascade de sociétés mise en place par ses gestionnaires de fortune pour planquer son patrimoine, il a cette réponse : « C’est l’esprit suisse. On ferme une société, on crée une fondation, c’est un La villa Serena, première propriété des Balkany aux Antilles. © DR jeu de piste… « J’ai acheté le terrain en 1989, c’était la jungle. Et – Un jeu de piste ? C’est intéressant… puis ensuite il y a eu un permis de construire. En 1993, – Je n’ai jamais compris. Ils en profitent pour prendre on a fait construire une maison de quatre chambres, des honoraires à chaque fois. pour la louer. Elle a eu beaucoup de succès, et avec le produit de la location on l’a fait agrandir, avec deux – Pourquoi les Suisses voulaient-ils brouiller les bungalows », explique l’élu. À l’entendre, on pourrait pistes ? croire qu’il s’agit d’une modeste baraque. – Je n’en sais rien. C’est leur mentalité, leur habitude, « Pourquoi le propriétaire de la villa Serena était une ils vivent dans le secret complet. société ?, demande le président Blanchet. – Est-ce un savoir-faire pour lequel ils étaient – Parce que c’était le reliquat de la fortune de mon sollicités ? père, voilà, c’est la vie », répond Patrick Balkany, qui – J’en suis sûr, mais là, il n’y avait pas des sommes brode longuement sur ce héros, déporté et résistant, qui énormes, ni de grosses sociétés internationales. a fait fortune et lui a laissé un magot en Suisse. Toutes les sociétés du CAC40 vont en Suisse. De toute « Ce bien immobilier était inconnu de l’administration façon, tant qu’il n’y aura pas la même fiscalité dans fiscale, poursuit le président, imperturbable. toute l’Europe, ça continuera. J’espère que vous ne me prenez pas pour le bouc émissaire d’une organisation – Ah bah ! il était bien connu, la preuve, ils ont qui existe depuis très longtemps et qui concerne demandé de l’argent à la société qui le détenait ! élude beaucoup de monde en France ! s’indigne Patrick le maire de Levallois. Sur 3,5 millions de dollars, il Balkany. Je n’aimerais pas être celui qui paye pour n’est resté que 2 millions. Pour de l’argent caché, c’est tout le monde. » de l’argent qui a coûté cher ! L’administration fiscale n’oublie personne », râle Balkany. Où l’on atteint le point Godwin – L’administration fiscale savait-elle que derrière Sentant Patrick Balkany sur le reculoir, le président cette société, il y avait M. Balkany ? du tribunal lui pose cette question directe : « Est-ce que vous acceptez la qualité de fraudeur fiscal ? » La réponse est difficile à formuler, pour un homme 2/4 Directeur de la publication : Edwy Plenel www.mediapart.fr 3 qui, malgré l’accumulation des affaires, s’est arc-bouté d’origine, et je ne serais pas devant vous aujourd’hui. sur son honnêteté proclamée pendant plus de trois En 2009 ? C’était trop tard. On peut porter tort à son décennies de vie publique. parti et à son président, on l’a vu avec Cahuzac. » « Il y a deux acceptations (sic) du fraudeur fiscal », répond Balkany, comme s’il fallait distinguer le bon fraudeur du mauvais fraudeur (peut-être un hommage au sketch des chasseurs des Inconnus ?). « Il y a celui qui gagne de l’argent en France, qui le sort de France et qui fraude, ce n’est pas mon cas. Et puis il y a celui qui a hérité de l’argent à l’étranger et le fait revenir, c’est mon cas. » Un bon patriote, en somme. Patrick Balkany et Nicolas Sarkozy, en 2007. © Reuters Déclarer cet héritage allégué – et en tout cas clandestin Mercredi 22 mai, le vieil ami de Nicolas Sarkozy a – aurait été impossible. « Quand on est élu, c’est dû subir la lecture des dépositions de Didier Schuller, une situation difficile. Ça se serait su, et ça m’aurait qui fut longtemps son fidèle bras droit avant de se porté un fort préjudice », poursuit Patrick Balkany, muer en accusateur implacable. Dans ces procès- qui invoque longuement et lourdement la mémoire verbaux, Schuller (qui n’a pas été cité comme témoin) des Juifs ayant survécu à l’Holocauste et qui avaient s’incrimine lui-même, en assurant qu’il a déposé placé des économies en Suisse, au cas où. Comme s’il des mallettes d’argent liquide en Suisse, provenant s’agissait du procès de son père, et non du sien. d’entreprises du BTP, pour le compte du RPR des Hauts-de-Seine et de Patrick Balkany, qui en aurait « Le fraudeur fiscal a payé plus d’impôts avec grassement profité. « M. Schuller est un mythomane ses sociétés », argumente le maire de Levallois- de la pire espèce », éructe Patrick Balkany, qui éreinte Perret, qui a fini par subir redressements fiscaux et longuement son ancien collaborateur.
Details
-
File Typepdf
-
Upload Time-
-
Content LanguagesEnglish
-
Upload UserAnonymous/Not logged-in
-
File Pages4 Page
-
File Size-