CHOISY-Au-BAC Et Les Deux Guerres Mondiales

CHOISY-Au-BAC Et Les Deux Guerres Mondiales

P39-P49 PILOT:113-114 29/09/09 09:47 Page1 CHOISY-au-BAC et les deux guerres mondiales Marc Pilot A la confluence de l’Aisne et interprète, l’officier Labouchère du de l’Oise, couloirs traditionnels 8 e Dragons. De belles terres. Mes d’invasion, Choisy-au-Bac chevaux dans un verger. Le mess aurait pu être transformé en du PC dans le château. Vers 14H: champ de bataille. Adossé aux omelettes, pommes de terre, maca- massifs forestiers de Laigue roni, et un tas de bordeaux. Si et de Compiègne, sa situation nous pouvions rester là un jour ou cependant ne convenait pas aux deux les chevaux seraient vite armées modernes dans leurs retapés. Beaucoup d’entre nous se phases de mouvement qui sont baignés dans les douves qui risquaient de s’y trouver ralen- entourent la maison. Dîner à ties et piégées. De même l’ab- 18H : poulet, porc, canard et de sence de relief ne favorisait pas nombreux bordeaux » 1. D’autres la guerre de position. La localité goûtèrent au confort de la maison fut donc traversée rapidement de Madame Binder Mestro, partie à chaque épisode, ce qui ne le matin même pour Paris en l’épargna pas pour autant. entassant tout ce qu’elle pouvait dans trois voitures. La domes- tique et le jardinier fournirent du vin en abondance, des lapins, des L’invasion fruits et un bon bain apporta une touche finale à ce repos de courte David MacKay avait 23 ans et venait Dans l’après-midi du 29 août durée 2. La brigade partit le 31 à de Cupar, Fife. 1914, le général Joffre rencontra 4H30 en direction de Compiègne. le général French à Compiègne et avait remarqué cette tombe isolée lui demanda de stopper la retraite Le cimetière communal abrite et fleurie chaque jour. Il interro- de la British Expeditionary Force une sépulture britannique qui gea un paysan qui lui indiqua (B.E.F.). Ce dernier refusa et les pourrait passer inaperçue tant qu’un soldat anglais s’était écroulé troupes britanniques engagées elle est nichée entre des thuyas. mort de fatigue dans un chariot depuis le 24 dans l’épuisante On peut y lire: « Ici repose le pendant la retraite. A son réveil retraite de Mons atteignirent le Lance / Corporal David McKAY 36H plus tard il fut découvert, des lendemain la vallée de l’Aisne. La du 5th (Royal Irish) Lancers, mort Allemands lui tirèrent dessus protection du flanc ouest était le 10 septembre 1914 ». La 3rd depuis l’autre rive et il riposta. assurée par la 1st Cavalry Brigade Cavalry Brigade à laquelle ce régi- Il toucha six officiers dont un qui trouva un repos fort apprécié ment appartenait se trouvait vers général (cela semble plus tenir de à Choisy-au-Bac : « le régiment Mortefontaine le 31 août, comment la légende) et quelques soldats cantonne au château du Vivier, expliquer alors la présence de avant de tomber criblé de balles. une belle bâtisse de caractère qui cette sépulture? Le Daily Express La date officielle de sa mort ne appartient à un parent de notre rapporte qu’un soldat de retour concorde pas, mais cet évènement 39 P39-P49 PILOT:113-114 29/09/09 09:47 Page2 Croquis de la situation au 31 août 1914. La British Expeditionary Force a passé l’Aisne et pénétré en forêt de Compiègne sauf la brigade de cavalerie qui était encore à Choisy. La liaison à gauche avec l’armée française était quasi­inexistante. est une hypothèse qui peut expli- les crimes de guerre dans le mairie m’a dit qu’on n’avait voulu quer les exactions dont il va être village qu’ils occupèrent le 31 brûler qu’un seul immeuble et que question. août. Les Allemands déclarèrent le vent aurait fait le reste ». La route menant à Compiègne avoir essuyé des tirs et par con- Le 8 septembre la famille Morel était tenue par deux compagnies séquent, les 1er et 2 septembre, était revenue au village. Vers 20 du 13e Régiment d’Infanterie le village fut mis à sac en heures le mari sortit dans son Territoriale. Cette unité était présence d’officiers, ce qui signi- jardin, il devait ignorer qu’il y affectée au service de l’Arrière et fie que les soldats agirent sur avait un couvre-feu. « Il fut aperçu des Etapes et ne possédait aucune ordre. On vit même, dit-on, deux par une patrouille allemande qui mitrailleuse ni voiture, même les médecins avec brassards de la passait dans la rue. Un soldat tira munitions étaient rares. Il n’était Croix-Rouge piller la demeure de sur lui et l’atteignit au rein gauche; donc pas question de combattre Madame Binder. Après le pillage, la balle sortit par l’aine. J’ai reçu et le repli fut ordonné 3. 