François Berthelot, Maxence Poirier avec la collaboration de Robert Neiss, Agnès Balmelle, Philippe Rollet Urbanisme et programme monumental de la ville de Reims/Durocortorum entre le Ier et le IVè siècle ap. J.-C. A Reims, le nombre et l’importance des opérations de fouilles préventives au cours de ces vingt dernières années, ont livré un grand nombre de données nouvelles sur la métropole de la province romaine de la Gaule belgique. Le plan à damier de la ville augustéenne, dont l’expansion est délimitée par une enceinte très probablement contemporaine, peut maintenant être reconnu et restitué sur une surface urbanisée qui avoisine 550 hectares. Ces éléments nous incitent désormais à proposer ici, une nouvelle image de la structure d’une capitale de province de la Gaule et de son développement pendant le Haut-Empire. 1. La romanisation (phase I): La refondation augustéenne Dans la continuité des phases antérieures d’occupation du site de Reims ( durocortorum ); l’oppidum de la fin de l’Indépendance et l’occupation gallo-romaine précoce, nous proposons d’exposer de manière synthétique, trois thèmes : la création de la ville augustéenne (phase I), le développement de ce projet urbain (phase II) et un essai d’analyse des processus de romanisation à travers l’étude de la structure urbaine et des données de fouilles 1. Après la phase précoce de la ville antique 2, le site va faire l’objet d’un aménagement de grande ampleur qui prend en compte les contraintes que constituent la présence de l’oppidum et surtout son fossé d’enceinte et une occupation antique antérieure dont les éléments fournis par les fouilles récentes, indiquent qu’elle est loin d’être négligeable dans l’évolution du développement urbain. Il s’agit donc de la création au cours des 15 dernières années avant notre ère, d’un vaste plan d’urbanisme aux dimensions inusitées dans l’Empire romain puisqu’il concerne une surface d’au moins 600 hectares. 1.1. Création de l’enceinte augustéenne L’événement qui préside à cet aménagement est la création de ce que nous appellerons «la grande enceinte» dont le tracé globalement hexagonal, est désormais bien reconnu à l’exception de son extrémité 1 Il n’est pas possible d’aborder ici, en détail, les processus d’urbanisation, c’est pourquoi nous avons choisi de fournir une bibliographie non exhaustive qui renvoie à des publications plus spécialisées. 2 NEISS , BERTHELOT ET AL . 2007, 299. Bollettino di Archeologia on line I 2010/ Volume speciale E / E11 / 3 Reg. Tribunale Roma 05.08.2010 n. 330 ISSN 2039 - 0076 www.archeologia.beniculturali.it 21 F. Berthelot, M. Poirier, avec la collaboration de R. Neiss, A. Balmelle, Ph. Rollet – Urbanisme et programme monumental de la ville de Reims/Durocortorum entre le Ier et le IVè siècle ap. J.-C. au nord-ouest. Ce tracé, d’abord observé par les fouilleurs du XIXe siècle, a été précisé par les fouilles récentes 3. L’enceinte est constituée par un grand fossé creusé dans le substrat cra- yeux (dimensions: 30 m de largeur, 15 à 20 m de profondeur pour 7 km de lon- gueur) qui enclot une surface de 600 ha. La rivière, la Vesle, ferme l’enceinte à l’ouest. A l’heure actuelle, aucun élément de rempart en remblai ou de courtine, n’a pu être mis en évidence. La question de sa datation sera précisée ensuite. 1.2. Création du plan augustéen (roma- nisation phase I) L’analyse spatiale et les données chronologiques indiquent qu’un vaste plan viaire à damier est conçu à durocortorum sous le règne d’Auguste, probablement en raison de son nouveau statut de capitale de la Gaule belgique et de la présence du Fig. 1 - Tracé de la grande enceinte (en vert) et plan viaire augustéen sur le 4 fond de plan de la ville actuelle. siège du procurateur de la province . L’étendue de cette nouvelle organisation urbaine, à l’exception des nécropoles, ne s’étend pas au-delà de la grande enceinte et de la rivière, à l’ouest. C’est à partir des découvertes récentes et anciennes que l’on peut d’abord restituer le tracé des rues de façon certaine et ensuite, déduire les tracés possibles (fig. 1). Les nécropoles de la première moitié du Ier siècle à sa périphérie et l’extension maximale du réseau viaire peuvent justifier la datation de l’enceinte qui serait donc une sorte de pomoerium 5. Le tracé des grands axes routiers est également tributaire de l’enceinte car la liaison entre le réseau urbain et les voies romaines se fait à son niveau, au moins jusqu’à la construction de l’enceinte de l’Antiquité tardive au début du IVe siècle 6. Par ailleurs, la céramique trouvée dans les caniveaux qui délimitent les premières chaussées des rues appartient l’horizon chronologique de synthèse n°2 de Reims, soit entre 20 avant notre ère et 0 7. Elle peut donc dater la conception de tout l’ensemble même s’il est possible que la réalisation du plan urbain ait pu nécessiter plusieurs années et se soit déroulé plus tardivement à l’intérieur de l’oppidum en raison d’une occupation plus ancienne. 