Itinéraires Esthétiques Et Scènes Culturelles Au Proche-Orient Beyrouth : IFPO, 228 P

Itinéraires Esthétiques Et Scènes Culturelles Au Proche-Orient Beyrouth : IFPO, 228 P

1 Des sociabilités de l’écrit aux créations plastiques en passant par les paysages musicaux, les scènes théâtrales ou les itinéraires de cinéastes, la production culturelle au Proche-Orient est riche de ses spécificités et de ses diversités. Elle est intimement liée aux contextes politiques nationaux qui l’encadrent plus ou moins étroitement et à l’horizon conflictuel de la région. L’expérience de la guerre civile au Liban, le conflit israélo-arabe constituent des enjeux de mémoire dont s’emparent les artistes pour dénoncer les silences, les occultations et les non-dits. Les formes de leur engagement sont différenciées et convoquent des registres pluriels : contestation, participation politique, modes d’allégeance multiples, voire repli, parfois revendiqué, sur la subjectivité. Le Liban et la Syrie présentent des situations dissemblables du point de vue du rôle de l’État et du secteur privé, de l’atmosphère politique, du poids de la censure et de l’institutionnalisation des domaines artistiques. De même, les armatures urbaines de la création diffèrent entre Damas et Beyrouth, deux villes proches aux destins divergents. En développant une démarche d’analyse des productions culturelles en relation avec des contextes sociaux plutôt qu’en s’attachant à la description des œuvres d’art en elles-mêmes, les auteurs de cet ouvrage rappellent que l’art et la création artistique sont aussi des performances sociales. FRANCK MERMIER 2 SOMMAIRE Introduction Nicolas Puig et Franck Mermier I. Sociabilités de l’écrit Poésies et poètes arabes en réseaux Jean-Charles Depaule Quelques repères Géographies De nouveaux réseaux Repérages et navigations Stratégies « Amateur » : une ressource professionnelle Maud Leonhardt-Santini La littérature contemporaine de langue arabe et Paris Les acteurs de l’exportation littéraire Amateur/professionnel : valeurs et connotations II. Scènes théâtrales Le théâtre chiite au Liban, entre rituel et spectacle Sabrina Mervin Rouvrir la source des pleurs L’implantation du théâtre persan au Liban Un théâtre sacré et populaire Politique et spectacle Deux pièces, deux visions du monde Ziyad Rahbani, une figure inédite de l’homme de théâtre au Liban Arnaud Chabrol Introduction Politisation du champ de production culturel Ziyad Rahbani et la production artistique libanaise Une position ambiguë dans le champ théâtral Conclusion III. Paysages musicaux Mapping Out the Sound Memory of Beirut A survey of the music of a war generation Thomas Burkhalter 3 L’enseignement et la pratique de la musique proche-orientale au Liban : évolutions, débats et révisions en cours Élisabeth Cestor Des demandes en forte progression Accessibilité et perspectives professionnelles Quelle place pour l’enseignement des musiques orientales ? L’enseignement pour les enfants L’enseignement et la recherche en musicologie Responsabilité et identité « Bienvenue dans les camps ! » L’émergence d’un rap palestinien au Liban : une nouvelle chanson sociale et politique Nicolas Puig « La chanson nationaliste n’existe plus, khalas, on joue les beats » Public, moralité et révolution Urbanité et représentations urbaines Refrain IV. Itinéraires de cinéastes Être cinéaste syrien Expériences et trajectoires de la création sous contrainte Cécile Boëx Les conditions d’exercice de la profession de cinéaste en Syrie : les procédures de la création Gérer le paradoxe : mises à distance, mises en cohérence Conclusion Itinéraire des cinéastes libanais de l’après-guerre : le parcours d’une reconstruction Laila Hotait Biographies Filmographies Conclusion V. Créations plastiques et mémoires politiques Des représentations de l’histoire et de la mémoire dans l’art contemporain au Liban Monique Bellan Le documentaire dans l’art contemporain La mémoire de la guerre Archive Conclusion Les artistes peintres syriens et la politique Hassan Abbas Artistes conformistes Les artistes peintres entre deux engagements Conclusion 4 Peintres de Beddawi Entre création artistique et engagement politique Amanda Dias Aperçu sur quelques peintures de Beddawi Le camp de Beddawi Les motivations d’une peinture engagée Artistes ou militants ? Conclusion VI. Hors texte L’art, la guerre et la mémoire au Liban Victoria Chenivesse La mémoire recréée L’histoire ennemie des hommes : la mémoire manipulée 5 NOTE DE L’ÉDITEUR Note sur les transcriptions de l’arabe En règle générale, pour simplifier la lecture, aucun signe diacritique n’est utilisé, à l’exception de la bibliographie d’un article (A. Chabrol) contenant un nombre significatif d’œuvres en arabe. Ailleurs, les voyelles longues sont notées à l’aide du circonflexe (â, î, û ). Les noms d’artistes et d’intellectuels sont le plus souvent francisés, suivant l’usage le plus courant lorsqu’ils sont publiés dans une autre langue que l’arabe (livres, disques, Internet, etc.). Les autres noms propres bien connus (Rafic Hariri, etc.), ainsi que les toponymes libanais, sont systématiquement francisés. 