Libermann Collection Spiritan Collection

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Duquesne University Duquesne Scholarship Collection François-Marie-Paul Libermann Collection Spiritan Collection 1985 Le Feu sur la Terre - Un Chemin de Saintete avec Francois Libermann Francois Libermann Alphonse Gilbert Follow this and additional works at: https://dsc.duq.edu/libermann-collection Recommended Citation Gilbert, A. (1985). Le Feu sur la Terre - Un Chemin de Saintete avec Francois Libermann Francois Libermann. Retrieved from https://dsc.duq.edu/libermann-collection/52 This Article is brought to you for free and open access by the Spiritan Collection at Duquesne Scholarship Collection. It has been accepted for inclusion in François-Marie-Paul Libermann Collection by an authorized administrator of Duquesne Scholarship Collection. Libermann : Le feu sur la terre (A. Gilbert - Ed. Fayard) I. JE SUIS LE SEIGNEUR TON DIEU (Ps. 81,11) 1. Écoute Israël, le Seigneur notre Dieu est l'unique Seigneur. (Dt. 6,4) Cinquième enfant du rabbin Lazarus Libermann, Jacob naît dans la maison contiguë à la synagogue que dessert son père. Il semble que ce soit à la suite d'une persécution de Juifs établis en Pologne qu'une colonie juive se soit dispersée à travers l'Alsace; quelques familles font souche à Saverne, et selon l'usage, s'installent près de la rivière, généreuse en poissons et favorable aux bains rituels. Jacob et ses frères ont joué près du pittoresque moulin à eau, que les habitants actuels évoquent encore avec nostalgie. A cette époque, le quartier juif constitue une petite communauté de quelque 250 israélites. Citoyens français à part entière depuis la Révolution Française, ils exercent des métiers que leur esprit industrieux rend lucratifs ou vivent d'expédients commerciaux. Les nouveaux décrets impériaux vont leur rendre la langue française et le service militaire obligatoires; ils vont aussi soumettre les rabbins aux pouvoirs publics, en vue de leur insertion sociale. C'est cette intégration que rejette l'austère rabbin de Saverne, qui voit ainsi menacées et la race et la foi juives. Déjà un vent de rationalisme souffle sur ses coreligionnaires émancipés de Strasbourg; il veut protéger sa famille et sa petite communauté de toute contamination: il refuse d'apprendre le français et de l'enseigner dans son école; ses enfants et son quartier seront ainsi hermétiquement clos à toute influence étrangère ! C'est un homme intègre et sincère, un "juste", qui laissera, dans son milieu juif et parmi les Savernois catholiques et protestants, un souvenir unanime de droiture et de charité. Le rabbin Libermann se sent mandaté par le Dieu de ses pères pour sauvegarder la foi chancelante de la communauté juive. Il souhaite transmettre à l'un de ses fils sa ferveur de prophète et son immense science biblique et talmudique. Jacob semble être, à cet effet, le fils privilégié ! C'est sur lui que vont reposer les espérances de son père ! Yekl -comme il appelle affectueusement Jacob - est un enfant timide et doux, nerveux, sensible, pieux, à l'intelligence précoce et à la mémoire vive. La langue de sa famille et de son quartier est exclusivement le yiddish, un dialecte juif alsacien: c'est la seule langue qu'il parlera, avec l'hébreu scolaire, jusqu'à l'âge de vingt ans ! Effrayé par la course au libéralisme ambiant de la jeune élite juive, le rabbin irascible éduque ses enfants et ceux de son école selon les principes rigoureux de la stricte observance judaïque, à l'abri de toutes les influences néfastes d'alentour et dans un profond mépris de tout ce qui est chrétien. On sait comment, un jour, fut terrorisé le petit Yekl lorsqu'il se trouva, à un détour de chemin, face à un prêtre catholique qui revenait du cimetière, revêtu du surplis : il courut se cacher dans une boutique ouverte, blotti sous le comptoir, tremblant de peur. A onze ans, il perd sa mère, la douce Léa; cet événement marque profondément sa délicate sensibilité. Peu à peu, Yekl maîtrise l'écriture et la lecture de l'hébreu et mémorise les cinq premiers livres de la bible. A treize ans et un jour, selon la tradition, il acquiert la majorité et participe à la vie de la synagogue. Il commence à étudier le Talmud, mélange éblouissant de culture, de loi et de sagesse hébraïques. Sous la direction compétente du rabbin, il y excelle à merveille Manifestement, il est destiné à devenir son successeur, et à perpétuer le renom familial ! Ce qui est notoire, par-dessus tout, c'est son extraordinaire piété d'adolescent. "Écoute, Israël, le Seigneur est ton Dieu. Tu n'auras pas d'autre Dieu que lui seul." (Dt. 6,4). La miséricorde et l'absolu de Dieu imbibent tout son être. Il est immergé dans la foi juive, l'ambiance du sacré et la