Correspondance Inédite 1885 - 1914

Correspondance Inédite 1885 - 1914

RACHILDE - MAURICE BARRÈS Correspondance inédite 1885 - 1914 Édition préfacée et annotée par MICHAEL R. FINN Nouvelle édition corrigée en 2010 de l'ouvrage publié en 2002 avec le concours de Ryerson University, Toronto, Canada ________________ (Université Européenne de Bretagne, UMR CNRS 6563, Université de Bretagne Occidentale, Brest) RACHILDE - Maurice BARRÈS Correspondance inédite 1885 - 1914 Édition préfacée et annotée par MICHAEL R. FINN Nouvelle édition corrigée en 2010 de l'ouvrage publié en 2002 avec le concours de Ryerson University, Toronto, Canada ________________ (Université Européenne de Bretagne, UMR CNRS 6563, Université de Bretagne Occidentale, Brest) © Bibliothèque Nationale de France pour les lettres inédites de Maurice Barrès. © Édith Silve pour les lettres inédites de Rachilde et ses Annexes. Rachilde - Maurice Barrès Correspondance inédite 1885 - 1914 _______________ Présentation de la correspondance et remerciements Les lettres de Marguerite Eymery (1860-1953), dite Rachilde, et de Maurice Barrès (1862-1923) que nous présentons aujourd‟hui, presque toutes déposées à la Bibliothèque Nationale de France1, s‟échelonnent du début de 1885 à 1914. La plus grande partie pro- vient des années 1885-1886. Les deux écrivains s‟étaient rencontrés très probablement en décembre 1884 chez un éditeur mutuel, René Brissy. La jeune femme venait de publier un roman androgyne, Monsieur Vénus, qui avait fait d‟elle du jour au lendemain une des stars de la bohème littéraire. Barrès, déjà plein de l‟ambition qui ferait de lui le “prince de la jeunesse” du Culte du moi, un député et l‟éventuel président de la Ligue des Patriotes, n‟avait publié que quelques articles, mais fondait des espérances sur une gazette criti- que et littéraire, Les Taches d’Encre, qu‟il éditait seul. Leur amitié, passionnée, parfois houleuse, bat son plein au printemps de 1885. Les lettres de cette période sont naturelles et spontanées, intimes sans grossièreté, pleines de séduction de part et d‟autre et, parfois, de dédain. Rachilde est l‟aînée. Pour elle, le déli- 1 Sur les 104 lettres que nous présentons, 58 de Rachilde, 45 de Barrès (plus une de son secrétaire), la seule qui, à notre connaissance, n‟est pas inédite est la lettre de Barrès du 29 septembre 1888 dans laquelle il se propose de préfacer une nouvelle édition de Monsieur Vénus. Cette lettre a été publiée dans les éditions Flammarion de Monsieur Vénus, la plus récente en 1977, réimpr. en 1998, et le manuscrit en est déposé à la Bibliothèque Littéraire Jacques Doucet à Paris. 3 cat Maurice est “mon enfant”, “mon cher enfant”, “ma chère fille”, “chère mademoiselle”. Il le lui rend bien, l‟appelant “mon cher homme de lettres” comme elle le fait elle-même sur ses cartes de visite. Elle adopte le ton d‟une mère qui encourage son fils lorsque Barrès se retire dans sa famille en mars 1885, gêné et vaincu par l‟échec de sa revue. Pour elle, Barrès est un homme de lettres “très supérieur aux autres”, et son absence de Paris ne fait que réjouir ses rivaux. Elle-même est heureuse de le savoir parti : un concurrent de moins, dit-elle pour piquer son orgueil. Pendant les premiers mois de leur amitié, Rachilde rendait à Barrès les lettres qu‟il lui avait adressées, si bien que dans les archi- ves de celui-ci léguées à la BnF il se trouve, outre 58 lettres de Rachilde, une quinzaine d‟autres lettres adressées à elle par Barrès. Mais à partir de juin 1885, elle a gardé les lettres de son ami et, ayant besoin d‟argent après la mort de son mari Alfred Vallette en 1935, Rachilde les aurait vendues à Georges Andrieux pour 5 000 francs1. Ce lot d‟une trentaine de lettres2, acquis par la BnF en 1987, complète la collection livrée au lecteur. Dans une correspondance “normale”, on s‟attendrait peut- être à pouvoir isoler avec précision l‟instant où deux amoureux pas- sent du “vous” au “tu”. Tel n‟est pas le cas ici. Il y a bien eu un mo- ment où Rachilde a dit “tu”, et Barrès s‟en souvient à deux reprises (lettres 8 et 12). Mais on assiste plutôt, dans ces échanges, à une hésitation dans l‟intimité et à une oscillation parfois gênante du “vous” au “tu” et vice-versa qui semble traduire à la fois la profonde susceptibilité des deux amis et les conflits constants que leurs atti- tudes orgueilleuses leur imposaient. Il est possible aussi qu‟à la lon- gue cette habitude se soit muée en affectation. Que lecteurs et lectri- ces en jugent eux-mêmes en lisant la lettre 5 de Barrès et la lettre 23 de Rachilde. 1 Selon Auriant, Souvenirs sur Madame Rachilde (Éditions À l‟Ecart), p. 21. 2 Voir le catalogue de l‟Hôtel Drouot, vente du 19-20 novembre 1987, article 21. 