IV DISCUSSION IV.1 Spectres chorologiques et écologiques Dans ce chapitre, nous envisagerons l’ensemble des espèces observées dans nos 37 relevés, y compris celles observées dans un relevé mais au-delà de l’effort d’échantillonnage (juste à côté du relevé). Il ne faut donc pas s’étonner des différences en termes de nombre d’espèces par communauté végétale par rapport aux chiffres présentés au chapitre III.3. Dans ce chapitre III.3, où nous envisagions spécifiquement les aspects de diversité, il était important de rester dans les limites d’un effort d’échantillonnage parfaitement connu et donc de ne considérer que les espèces observées strictement à l’intérieur des relevés. Or, ici, ce qui compte c’est de comparer des listes floristiques aussi complètes que possible, comme nous l’avions d’ailleurs fait pour la recherche des espèces indicatrices et l’identification des groupements végétaux. Le nombre total d’espèces et morpho-espèces envisagées est donc de 1050 (quelques espèces ont été revues depuis la rédaction des chapitres antérieurs (III.3.1), où nous avions mentionné 1052 espèces, et celui-ci). Pour rappel, bien que notre sujet d’étude soit clairement centré sur la Région de Monte Alén, nous discutons tout au long de ce travail les résultats issus des deux autres sites que nous avons étudiés en quelque sorte comme " out group ". Cela signifie que les particularités de ces régions, encadrant Monte Alén sur le gradient de continentalité, sont mises en avant afin de mieux faire ressortir les caractéristiques de notre région d’étude principale. IV.1.1 STATUT PHYTOGÉOGRAPHIQUE DU P.N. DE MONTE ALÉN ET DES 2 AUTRES SITES ÉTUDIÉS Quelles sont les différences d’affinités phytogéographiques entre les trois régions concernées par la présente étude ? Les spectres bruts et pondérés (cf. chapitre II.4) ont été calculés globalement pour les 37 relevés et pour les relevés des trois principales régions étudiées (Tab.40 ). La première remarque que l’on peut faire concerne le taux d’espèces guinéo- congolaises. Quelle que soit la région (toutes incluses dans le domaine bas-guinéen), le taux d’espèces de l’élément guinéo-congolais en général (en incluant les phytochories d’ordre inférieur: BG, BGA, etc.) est toujours très important et augmente à mesure qu’on se rapproche de l’océan, de 88% dans la Réserve de Biosphère du Dja à 92% pour le Parc National de Monte Alén et jusqu’à 95% pour la Réserve de Ndoté (et Monte Bata). La proportion d’espèces répertoriées en dehors de l’Afrique reste toujours assez faible. La R.B. du Dja se caractérise donc par un taux d’espèces guinéo-congolaises nettement moindre, compensé par un taux très nettement supérieur (12,4% contre moins de 8% pour les valeurs obtenues pour les régions atlantiques) d’espèces à large distribution, surtout des pluri- régionales (PRA, 8,2%). De plus, au sein des espèces guinéo-congolaises, le Dja se distingue par une forte proportion d’espèces typiques de la zone des forêts semi-décidues (GCp, 6%), ce qui traduit sa position clairement périphérique au sein de la région GC. Lors d’une étude similaire, menée sur des données de transects, nous avions obtenu des valeurs très nettement 19 inférieures pour la même région (SENTERRE & al. 2004). Selon nous cette différence n’est pas liée à la méthode d’inventaire mais plutôt à la méthode de détermination des types 203 19 Notons que dans cette étude, nous avions qualifié assez improprement les espèces de la région guinéo- congolaise périphérique (ici, GCp) « espèces de la zone de transition guinéo-congolaise/soudano-zambésienne », codifiées G-SZ. Nous avions exclu celles-ci des totaux d’espèces guinéo-congolaises et les avions rattachées aux espèces à large distribution, ce qui était une erreur. En effet, bien que ces espèces aient une distribution tout à fait particulière, relativement large (en longitude) et transgressive (en latitude) dans les forêts galeries de la région soudano-zambésienne et dans les unités cicatricielles des forêts sempervirentes, elles n’en restent pas moins typiquement des éléments guinéo-congolais (LEJOLY , comm.pers.). B. SENTERRE (2005) Discussion - IV.1 203 chorologiques pour les espèces incluses dans les analyses. En effet, nous avons expliqué au chapitre II.4.4 que lors de notre première étude nous avions procédé en reprenant les informations sur les types chorologiques publiées dans une série de travaux de type thèses, etc., ce qui est semble-t-il la démarche la plus répandue. Seules les espèces non reprises dans ces travaux de référence consultés et les espèces problématiques d’une manière ou d’une autre avaient fait l’objet de recherches plus poussées dans les flores et autres monographies. Cette fois, il était indispensable de mener des recherches plus approfondies pour chaque espèce individuellement car la réflexion que nous avons élaborée a modifié de manière relativement