45 maisons furent incendiées et Morel dans mes bras au moment Le pont de Choisy ayant sauté l’on retrouva plus tard sous les où il tombait. Oh Marie ! s’écria-t- ainsi que celui du chemin fer de décombres le corps carbonisé de il, je suis tué. Je l’ai transporté sur Compiègne à 11H00, la popula- Nicolas Troquit âgé de 73 ans. La son lit, et il est mort le lendemain ». tion qui n’avait pas évacué se fureur de l’occupant aurait pu Quatre otages furent arrêtés le retrouvait donc isolée. On racon- naître du refus du boulanger de même jour et furent emmenés le tait alors de terribles histoires sur servir du pain et le feu aurait été 13 au moment du repli : René la cruauté des cavaliers alle- mis à la boulangerie uniquement. Leclère (18 ans) aurait été fusillé à mands, les Uhlans en particulier, Cette thèse n’est pas à écarter, si Besme (Aisne) après une tenta- qui coupaient les mains; de leurs l’on se réfère au témoignage de tive d’évasion, son frère aîné côté les Allemands avaient la han- Théophile Dufrier instituteur et Marcel (20 ans) resta captif toute tise des francs-tireurs depuis la secrétaire de mairie: « Un officier la guerre. Raymond Grevet (19 guerre de 1870-1871. C’est dans allemand, qui était en train de ans) parvint à s’échapper, le sort ce contexte que se commirent prendre les armes déposées à la de Georges Hanniquet (17 ans 40 P39-P49 PILOT:113-114 29/09/09 09:47 Page3 reste inconnu. Sans l’épisode dra- matique du début septembre 1914, Choisy-au-Bac aurait traversé la Grande Guerre sans trop souffrir. Après la bataille de la Marne les troupes françaises se lancèrent à la poursuite des Allemands qu’il fallait talonner au plus près pour les empêcher de se reprendre. La 8e DI qui se dirigeait ini- tialement sur Morienval reçut l’or- dre le 13 septembre de marcher par Rethondes sur Choisy pour assurer la liaison avec la 37e DI qui refoulait l’ennemi sur la rive droite de l’Oise avec la 7e DI qui s’avançait quant à elle vers Tracy- le-Mont. Le 115e RI, dont un bataillon assurait l’avant-garde, Ce pont à bel et bien été détruit par le Génie français et non par les Allemands ne rencontra aucune trace de l’en- comme on peut le lire sur certaines cartes postales (Coll. J. Bernet). nemi. Rethondes fut atteint à 16H30, les éléments de tête entrèrent à Choisy à 18H30 et un détachement fut poussé jusqu’au Plessis-Brion. L’État-major et deux bataillons du 115e RI, le 117e RI et un groupe d’artillerie cantonnèrent à Choisy qui ne connut jamais une telle affluence de toute la guerre. Un bataillon du 117 e RI et un peloton de cava- lerie furent envoyés à l’aube au carrefour du Puits d’Orléans pour fouiller la forêt de Laigue, mais les seuls soldats rencontrés furent ceux du 131e RI qui arrivaient de Saint-Léger. Le lendemain en fin de matinée les troupes reprirent leur progression 5. La localité se trouvait désormais à l’arrière, suffisamment loin des lignes, qui se fixèrent vers Bailly et Tracy-le- Val pour ne pas être à portée des tirs d’artillerie. Les destructions se concentrèrent surtout sur les rues qui mènent vers Le Plessis­Brion. Cette carte postale représente une vente de journaux aux sol­ dats en février 1917 (Coll J. Bernet). Une bourgade de l’arrière Les ruines de Choisy impressionnèrent particulièrement un ambulancier améri­ cain en 1916 tant elles semblaient anciennes. Les rues étaient désolées et seuls A part un bombardement par deux piliers de pierre subsistaient à l’entrée « de ce qui fut un beau château. Du aéroplanes le 24 août 1915, qui bâtiment il ne restait qu’une pièce qui devait être la salle à manger. Elle était blessa deux soldats et incendia une maison, l’endroit était suff- vaste, bien éclairée et meublée de gracieux fauteuils et d’une table aux pieds gra­ isamment calme pour accueillir ciles qui paraissaient vraiment incongrus au milieu de ces ruines. Le reste de la e 4 des ambulances du 35 Corps demeure n’était qu’une ruine noircie » . d’Armée. Très vite il y eut une spécialisation : les malades furent exclusivement dirigés sur 41 P39-P49 PILOT:113-114 29/09/09 09:47 Page4 Choisy, tandis que les blessés ont été traduits devant le Conseil c’était près de la rivière et en contre atteints de plaies pénétrantes avec de Guerre pour ivresse et outrage bas il y avait à certains endroits fractures des membres ou de la à supérieurs)» 7. 0m15 d’eau et plus. A 11 heures face allèrent au Francport.

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