6 Introduction Nicolas Puig et Franck Mermier 1 Le Proche-Orient vit dans un état de tension continu où se succèdent à un rythme rapproché périodes de guerre et de paix sans qu’il soit toujours aisé de les distinguer, à tel point que fut évoquée l’existence d’une « guerre civile froide » au Liban1. Les pratiques artistiques dans ce pays et en Syrie sont intimement liées à cet horizon conflictuel et au contexte politique qui informe à la fois les contenus et la structuration des milieux culturels. L’expérience de la guerre civile au Liban, le conflit israélo-arabe constituent des enjeux de mémoire dont s’emparent les artistes pour dénoncer les silences, les occultations et les non-dits. Les formes de leur engagement sont différenciées et convoquent des registres pluriels : contestation, participation politique, modes d’allégeance multiples, voire repli, parfois revendiqué, sur la subjectivité. 2 Le Liban et la Syrie présentent des situations dissemblables du point de vue du rôle de l’État et du secteur privé, de l’atmosphère politique, du poids de la censure, de l’institutionnalisation des domaines artistiques. Le Liban, fort de caractéristiques spécifiques – un peu plus de liberté et d’ouverture, un peu moins de censure qu’ailleurs – est un lieu central de la production culturelle contemporaine. Damas semble plus en retrait des flux culturels internationaux : les créateurs doivent y tracer leur chemin entre allégeance, neutralité et opposition au sein d’un État qui est le principal entrepreneur culturel. Dans ces deux villes, la production culturelle suit donc des logiques tout à fait différentes. Cela ressort des textes rassemblés dans cet ouvrage qui traitent de la création artistique au Proche-Orient, à Damas et à Beyrouth essentiellement, avec néanmoins une échappée sur les productions des Palestiniens au Liban qui, dans leur grande majorité, se distinguent par leur subordination explicite à des enjeux de préservation et d’affirmation identitaires2. 3 L’approche générale relève de la sociologie et de l’anthropologie culturelle et non pas de la critique d’art (si l’on excepte le commentaire par Victoria Chenivesse d’une sélection d’œuvres d’artistes libanais). Dans cet esprit, différents auteurs distinguent leur travail des visions purement esthétiques faisant de l’art un domaine inaccessible à la raison. Ainsi Pierre Bourdieu ou Nathalie Heinich revendiquent chacun à leur manière la légitimité et l’autonomie d’un discours anthropologique et sociologique sur 7 respectivement la littérature et le statut du créateur. Le premier moque « les topos éculés du culte scolaire sur le livre mettant en garde contre tout contact profanateur avec l’œuvre d’art3 » ; la seconde avertit dès son avant-propos que le statut des créateurs est « une question sociologique à part entière qui n’a pas à être subordonnée, ni même articulée, à des problématiques esthétiques4 ». Des questions comme la genèse et la structuration d’un champ littéraire ou les conditions ayant présidé à la naissance et au développement d’une nouvelle élite après la Révolution française, soit la catégorie des artistes, relèvent ainsi, parmi d’autres, du domaine des sciences sociales. 4 Deux axes peuvent être distingués dans l’espace analytique de la production artistique traitée dans cet ouvrage. Le premier porte sur l’armature urbaine de la production culturelle et concerne notamment le rôle joué par Beyrouth, Damas mais aussi les villes de l’exil comme Paris ou Londres, dans les processus de création. Les villes sont des lieux d’inspiration esthétique, de croisement et de diffusion des flux culturels, des foyers d’innovation et des supports privilégiés des médias, se situant dans des rapports concurrentiels et hiérarchisés. De ce point de vue, les sociabilités de l’écrit dont Jean- Charles Depaule et Maud Santini nous entretiennent sont surtout des sociabilités urbaines : elles s’inscrivent dans l’espace des villes en tension avec les itinéraires des artistes. 5 Il s’agit de sociabilités d’hommes (essentiellement) de lettres qui dialoguent entre eux comme avec les différents lieux qu’ils investissent au gré des événements et des fréquentations collectives. Ils instituent avec ceux-ci des familiarités et connectent par leurs déplacements des villes telles que Beyrouth, Paris, Londres et Damas. On discerne ici une thématique du déplacement et des traductions qui l’accompagnent, traductions de lettres, de phrases, de mots mais aussi traductions d’espaces : c’est-à-dire reconstitution et reterritorialisation de cercles familiers dans les villes étrangères. 6 Cette relation à la ville concerne les sociabilités

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