Modes de vie et intégration : Le cas des réfugiés kurdes irakiens en France Chirine MOHSENI i * \ Ce livre est dédié à toutes les familles kurdes qui m'ont accueillie et sans qui ce livre n'aurait jamais pu être réalisé??; TABLES DES MATIÈRES Pages Notes sur la transcription 6 Introduction 7 Problématique 8 Déroulement de la recherche et méthodologie 10 Première Partie Aux origines des réfugiés Chapitre I- La migration kurde vers l'Europe 15 1 -La diaspora kurde 15 Chapitre II - Le Kurdistan irakien 19 1- La politique du gouvernement irakien au Kurdistan 20 2 - L'installation dans les camps en Turquie 27 Deuxième partie L'arrivée et l'installation en France Chapitre III - L'accueil à Piriac-sur-Mer 34 1 - Les réfugiés kurdes au Centre Provisoire d'Hébergement 34 2 - Les relations avec le CPH et son entourage 48 3 - L'image de la France et des Français perçue par les réfugiés 54 Chapitre IV - L'installation dans les villes françaises 60 1 - La «phase d'insertion» 60 2 - La vie dans les villes 68 Troisième partie Habitation, alimentation, vêtement : tradition et adaptation Chapitre V - L'aménagement de l'espace privé : habitation et identité en France 83 1- L'aménagement du jardin et la recherche de l'identité 84 2- L'espace intérieur : l'aménagement et les pratiques quotidiennes 86 Chapitre VI - La cuisine et l'alimentation en France 97 1 - L'achat et la conservation des aliments 98 2- La cuisine et la préparation des repas 100 3- Les premières modifications dans les repas quotidiens et les repas festifs 102 Chapitre VII - L'exil et les nouvelles pratiques vestimentaires 107 1 - L'organisation des apparences : du foyer au travail 108 2- De la «tradition à la modernité» 120 Quatrième partie Le vêtement comme révélateur des problèmes d'intégration Chapitre VIII - La communauté et la famille : résistance identitaire, changements et conservation 133 1- La famille en exil ; 133 2- La communauté et son rôle 137 3- Le mariage en exil et le renforcement des liens familiaux 143 Chapitre IX - Les changements vestimentaires et leur impact sur les réfugiés 149 1- L'apparence vestimentaire et l'«ascension sociale» 149 2- L'image du corps et l'habillement 152 3- Les techniques du corps : les gestes et l'habillement 157 4- L'habillement et les conflits des générations 162 Conclusion 15g Bibliographie 176 Note sur la transcription Les termes vernaculaires sont transcrits selon l'alphabet kurde kurmancî (kurmandji). Cette alphabet comporte trente-et-une lettres : huit voyelles, deux semi-voyelles et vingt- et-une consonnes. L'ordre alphabétique est celui du français : abcçdeêfghiîjklmnopqrsstuû vwxyz - Prononciation des voyelles : a est long, comme pâte en français ê est long à la façon de ai ou ei français dans chair, reine î se prononce comme le î de fine o se prononce comme le ô et le au des mots rôles, faute û se prononce comme le ou dans amour e est court et se prononce comme tel i est très bref, semblable à un son intermédiaire entre [e] et [i] et se rapproche de la terminaison des infinitifs allemands comme dans machen u très court se prononce comme ou dans courtage -Prononciation des consonnes : Les consonnes suivantes ont les mêmes sons que les consonnes françaises : b d f j 1 m n p r s t vz Prononciation des autres consonnes : c se prononce comme dj en français, comme Djebel ç se prononce comme tch dans Tchécoslovaquie g semblable à g précédant les voyelles a , o u, comme garçon h semblable au h anglais comme hâve k se prononce comme k en français dans képi q elle s'apparente au qaf arabe § se prononce comme ch français dans chagrin w semblable au w anglais dans tramway x semblable au ch allemand dans achtung y semblable au y des mots anglais yes, yellow Cependant les noms propres et les noms francisés ne suivent pas ces règles de transcription : j'ai écrit Amadiya au lieu de Amédie, Zakho au lieu de Zaxo, peshmerga au lieu de pesmirge etc. Dans cette étude, j'ai utilisé souvent le mot «badini», au lieu du «badinani ou behdinârù» qui est à l'usage dans les documents écrits et la littérature. Durant mon séjour chez les Kurdes du Badinan et tout au long de mes entretiens, ces derniers se désignaient comme «badini» et non «badinani». J'ai respecté cet usage dans mon travail. Introduction «Nous sommes des paysans et voudrions retrouver la campagne, si possible des villages qui ressemblent aux nôtres, avec des montagnes et des torrents».1 (propos d'un réfugié kurde, juste avant son arrivée en France) En août et en septembre 1988, fuyant les bombardements à l'arme chimique de l'aviation irakienne, des dizaines de milliers de kurdes se réfugient en Turquie. Ces Kurdes vont être transférés par le gouvernement turc dans des camps proches de la frontière irakienne. A la suite de la visite de Mme Mitterrand dans ces camps en avril 1989, la France, pour la première fois, décide d'accueillir collectivement des familles kurdes