
N° 572 SÉNAT SESSION ORDINAIRE DE 2016-2017 Enregistré à la Présidence du Sénat le 6 juin 2017 RAPPORT D´INFORMATION FAIT au nom de la commission des affaires européennes (1) sur les relations entre l’ Union européenne et la Russie , Par MM. Yves POZZO di BORGO et Simon SUTOUR, Sénateurs (1) Cette commission est composée de : M. Jean Bizet, président ; MM. Michel Billout, Michel Delebarre, Jean-Paul Émorine, André Gattolin, Mme Fabienne Keller, MM Yves Pozzo di Borgo, André Reichardt, Jean-Claude Requier, Simon Sutour, Richard Yung, vice-présidents ; Mme Colette Mélot, M Louis Nègre, Mme Patricia Schillinger, secrétaires , MM. Pascal Allizard, Éric Bocquet, Philippe Bonnecarrère, Gérard César, René Danesi, Mme Nicole Duranton, M. Christophe-André Frassa, Mmes Joëlle Garriaud-Maylam, Pascale Gruny, M. Claude Haut, Mmes Sophie Joissains, Gisèle Jourda, MM. Claude Kern, Jean-Yves Leconte, François Marc, Didier Marie, Robert Navarro, Georges Patient, Michel Raison, Daniel Raoul, Alain Richard et Alain Vasselle. - 3 - S O M M A I R E Pages AVANT-PROPOS .................................................................................................................... 5 I. LA LENTE ÉROSION DU PARTENARIAT STRATÉGIQUE .......................................... 7 A. LA SUSPENSION DES CANAUX INSTITUTIONNELS DE DIALOGUE ........................ 7 B. LA CRISE UKRAINIENNE A RÉVÉLÉ DES MALENTENDUS ANCIENS ...................... 8 C. L’ÉLARGISSEMENT DE L’OTAN VU DE RUSSIE : DE L’ACCEPTATION INITIALE À LA CONTESTATION ..................................................................................... 10 II. UNE FORTE INTERDÉPENDANCE ÉCONOMIQUE ET COMMERCIALE UNIT L’UNION EUROPÉENNE ET LA RUSSIE ....................................................................... 13 A. DES RELATIONS COMMERCIALES PRIVILÉGIÉES… ................................................. 13 B. … DONT L’ÉNERGIE EST UN ÉLÉMENT STRATÉGIQUE .............................................. 16 III. LA CRISE EN UKRAINE : DES SANCTIONS POUR FAIRE APPLIQUER LES ACCORDS DE MINSK ...................................................................................................... 17 A. LA GENÈSE D’UNE CRISE ................................................................................................. 17 B. LES MESURES RESTRICTIVES DÉCIDÉES PAR L’UNION EUROPÉENNE ................... 19 C. L’ENJEU DES SANCTIONS : METTRE EN ŒUVRE LES ACCORDS DE MINSK SUR L’UKRAINE ................................................................................................................. 21 D. L’IMPACT ÉCONOMIQUE DES SANCTIONS SUR LA RUSSIE DIFFICILE À ÉVALUER ............................................................................................................................. 24 E. L’EFFET GLOBALEMENT CONTENU DES CONTRE-SANCTIONS COMMERCIALES RUSSES SUR L’UNION EUROPÉENNE ............................................ 25 IV. UNE NOUVELLE DONNE POUR LE DIALOGUE AVEC LA RUSSIE : LES CINQ PRINCIPES POSÉS PAR L’UNION, LE RÔLE SPÉCIFIQUE DÉVOLU À LA FRANCE ET À L’ALLEMAGNE .................................................................................. 27 A. LA FRANCE ET L’ALLEMAGNE, MÉDIATEURS DU DIALOGUE SUR L’UKRAINE .......................................................................................................................... 27 B. LES CINQ PRINCIPES QUI FONDENT LA COOPÉRATION ENTRE L’UNION ET LA RUSSIE ........................................................................................................................... 27 - 4 - LES RELATIONS UNION EUROPÉENNE -RUSSIE V. LES VOIES POSSIBLES D’UNE COOPÉRATION DE CONFIANCE À RESTAURER ....................................................................................................................... 33 A. PRÉFÉRER LA PROGRESSIVITÉ À LA LOGIQUE DU « TOUT OU RIEN » ................... 33 B. INTENSIFIER LES RELATIONS TECHNIQUES ENTRE L’UNION EUROPÉENNE ET L’UNION ÉCONOMIQUE EURASIATIQUE ............................................................... 34 C. PRÉPARER UNE REPRISE DU DIALOGUE SUR UN RÉGIME D’EXEMPTION DE VISAS DE COURT SÉJOUR ................................................................................................. 35 CONCLUSION ......................................................................................................................... 37 EXAMEN EN COMMISSION ................................................................................................. 39 ANNEXE 1 : ENTRETIENS DE LA DÉLÉGATION .............................................................. 47 ANNEXE 2 : RÉSOLUTION EUROPÉENNE RELATIVE AU RÉGIME DE SANCTIONS DE L’UNION EUROPÉENNE À L’ENCONTRE DE LA FÉDÉRATION DE RUSSIE ..................................................................................................... 