4 À partir d‟octobre 1885, les lettres s‟espacent, sans motif précis, et ne reprennent leur fréquence antérieure qu‟à la fin de mars 1886, période qui précède la publication d‟À mort, première œuvre de Rachilde qu‟elle qualifie de “sérieuse”. Le héros de ce roman, sur lequel elle travaille depuis presque un an, est le jeune arrogant Maxime de Bryon, sosie de Barrès à qui le roman est dédié. Maurice fut-il froissé, en juin 1886, en découvrant le portrait peu flatteur qu‟elle avait tracé de lui ? Rachilde se fâcha-t-elle une fois pour toutes en lisant “Mademoiselle Baudelaire”, l‟article en somme condescendant que Barrès avait consacré à son livre ? Quelle qu‟en soit la raison, la correspondance s‟interrompt, cette fois pendant deux ans, sans qu‟il y ait, à notre connaissance, lettre de rupture ou explications, pour ne reprendre qu‟en juillet 1888. Si les retrouvailles de l‟été 1888 sont empreintes de nostal- gie, les rapports du couple ne sont plus les mêmes. Barrès propose de préfacer une nouvelle édition de Monsieur Vénus, le roman de Rachilde qui l‟avait conquis entre tous. Mais la vie prépare une séparation définitive, car Rachilde, profondément affectée par l‟in- cohérence croissante de sa mère qui souffre de troubles mentaux, s‟est résolue à chercher appui et consolation auprès d‟un autre camarade qu‟elle avait perdu de vue, Alfred Vallette. Elle l‟épou- sera quelques mois après, en juin 1889 ; en octobre, Barrès sera élu député boulangiste à Nancy, et deux ans plus tard il se mariera de son côté. Après 1890, la correspondance devient moins fréquente et les échanges, moins personnels, marquent les étapes de leurs publi- cations respectives. Et pourtant, parmi ces lettres de circonstance il s‟en trouve quelques-unes (voir les lettres 86 et 100) qui nous touchent par leur tendresse. Il n‟a pas toujours été facile de dater cette correspondance avec pré- cision : plusieurs des lettres, surtout celles de Rachilde, ne portent que le jour de la semaine où elles ont été écrites Ŕ certaines n‟ont même pas cette indication Ŕ et les enveloppes ont disparu. Par conséquent, il se trouve un petit nombre de lettres que nous n‟avons pas réussi à dater de manière complètement satisfaisante. Les sour- ces secondaires qui permettraient de confirmer dates et allusions 5 sont peu nombreuses. Le fils de Maurice Barrès, Philippe, a édité en 1961 Le Départ pour la vie, recueil de correspondance croisée entre Barrès et ses deux amis de jeunesse, Léon Sorg et Stanislas de Guaïta. Ce volume permet d‟éclaircir plusieurs épisodes de la pério- de 1880-1887, même s‟il ne contient aucune référence à Rachilde. La thèse de Maurice Davanture, La Jeunesse de Maurice Barrès (1862-18881), reste un point de référence essentiel, mais Rachilde y est présentée comme une connaissance littéraire de Barrès, non pas comme une amie intime. La correspondance de Rachilde est encore peu connue. Quel- ques lettres ont été publiées par Auriant dans ses Souvenirs sur Madame Rachilde (1989), ouvrage dans lequel sont racontés la dis- persion de la correspondance reçue par Rachilde et le Mercure de France, et un vol de lettres dont Rachilde a été l‟objet. Claude Dau- phiné a divulgué le texte d‟une belle lettre autobiographique à Cazals, l‟ami de Verlaine, dans son étude Rachilde (1991). Une let- tre à Robert de Souza, intéressante elle aussi pour le biographe, a paru dans une publication canadienne, La Revue Frontenac (nos 10- 11, 1993-1994). Des extraits de deux séries de lettres, les unes des- tinées à un jeune amoureux du nom d‟Édouard, les autres envoyées à l‟écrivain Catulle Mendès, ont été publiés dans un numéro spécial des Organographes du Cymbalum Pataphysicum2. Et enfin, même s‟il ne contient que des lettres provenant non pas de Rachilde, mais qui lui sont adressées, il faut ajouter à cette liste Le Roman d’un homme sérieux (1944 ; nouvelle édition avec préface d‟Édith Silve, 1994), recueil de lettres d‟Alfred Vallette à sa future femme, toutes écrites pendant la période 1885-1889 qui nous occupe particulière- ment dans la présente édition. Quant à Barrès, le recueil le plus significatif est sans aucun doute la merveilleuse édition, par Claude Mignot-Ogliastri, des lettres de Barrès et d‟Anna de Noailles (1994). Plus tôt, avaient paru les correspondances avec Mary Duclaux (1959), Léon Sorg et Stanislas de Guaïta (1961), Henri 1 Librairie Honoré Champion, 1975, 2 volumes. 2 Correspondances déposées à la Bibliothèque Littéraire Jacques Doucet. Voir le numéro spécial, consacré à Rachilde, des Organographes du Cymbalum Pata- physicum, 19-20 (4 avril 1983), p. 35-44. 6 Massis (1962) et Charles Maurras (1970). Mais ces recueils ne représentent qu‟une infime partie de la correspondance barrésienne. En effet, un important Inventaire des lettres reçues (Bibliothèque Nationale, 1992) révèle que le Fonds Barrès contient plus de 100 000 lettres adressées à l‟auteur.

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