sur son sol et de leur accorder le droit d'asile. Ainsi, dans le cadre d'un programme d'accueil, entre août 1989 et avril 1991, environ 76 familles arrivent en France et sont dirigées successivement vers Bourg-Lastic (Puy-de-Dôme) et Piriac-sur-Mer (Loire-Atlantique). Au départ, l'idée était, après un séjour de trois mois dans les deux centres, de les installer dans des régions rurales et de «repeupler des villages "désertés" et ainsi, grâce à l'activité économique rurale qu'ils y développeraient, faire revivre ces villages». Or, en pratique, cela a paru difficile à réaliser. Le projet a changé et les familles, après avoir vécu quelques mois à Bourg-Lastic et à Piriac-sur-Mer, ont été dispersées dans différentes régions.2 La plupart de ces Kurdes n'avaient qu'une vague idée de la vie en France. Les propos de l'un d'entre eux, cités ci-dessus, juste avant son départ pour la France, montrent à quel point ces réfugiés vivaient dans la nostalgie de leur terre. Traumatisés par des bombardements chimiques massifs et planifiés, ils se sont enfuis précipitamment vers la Turquie laissant derrière eux une partie de leur famille et tous leurs biens.3 L'exil leur a paru d'autant plus brutal qu'issues d'un milieu rural, et très attachées à leurs traditions, certaines familles n'avaient jamais quitté auparavant leur village et n'avaient pas vécu en milieu urbain. Ces 1 Cité par FARRÈRE, 03/08/1989, «Les Kurdes irakiens accueillis par la France sont hébergés dans un centre de l'armée du Puy-de-Dôme», Le Monde. 2 Je reviendrai sur ce sujet dans le chapitre IV de ce travail, notamment pp.60-63. 3 Certains d'entre eux ont dû laissé un ou deux de leurs enfants qui, au moment de leur fuite, se trouvaient chez les grands-parents dans un autre village. réfugiés se sont installés sur leur terre d'asile, en portant en eux la douleur des persécutions et de la guerre. Cette étude porte sur l'intégration de ces familles à la société française. Il me semble nécessaire de préciser d'emblée la signification que je donne ici au terme intégration. Intégration et assimilation sont des termes employés souvent «de manière imprécise et indifférenciée».4 Suivant les périodes, ils sont utilisés dans des discours politiques sans que l'on puisse distinguer d'une façon précise leurs différences.5 Le mot assimilation, largement dominant dans le vocabulaire sociologique de la première moitié du XXe siècle6, devient rare dans la recherche et les discours politiques, et cède sa place à intégration. Or, comme le dit Jacques Barou, «l'assimilation a disparu du vocabulaire, mais il semble qu'on en retrouve souvent une partie du contenu conceptuel à travers le vocable intégration, surtout quand celui-ci surgit dans le contexte de discours qui font aussi la part belle aux valeurs républicaines et exaltent la grandeur du rôle de l'école dans la formation des citoyens».7 Toutefois il faut noter qu'avec le temps, l'assimilation a pris une connotation négative et «implique l'idée que les individus ou les groupes perdent toutes leurs spécificités d'origine».8 Ce terme est de moins en moins utilisé. Dans cette étude, je définis l'intégration comme un processus par lequel les individus ou les groupes s'adaptent à la société englobante en participant à la vie sociale. Problématique Appelée en tant qu'interprète, fin décembre 1990, à Piriac-sur-Mer où avaient été installés des réfugiés kurdes d'Irak, mon attention d'ethnologue a été attirée par les problèmes d'intégration de ces réfugiés. Huit ans plus tard, ce travail se propose d'apporter, notamment à travers une étude détaillée des pratiques vestimentaires, des éléments de réponse aux questions suivantes : 4 BAROU, 1993, «Les paradoxesde l'intégration. De l'infortume des mots à la vertu des concepts», in: Ethnologie française, tome XXIII, n° 2, p. 169. 5 Voir notamment GASPARD, 1992, «Assimilation, insertion, intégration :les mots pour " devenir français "», in : Hommes & Migrations, n° 1 154, pp. 14-23. 6 Sur l'histoire du terme assimilation et son emploi par l'Ecole de Chicago et L'école durkheimienne, voir l'article de BEAUD ; NOIRIEL, 1990, «Penser réintégration" des immigrés», in : Hommes &Migrations pp.43-53. 7 BAROU, 1993, op.cit, pp. 170-171. 8 SCHNAPPER, 1991, La France de l'intégration. Sociologie de la nation en 1990, Paris, Gallimard, p. 95. 8 - Ces familles, qui ont lutté pour conserver leur identité kurde face à la politique du gouvernement irakien, arrivent-elles à préserver cette identité en exil dans un pays étranger et totalement différent du leur ? - Comment s'adaptent-elles à leur nouveau milieu ? - Le processus d'intégration n'entraîne-t-il pas leur acculturation9 progressive et leur éloignement de la culture d'origine ? Changer le vêtement traditionnel et s'habiller à l'européenne est souvent considéré comme un pas vers l'intégration.
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