Avril 2017 | N° 22 Dossier ARt nouVeAu Varia LA propriété Le FéBuRe Remigio CAntAgallinA Bruxelles Patrimoines Bruxelles 22 N° | 2017 Avril u A nouve Art Dossier Le Fébure Le propriété A L Varia A in all g A nt A C emigio r la ProteCtion Du Patrimoine art nouVeau à dossier Bruxelles Histoire D’une Prise De conscience culturelle muriel MURET Historienne de l’Art, DirectIoN des moNumentS Et SItes Démontage des ferronneries de la façade de la maison personnelle de victor horta (actuel musée horta), rue américaine 23-25 à Saint-gilles, vers 1980 (m. Celis © SPRB). EN 1971, FRANCO BORSI ET HANS WIESER PUBLIAIENT LE LIVRE DE RÉFÉRENCE BRUXELLES, CAPITALE DE L’ART NOUVEAU, AU SORTIR D’UNE LONGUE ÉPOQUE D’IGNORANCE ET DE DESTRUCTION DE CE TRÉSOR DE L’IDENTITÉ BRUXELLOISE. La même année marque aussi le début d’une véritable politique de protection continue de l’Art nouveau qui est toujours en cours. 45 ans plus tard, la ville-région s’est remarquablement positionnée comme capitale culturelle et touristique de ce style fulgurant, exalté puis méprisé, qui fascine à nouveau le grand public. les premières protections portent sur les œuvres de victor Horta, grâce à l’acharnement de l’archi- tecte jean Delhaye, élève et admi- rateur inconditionnel du maître. il fut, dès après la disparition de celui-ci, ce que l’on nommerait aujourd’hui un lobbyiste, voué à la protection de l’œuvre de ce dernier. il connut des échecs1, mais par- vint, en 1963, à convaincre la com- mune de saint-gilles d’acquérir et de faire classer la maison-atelier qui allait devenir le musée Horta (p. 12). cela n’allait pas de soi : en 1947, la commission royale des F ig . 1 monuments et des sites (CRMS) hôtel aubecq, anciennement avenue louise 520 à Bruxelles, démoli en 1950 (© KIK-IRPa, n’avait pas fait obstacle à la démo- Bruxelles). lition de l’hôtel aubecq, œuvre de victor Horta, au motif qu’elle des œuvres d’architecture, même Avant la régionalisation était trop récente pour justifier un contemporaine. De toute manière, classement (fig. 1). quatorze ans si l’on devait entamer l’examen des Premier classement d’un bien du plus tard, la même CRMS propo- œuvres du XIXe siècle qui méritent XIXe siècle, premier classement °022 - avril 2017 sait donc au ministre compétent d’être classées, il est incontestable d’un bâtiment de Horta, la victoire le classement de la maison per- que l’œuvre entière de victor Horta de 1963 ne signait pas la fin des N sonnelle et de l’atelier de Horta, devrait y occuper la première malheurs de l’art nouveau bruxel- sis rue américaine 23-25. le cour- place (…) »2. si aujourd’hui l’on lois. ainsi deux ans plus tard, on rier de l’administration préci- n’hésite plus à proposer au classe- démolissait la fameuse maison du sait que « …jusqu’à présent aucun ment des œuvres contemporaines, Peuple, œuvre majeure de Horta, immeuble du XIXe siècle n’a encore par contre le classement de l’inté- qui est devenue ainsi martyr et été classé, bien qu’aucune dispo- gralité du travail de Horta n’est pas emblème d’un certain saccage du sition légale n’empêche de classer acquis, voire fait débat. patrimoine de la capitale. Bruxelles Patrimoine 013 la protectIoN Du Patrimoine Art NouvEau à BRuxElles plus propices à la protection de ce patrimoine grâce à l’influence des communautés culturelles, qui ont ouvert une prise en considération plus grande du patrimoine culturel bruxellois. ce mouvement s’est accentué avec la deuxième réforme de l’État qui accorda plus de pouvoir aux communautés française et fla- mande pour cogérer les matières culturelles à bruxelles. De 1981 à 1988, le nombre de classements augmente. ils portent désormais sur les œuvres d’autres architectes que Horta. ainsi par exemple, le bloemenwerf, maison personnelle de l’architecte Henry van de velde, est classé en 19837. Désormais sont aussi classés des biens du début du XXe siècle – époque où l’art nouveau F ig . 2 quitte son statut d’avant-garde pour Intérieur de l’hôtel hannon, avenue de la Jonction 1 à Saint-gilles. visite de la se populariser, avec les architectes Commission royale des monuments et des Sites vers 1980 (m. Celis © SPRB). dits de la « deuxième génération » art nouveau8, élèves de Hankar et Horta. à cette époque débute jean Delhaye, qui avait lui-même immeuble d’appartements. cette la protection de l’œuvre abon- acquis plusieurs maisons de victor menace provoqua la mobilisation, dante de ernest blérot, gustave Horta dont il obtint le classement, en 1971, des archives d’architec- strauven ou Paul Hamesse. les ne menait plus seul le combat. ture moderne (AAM)4, de l’atelier années 1980 voient aussi le clas- son action et celle d’associations de recherche et d’action urbaines sement d’œuvres d’architectes de défense du patrimoine provo- (ARAU) et