Université Panthéon-Assas Juin Juin Institut Français de Presse (IFP) / Mémoire de Master recherche Médias, Langages et Sociétés dirigé par Frédéric Lambert Hybridation de la factualité et de la 2016 fictionnalité au service d’une critique culturaliste. Etude de cas : Parks and recherche Médias, Langages et Sociétés et Langages Médias, recherche Recreation. Mémoire de master de Mémoire Auteure : Soline BEURDELEY Sous la direction de Frédéric Lambert Date de dépôt : 13 juin 2016 BEURDELEY Soline| Mémoire de master rechercher Médias, Langages et Sociétés | Juin 2016 Avertissement La Faculté n’entend donner aucune approbation ni improbation aux opinions émises dans ce mémoire ; ces opinions doivent être considérées comme propres à leur auteur. - 2 - BEURDELEY Soline| Mémoire de master rechercher Médias, Langages et Sociétés | Juin 2016 Résumé : L’attrait pour les fictions ne tient pas en ce qu’elles sont vraies ou non, mais en ce qu’elles sont vraisemblables, c’est-à-dire qu’elles proposent une forme de réalité qui pourrait être, bien qu’elle n’est pas. A ce titre, les mockumentaries proposent une relecture intéressant de la factualité. Forme hybride de fiction reprenant les codes connus des documentaires sans pour autant avoir la volonté d’induire les téléspectateurs en erreur, ils s’inscrivent dans une démarche particulière de dénonciation de la factualité. Parks and Recreation est une sitcom américaine diffusée de 2009 à 2015 sur NBC et narre la vie du département de Parcs et Loisir de la mairie de la petite ville fictive de Pawnee, dans l’Indiana. L’histoire débute quand sa directrice adjointe, Leslie Knope, décide de construire un parc sur une parcelle de terrain abandonnée, mais elle nous promène bien au-delà que cette fosse :à travers elle, c’est toute une petite Amérique qui nous est narrée, dans ce qu’elle a de meilleure comme dans ce qu’elle a de pire, et nous propose un instant de croire en l’existence de cette petite ville fictive. A mi-chemin entre la factualité et la fictionnalité, Parks and Recreation réinvente le genre et ce qu’il permet. Elle dépasse la dichotomie du vrai et du faux, du fictionnel et du factuel, pour tirer une ligne imaginaire entre les deux, irriguer l’un avec l’autre, sans déranger la suspension consentie de l’incrédulité, bien au contraire. Elle se sert de son caractère hybride pour faire de ses téléspectateurs des croyants convertis et de ses propos un petit manifeste américain. Mots clés : Série télévisée, hybridité, factualité, fictionnalité, mockumentary, documentaire, fiction, Parks and Recreation, Etats-Unis, Amérique, transmédia, fact- fiction, croyance, parcologie, parc, politique, rêve américain, rire, sitcom. - 3 - BEURDELEY Soline| Mémoire de master rechercher Médias, Langages et Sociétés | Juin 2016 « Quelques-uns des droits inaliénables du sériphiles : Le droit de regarder sans être jugé ou méprisé. Le droit d’aimer (ou de détester) sans devoir se justifier. Le droit de revoir indéfiniment ses épisodes préférés. Le droit de considérer certains personnages comme des amis intimes. Le droit de rire, de pleurer, de souffrir, d’espérer en regardant un épisode, et une fois qu’il est terminé, de se sentir compris et valorisé, éclairé et informé. » Martin Winckler, Petit éloge des séries télé, Gallimard, 2012. 4 BEURDELEY Soline| Mémoire de master rechercher Médias, Langages et Sociétés | Juin 2016 Introduction « Nous croirons à un monde imaginaire en échange de la promesse d’être catapultés dans un lieu et un temps vraisemblables pendant toute la durée de l’épisode »1. D’après la socio-sémiologue Claudia Attimonelli, l’attrait pour les fictions ne tient pas en ce qu’elles sont vraies, c’est-à-dire conforme à la vérité, mais qu’elles ont un aspect de vérité, une apparence du vrai, ce que qui aurait pu mais ne doit pas nécessairement être. Si le conté accepte de croire en un monde qu’il sait imaginaire c’est « qu’il se pose en parfait incrédule devant les tours des illusionnistes », ici, nos conteurs de récits fictifs, « mais [qu’] il exige que l’illusion soit parfaite »2. Croire à nos histoires constitue donc un acte d’abandon volontaire et temporaire, l’acte de (se) raconter des histoires pour se raconter. Quel lecteur n’a jamais fait l’expérience de la suspension consentie de l’incrédulité3, cette opération cérébrale qui consiste, le temps d’une fiction, à accepter la proposition d’un auteur ? Car un récit, un mythe, ne s’oppose pas à la raison : il est un sujet de réflexion en ce qu’il réfléchit la société qui l’écrit. La fiction n’est pas fausse, pas plus que le factuel n’est vrai : le mensonge ex nihilo n’existe pas, et « à chaque époque correspondent des mythes particuliers »4 auquel nous adhérons collectivement. La télévision, média de masse consommé dans l’intimité d’un salon, propose alors, comme les aèdes d’antan réunissant leurs croyants autours d’un foyer, des références communes, une histoire collective, des