3 NEISS 1976, 47–62. 4 Strabon, Géogr ., IV, 1, 1. «Actuellement, toutes ces populations en deçà du Rhin ont déposé les armes et obéissent aux Romains. Nous nommerons encore dans le bassin même du Sequanas les Parisii qui occupent une île du fleuve et ont pour ville Lucotocia , les Meldes, les Lexoviens dont le territoire borde l'Océan; mais ce sont les Rèmes qui forment la nation la plus considérable de cette partie de la Gaule, et comme Duricortora , leur capitale, est en même temps la ville la plus peuplée du pays, c'est elle naturellement qui sert de résidence aux préfets envoyés de Rome» 5 Cicéron, De legibus , II, 23, 58 (loi des XII tables, qui interdit l’inhumation des individus à l’intérieur du pomoerium : «Hominem mortuum ... in urbe ne sepelito neue urito » Leges Duodecim tabularum , X, 1, cité par Cicéron). 6 NEISS , SINDONINO ET AL . 2004, 89. 7 DERU 1996. Bollettino di Archeologia on line I 2010/ Volume speciale E / E11 / 3 Reg. Tribunale Roma 05.08.2010 n. 330 ISSN 2039 - 0076 www.archeologia.beniculturali.it 22 XVII International Congress of Classical Archaeology, Roma 22-26 Sept. 2008 Session: Le rôle de Durocortorum (Reims) capitale de la cité des Rèmes dans la romanisation de la Gallia Belgica Fig. 2 - Cénotaphe des Princes de la Jeunesse tel qu’il est actuellement présenté au musée Saint-Remi à Reims (cliché M. Poirier). On peut constater également que lors de son implantation, l’obstacle du fossé de l’oppidum qui ne sera re- bouché qu’à la fin du Ier siècle de notre ère 8, va générer à l’est et à l’ouest de la ville des rues qui suivent son tracé concentrique; divergeant ainsi de l’o- rientation générale. C’est également à cette période que le premier monument connu à Reims, le cénotaphe des Princes de la Jeunesse 9, est construit, probablement sur un premier forum d’époque augu- stéenne (fig. 2). Un autre fait remarquable est à noter. A partir du Ier siècle le tracé ré- gulateur ne changera plus jusqu’à la construction de l’enceinte de l’Antiquité tardive au début du IVe siècle. La figure n° 3 montre les es- paces occupés attestés et possibles pendant le Haut-Empire, d’après les connaissances actuelles. Elle démontre bien que le plan d’urbanisme initial a été réussi dans sa plus grande part. Fig. 3 - Extension de l’occupation urbaine avec en rouge les secteurs pour lesquels l’information archéologique est absente. 2. La romanisation phases I et II : l’évolution des rues 2.1. Les rues précoces (phase I) Elles sont installées sur la craie géologique et les surfaces de roulement sont généralement limitées par des caniveaux en bois. Elles mesurent généralement 17,40 m de façade à façade. Il existe aussi une 8 BERTHELOT 1993, 31. 9 NEISS , DENIAUX 1992, 19–22. Bollettino di Archeologia on line I 2010/ Volume speciale E / E11 / 3 Reg. Tribunale Roma 05.08.2010 n. 330 ISSN 2039 - 0076 www.archeologia.beniculturali.it 23 F. Berthelot, M. Poirier, avec la collaboration de R. Neiss, A. Balmelle, Ph. Rollet – Urbanisme et programme monumental de la ville de Reims/Durocortorum entre le Ier et le IVè siècle ap. J.-C. Fig. 4 - Chaussée augustéenne initiale sur le chantier de la rue Maucroix (cliché P. Rollet-INRAP). Fig. 5 - Restitution de la première chaussée augustéenne sur le chantier de la rue de Venise. Cette voirie nord/sud est la même que celle de la figure 4 et se trouve à plus de 2 km de distance et présente les mêmes caractéristiques et la même chronologie (dessin M. Poirier). famille de quelques rues dont la largeur est proche de 15.50 m. La dimension de cet espace public ne changera pas jusqu’à la fin du IIIe siècle. Les chaussées, limitées par des caniveaux en bois, possèdent une largeur comprise entre 9.40 m et 9.80 m; les espaces latéraux étant occupés par des trottoirs (figg. 4 et 5). L’étude de la structure des rues 10 et de l’habitat riverain montre que l’occupation s’étend très rapidement dans la nouvelle organisation urbaine sous les règnes d’Auguste, Tibère et Claude sur au moins 450 hectares ce qui met en évidence un accroissement très fort et rapide de la population urbaine. Il semble évident que la ville devient un pôle d’attraction majeur à cette période.
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