49 AVANT -PROPOS - 5 - AVANT-PROPOS Du 19 au 23 mars dernier, vos deux rapporteurs, au nom de la commission des affaires européennes, se sont rendus à Moscou pour une série d’entretiens avec notamment des responsables russes, les représentants de l’Union européenne et des États-Unis dans la Fédération de Russie 1. Ce déplacement avait pour objectif d’évaluer l’impact de la crise ukrainienne et des sanctions et contre-sanctions, mises en œuvre de part et d’autre depuis 2014, sur les relations politiques et économiques entre l’Union européenne et la Fédération. La relation de l’Union européenne avec la Russie a longtemps été placée sous le signe du partenariat stratégique après l’accord conclu en 1997 entre les deux parties. Un mécanisme sophistiqué de dialogue et de coopération, couvrant de très nombreux sujets d’intérêt commun, avait alors été mis en œuvre ; il est aujourd’hui, pour l’essentiel, suspendu. Indépendamment de la nature des liens bilatéraux que chaque État membre entretient avec la Russie, l’Union européenne est devenue un interlocuteur spécifique de son important voisin, avec lequel elle partage de nombreux intérêts et dont l’interdépendance économique et commerciale est bien ancrée. Vos deux rapporteurs ont en plusieurs occasions depuis 2007 travaillé sur la relation UE-Russie, au nom de la commission des affaires européennes ou de celle de la commission des affaires étrangères 2. Aujourd’hui, les décisions unilatérales de la Russie, qui constituent autant de manquements graves au droit international – comme l’annexion de la Crimée ou l’implication, plus ou moins directe, de la Russie dans les combats à l’Est de l’Ukraine ont entraîné, de la part de la communauté internationale, des réactions fortes. 1 Voir en annexe le programme des entretiens. 2 « Union européenne/Russie : les sanctions et après ? » - Rapport d’information n° 486 (2014-2015) – 4 juin 2015 - de MM. Yves Pozzo di Borgo et Simon Sutour, fait au nom de la commission des affaires européennes. « L’Union européenne et la Russie après Vilnius » - Rapport d’information n° 237 (2013-2014) – 17 décembre 2013 - de MM. Simon Sutour et Jean Bizet, fait au nom de la commission des affaires européennes. « Pour un partenariat stratégique spécifique entre l’Union européenne et la Russie » - Rapport d’information n° 664 (2010-2011) – 22 juin 2011 - de M. Yves Pozzo di Borgo, fait au nom de la commission des affaires européennes et de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. « Union européenne – Russie : quelles relations ? » - Rapport d’information n° 307 (2006-2007) – 10 mai 2007 - de M. Yves Pozzo di Borgo, fait au nom de la délégation pour l’Union européenne. - 6 - LES RELATIONS UNION EUROPÉENNE -RUSSIE Vos rapporteurs ont souhaité évaluer l’impact économique réciproque des sanctions et contre-sanctions décidées au cours de l’année 2014 et prorogées régulièrement depuis lors, la dernière reconduction européenne valant jusqu’en juillet ou décembre 2017. Sans méconnaître l’influence déstabilisatrice des récentes décisions russes dans une zone géographique sensible, tant pour la Fédération que pour l’Union, ils ont aussi tenté d’analyser les causes d’une tension chronique, mais longtemps contenue, entre la Russie et l’Union européenne, et dont les origines remontent avant le déclenchement de la crise ukrainienne. Le 8 juin 2016, sur proposition de vos deux rapporteurs, le Sénat a largement adopté 1 une proposition de résolution européenne « relative au régime de sanctions de l’Union européenne à l’encontre de la Fédération de Russie »2. Elle recommandait une levée graduée des sanctions, en échange de l’application progressive des dispositifs des accords de Minsk. Par ailleurs, elle préconisait une levée des sanctions individuelles visant les parlementaires. Enfin plus généralement et, dans un contexte de paralysie de la mise en œuvre des accords de Minsk, ils s’interrogent sur les possibilités d’une reprise d’un dialogue de confiance entre l’Union et la Russie. Un tel dialogue, sur la base de propositions réciproques, permettrait de débloquer progressivement une situation de guerre, certes localisée, mais dont le bilan de quelque 10 000 morts doit conduire à mobiliser avec audace toutes les initiatives possibles. 1 Par 301 voix contre 16. 2 Voir en annexe le texte de la résolution du Sénat. - 7 - I. LA LENTE ÉROSION DU PARTENARIAT STRATÉGIQUE A. LA SUSPENSION DES CANAUX INSTITUTIONNELS DE DIALOGUE La crise ouverte par l’annexion de la Crimée et le conflit dans l’Est de l’Ukraine a conduit à la suspension de la plupart des canaux de dialogue entre l’Union européenne et la Russie. Or, ces structures étaient les plus fournies au regard des instruments dont dispose l’Union européenne avec d’autres acteurs
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