habitudes similaires5. Si tant s’accorde à dire que la télévision américaine connaît son troisième âge d’or depuis les années 19906, c’est notamment avec l’arrivée de Dream On, une série comédie diffusée par HBO de 1990 à 1996. Elle intègre, en suivant les 1 ATTIMONELLI Claudia, « Stratégie et bondage du générique : socio-sémiotique de la sérialité audiovisuelle », Sociétés, 2015/2 (n°128), p.9-18 2 MANNONI Octave, Clefs pour l’imaginaire ou l’Autre scène, Seuil, « Points Essais », 1969, 318 pages, p.6 3 Terme de Samuel Taylor COLERIDGE, dans le chapitre XIV de Biographia Literaria, Londres : Nigel Leask, 1817, 207 pages, [en ligne] : http://www.gutenberg.org/files/6081/6081-h/6081-h.htm (dernière consultation: 21.04.2016) 4 SUSCA Vincenzo, « Introduction. Héros, fiction et vie quotidienne dans les séries télévisuelles : un imaginaire extra- ordinaire », Sociétés 2015/2 (n° 128), p. 5-8. 5 BOUTET Marjolaine, « Soixante ans d’histoire des séries télévisées américaines », Revue de recherche en civilisation américaine, 2010/2, [en ligne] : http://rrca.revues.org/248 (dernière consultation: 20.04.2016) 6 Pour ne citer qu’eux, voir les travaux de Martin WINCKLER, Marjolaine BOUTET ou encore Brett MARTIN. 5 BEURDELEY Soline| Mémoire de master rechercher Médias, Langages et Sociétés | Juin 2016 aventures de son héros, des extraits de séries et de films, extraits faisant appel à la mémoire du téléspectateur, créant alors un récit commun de la télévision 7. Ce n’est donc pas tant par la complexification progressive des intrigues de séries télévisées, créant cet hybride « série-feuilleton », mélangeant des intrigues bouclées en un épisode et d’autres courant sur plusieurs, ni par la multiplication exponentielle du nombre de séries produites chaque année8, que par l’attachement émotionnel que procure aujourd’hui le visionnage d’une série télévisée, intégrant le quotidien des téléspectateurs durant plusieurs années, promettant un rendez-vous hebdomadaire à son fidèle croyant, que se constitue actuellement ce fameux troisième âge d’or. Au cœur de cette relation, National Broadcasting Company, ou NBC, fondé par David Sarnoff en 1926, représente aujourd’hui l’un des trois plus grands groupes de la télévision américaine9. Dès 1951, la chaîne s’aventure à réaliser sa première série, avec Dragnet, adaptation de l’émission de radio éponyme, et propose huit ans plus tard la première série western en couleur, Bonanza, avec un total de 430 épisodes, faisant de cette dernière la plus longue série western. Elle réitère en 1962 avec The Virginian, troisième série western la plus longue de tous les temps, rentre dans l’histoire en offrant pour la première fois un premier rôle à un acteur noir, Bill Cosby, dans sa série I Spy, réalise un coup de maître avec la mythique Star Trek en 1966, fait de Peter Falk son Columbo en 1971, diffuse la fameuse Petite maison dans la prairie trois ans plus tard, récidive en 1981 avec l’incontournable Hill Street Blues, enchaîne avec le Cosby Show en 1984, Seinfeld en 1989, Law & Order en 1990, Urgence et Friends en 1994, à la Maison blanche en 1999, Dr House en 2004, The Office en 2005 ou encore Parks and Recreation en 200910. 7 D’ailleurs, le générique montre notre héro grandir devant la télévision. 8 En 2015, 409 séries américaines sont produites, soit une augmentation de 484% depuis 2002. Source : JOUIN-CLAUDE Allyson, « Record du nombre de séries produites à la télé américaine » Le Figaro, 17.12.2015, [en ligne] : http://tvmag.lefigaro.fr/le-scan-tele/series/2015/12/17/28005-20151217ARTFIG00274-409-c-est-le-record-du-nombre-de- series-produites-cette-annee-a-la-tele-americaine.php (dernière consultation: 20.04.2016) 9NBC Universal, « Our History » : http://www.nbcuniversal.com/our-history (dernière consultation: 21.04.2016) 10IMDb: « Badge 714 » : http://www.imdb.com/title/tt0043194/, « Bonanza » : http://www.imdb.com/title/tt0052451/, « Le Virginien »: http://www.imdb.com/title/tt0055710/, « Les espions » : http://www.imdb.com/title/tt0058816/?ref_=nv_sr_2, « Star Trek » : http://www.imdb.com/title/tt0060028/?ref_=nv_sr_5, « Columbo » : http://www.imdb.com/title/tt1466074/?ref_=nv_sr_1, « La petite maison dans la prairie » : http://www.imdb.com/title/tt0071007/?ref_=fn_al_tt_1, « Capitaine Furillo » : http://www.imdb.com/title/tt0081873/?ref_=nv_sr_1, « Cosby Show » : http://www.imdb.com/title/tt0086687/?ref_=nv_sr_1 6 BEURDELEY Soline| Mémoire de master rechercher Médias, Langages et Sociétés | Juin 2016 Autant de séries télévisées qui fait d’NBC un incontournable du genre, avec plus de 230 séries en diffusion originale sur la chaîne depuis 1990 11, séries qui ont un rayonnement international : à titre d’exemple, la Petite maison dans la prairie est diffusée en France à partir de 1976 sur TF1, avant d’être rediffusée et Téva, ainsi que sur 6ter depuis 2013, soit quarante-ans après sa création (!).
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