importante la façon de voir les choses: distinction de nouveaux types chorologiques (GLit), séparation des aspects zonaux et azonaux (cf. chapitre I.5.5), changement de statut pour le type afromontagnard (cf. chapitre II.4.3), etc. Nous avons donc entrepris une démarche lourde mais non moins passionnante, dont les grandes lignes sont décrites au chapitre I.5.5. Tout au long de nos recherches chorologiques, nous avons souvent eu l’occasion de constater des différences entre les informations trouvées dans la grande diversité de sources consultées et le type chorologique tel que nous l’avions déterminé dans notre précédente étude. Il peut s’agir de manque de précision: bien souvent une espèce typiquement BGA ou même BG était dite GC. D’ailleurs, les catégories inférieures aux domaines (BGA, BGALit, etc.), que nous étions les premiers à envisager, avaient été très largement sous-déterminées en raison d’une insuffisance des recherches bibliographiques. D’autre part, nous avons trouvé un certain nombre d’erreurs parfois incompréhensibles. Comme nous venons de le dire, il est clair que bien des chercheurs ont procédé comme nous en reprenant les informations synthétisées dans d’autres thèses antérieures (du moins tous ceux dont nous nous sommes nous-même inspirés), entraînant une propagation des erreurs. Enfin notons que dans certains cas, l’identification du type chorologique d’une espèce peut s’avérer quelque peu subjectif: l’un peut voir une espèce GCp à populations transgressives en forêts sempervirentes GC et en galeries foresières non GC comme étant une espèce PRA ou au contraire voir une espèce typiquement GC à populations transgressives en galeries forestières comme étant une GCp. Dans d’autres cas, c’est une vision différente des choses qui amène des divergences: par exemple, que faire d’une espèce comme Ongokea gore (Olacacée) qui est très largement distribuée dans le BG mais est aussi connu d’une localité en Côte d’Ivoire ? Là où d’autres auront vu une espèce guinéenne (G), nous y voyons plutôt une espèce bas-guinéenne (BG) à population satellite dans le domaine haut-guinéen (HG). En fait, il faut garder en mémoire que bien que la majorité des chercheurs aient suivi le système de WHITE (1979), rares sont ceux qui ont tenu compte des notions de transgression, de marginalité, etc., introduites par ce dernier, ce qui est à l’origine de bien des divergences de point de vue sur le statut chorologique de certaines espèces. Parmi les espèces GC présentes au Dja, on constate une plus forte proportion d’espèces à large répartition au sein de la région GC 20 (22,1% contre 16,9% à Monte Alén et 13,8% à Ndoté et Mt. Bata) et surtout une très faible proportion d’espèces du domaine bas-guinéen (deux fois moins d’espèces BG que dans les deux autres zones étudiées) auquel appartient le Dja. Il est aussi intéressant de faire remarquer que c’est le Dja qui montre la plus grande différence entre la proportion d’espèces guinéennes (G=BG+HG) et la proportion d’espèces centro-guinéennes (CG=BG+C), traduisant une affinité clairement plus congolaise que ouest- africaine. La proportion d’espèces propres au secteur phytogéographique dans lequel le Dja est inclus représente à peine 2% (BGC). Ce secteur se caractérise donc davantage par 204 20 Les espèces des forêts semi-décidues périphériques ne sont pas incluses dans les pourcentages présentés. Ces pourcentages correspondent aux espèces largement distribuées aussi bien en forêts semi-décidues que sempervirentes. B. SENTERRE (2005) Discussion - IV.1 204 l’absence, ou du moins la rareté, d’espèces atlantiques et littorales que par la présence d’espèces qui lui sont propres. Le Parc National de Monte Alén se situe à la " frontière " entre deux districts phytogéographiques, le BGALit et le BGAOr. Comparer le taux d’espèces appartenant à ces deux éléments sur base des données générales présentées au Tab.40 ne voudrait pas dire grand chose puisqu’il ne s’agirait que d’une moyenne entre plusieurs communautés très contrastées: littorales à l’ouest et orientales à l’est de la cordillère de Niefang. On peut toutefois faire remarquer que les espèces limitées à un district ne représentent qu’un faible pourcentage (7,4% BGALit+Or) par rapport aux espèces à large répartition au sein du secteur atlantique (21,6% BGA). Monte Alén se distingue des régions littorales telles que Ndoté par la faible proportion d’espèces typiquement littorales (BGALit et GLit) et se distingue de régions plus continentales telles que la R.B. du Dja par la faible proportion d’espèces à caractère continental (BGC) et surtout par la faible proportion d’espèces à large distribution en Afrique et d’espèces périphériques (GCp). Tab.40 Spectres bruts et pondérés des éléments chorologiques, calculés pour chacune des trois régions concernées par la présente étude.
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