du musée Horta, tant et si éclectiques du XIXe siècle qui se qua, dans les années 1970, une bien que la CRMS proposa le clas- sont aussi exprimés dans l’art nou- série de protections de l’art nou- sement qui fut approuvé en 19755. veau comme par exemple jules veau bruxellois, avec les œuvres de jacques van ysendyck ou octave Horta principalement3, mais aussi ces hauts-faits de la résurrection van rysselberghe. progressivement quelques œuvres de l’art nouveau participent natu- iconiques de l’art nouveau telles rellement d’une prise de conscience en 1988, un fameux arrêté royal que la maison personnelle de l’ar- plus lente et profonde, portée, dès préalable à la régionalisation, dit chitecte Paul Hankar, le palais les années 19506, par les premières « arrêté tobback », prend 46 déci- stoclet de josef Hoffman, l’hôtel publications de chercheurs – l’in- sions de classement définitif de Hannon de jules brunfaut (fig. 2) térêt pour le style 1900 se por- 70 biens, parmi lesquels de nom- – menacé de destruction et sauvé tant d’abord sur le mobilier – et, breux bâtiments art nouveau. si par l’achat par la commune de dans les années 1960, des expo- l’on considère la période s’étendant saint-gilles – ou encore la maison sitions. en 1975 fut publié l’inven- de 1971 à la création de la région cauchie. le sauvetage de cette der- taire d’urgence du Sint-Lukasarchief, de bruxelles-capitale en 1989, on nière illustre bien la manière dont un travail qui mettra en évidence constate qu’elle débuta avec une la protection intervenait à l’époque. le patrimoine XIXe de la région, vision de classement systématique située rue des francs, la maison avec un accent tout particulier sur de l’œuvre de Horta sous l’impul- de Paul cauchie, avec sa fameuse des centaines de biens art nou- sion de jean Delhaye, puis la pro- façade-affiche, était promise à la veau, fussent-ils plus modestes. tection s’élabora plutôt en réponse démolition pour faire place à un les années 1970 ont été également à des opportunités, concernant 014 F ig . 3 Intérieur du Old England, occupé par un magasin de tapis, rue montagne de la Cour 2 à Bruxelles (m. Celis, 1984 © SPRB). d’autres architectes, au gré des conservation du patrimoine immo- ce qui est de l’art nouveau, notons demandes de propriétaires ou des bilier définit de nouvelles notions que plus des trois-quarts des pro- menaces de démolition. telles que celle d’ensemble patrimo- cédures de protection sont posté- nial. elle vise des biens dont l’intérêt rieures à 1989. l’on perçoit bien que est régional et non plus seulement les bruxellois ont pris le destin de l’aCtion De la région national, de sorte que des bâtiments leur patrimoine en mains, et qu’ils d’envergure plus locale peuvent être sont marqués par les destructions à ses débuts en 1989, la nouvelle protégés. la législation bruxelloise du passé qui ont valu à la capitale région de bruxelles-capitale, est plus ouverte, plus participative. une réputation peu enviable. désormais compétente pour la pro- elle permet aux propriétaires et tection du patrimoine, mène à bien aux associations de demander eux- à présent, l’art nouveau est consi- d’anciennes propositions et pro- mêmes le classement. Des associa- déré comme un atout culturel, por- cédures de classement de biens tions se créent, comme l’association teur de l’identité bruxelloise. il sert art nouveau restées en souf- Pétitions-Patrimoine qui fut à l’ori- sa renommée internationale, contri- france, et elle agit encore selon gine, entre autres, du classement bue à la valorisation touristique de la la loi nationale de 1931 dont l’ap- d’une l’école art nouveau d’Henri région. le fameux titre de l’ouvrage plication a été régionalisée. Par jacobs. comme le Sint-Lukasarchief, de borsi et Wieser, Bruxelles, Capitale exemple fut classé en 1989 l’an- cette association a milité activement de l’Art nouveau, prend soudain un °022 - avril 2017 cien magasin Old England de l’ar - pour une protection maximale de autre sens, une autre valeur, servant chitecte Paul saintenoy (fig. 3), qui tous les témoignages de l’art nou- le concept très moderne de marke- N abrite aujourd’hui le musée des veau bruxellois. ting urbain. Plus profondément, les instruments de musique. bruxellois vont s’approprier cet élé- armé de ce nouvel outil, le ment culturel dont ils peuvent être bientôt, la région se dote de son gouvernement bruxellois multiplie fiers. ils se ruent aux journées du propre instrument législatif en rem- et systématise la protection par le Patrimoine, participent aux nom- placement de la loi de 1931 : l’ordon- biais de véritables campagnes thé- breuses visites guidées proposées nance du 4 mars 1993 relative à la matiques ou chronologiques.
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