familiarité de l'Éternel, avec l'assurance de la suprématie spirituelle de son peuple, un sens aigu de l'universel et un attachement profond à la communauté israélite. Cérémonies, prières et bénédictions scandent ses journées, surtout celle du sabbat, où sont évoquées l'espérance du Messie libérateur et la glorification de Jérusalem, destinée à devenir le centre religieux et social du monde entier. De plus, c'est un jeune homme au coeur d'or, qui lui attire l'amitié de tous, celle en particulier des nombreux indigents que la générosité du rabbin attire à sa maison, où ils sont et nourris et logés. On peut encore rêver à ce passé près du monument que ses compatriotes lui ont récemment érigé, à l'entrée d'une large rue moderne, dénommée rue de la Synagogue, qui fut la rue principale de ce quartier juif, et celle de la famille Libermann. 2. Des profondeurs je crie vers toi, Seigneur (Ps. 130) + "J'étais âgé d'environ 20 ans", dira-t-il plus tard. (N.D., I,60) "Mon père, qui était un rabbin distingué, se décida à m'envoyer à Metz afin que j'y achevasse mes études. En agissant ainsi, il se proposait bien moins de me faire acquérir une science que je pouvais tout aussi sûrement trouver auprès de lui, que de me donner une occasion de faire connaître mon savoir, mes talents et de me rendre recommandable parmi les rabbins qui viennent en grand nombre dans cette ville. Mon père me donna des lettres pour deux professeurs de l'École israélite, dont l'un avait été son élève, et l'autre son ami." Le premier "me reçut avec une hauteur et une morgue qui me blessèrent profondément et me firent, dès les premiers jours, renoncer à le voir"; le second, parce que "je me suis mis à étudier le français et même le latin, se montra à mon égard plein de dureté et de préventions; il me rudoyait sans cesse, et n'avait jamais à m'adresser que des paroles assaisonnées de mauvaise humeur. Là commence à se rendre sensible pour moi l'action de la Providence. Dieu, qui voulait me tirer de l'erreur dans laquelle j'étais plongé, y disposa mon coeur, en me faisant éprouver des ennuis et des rebuts auxquels j'étais + loin de m'attendre." (N.D., I,61) Au même moment, il fait la connaissance d'un jeune homme catholique de Metz, Jean Titescher, qui se liera d'amitié avec lui et l'initiera au français, latin et grec. Le doute commence à s'emparer de lui... Comment Dieu a-t-il pu choisir un seul peuple de la terre, faire pour lui tant de miracles - et laisser croupir tous les autres dans l'ignorance ? Pourquoi n'y a-t-il plus de prophètes aujourd'hui ? ... Quant aux arguties talmudiques de ses maîtres, elles ne provoquent en lui que répulsion souveraine, qu'aggravent encore les lettres de dénonciation qu'ils envoient sournoisement à son père à son sujet. Enfin la conversion de son frère Samson, en qui il a grande confiance, ajoute à son désarroi. + Mon frère aîné venait de passer au christianisme. J'attribuais d'abord sa démarche à des motifs naturels. Je pensais qu'il était où j'en étais moi-même, relativement au judaïsme; mais je le blâmais d'avoir, par son abjuration, donné du chagrin à mes parents. Néanmoins, je ne me brouillai pas avec lui. Nous liâmes même, en ce temps, une correspondance. Je la commençais par une lettre dans laquelle je lui faisais quelques reproches sur sa démarche et je lui exposais mes pensées sur les miracles de la Bible. Je lui disais entre autres choses que la conduite de Dieu serait inexplicable si les miracles de Dieu étaient vrais; qu'on ne comprendrait pas que Dieu en eût tant opéré pour nos pères idolâtres et prévaricateurs, tandis qu'il n'en faisait plus pour leurs enfants qui le servaient depuis si longtemps avec une si parfaite fidélité. Je concluais à rejeter ces anciens miracles comme une invention de l'imagination et de la crédulité + de nos pères. (N.D., I,62) D'une "profonde tristesse", il en vient à "l'indifférence religieuse", puis à "une absence complète de foi" ... "Je ne crois plus à la Bible", écrit-il à Samson. + Un de mes condisciples me montra, en ce temps, un livre hébraïque non ponctué, qu'il ne pouvait pas lire, parce qu'il débutait dans l'étude de l'hébreu. Je le parcourus rapidement. C'était l'Évangile traduit en hébreu. Je fus frappé par cette lecture. Cependant, là encore, les miracles si nombreux qu'opérait Jésus-Christ me rebutèrent. Je me mis à lire l'Émile de Rousseau. Qui croirait que cet ouvrage, si propre à ébranler la foi d'un croyant, fut un des moyens dont Dieu se servit pour m'amener à la vraie religion ? C'est dans la Profession de foi du vicaire savoyard que se trouve le passage qui me frappa: "Si la vie et la mort de Socrate sont d'un sage, la vie et la mort de Jésus sont d'un Dieu ...

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