L'école À Flaxlanden. Ou L'enseignement Dans Un Village Du Sundgau

L'école À Flaxlanden. Ou L'enseignement Dans Un Village Du Sundgau

L'Enseignement dans un village du Sundgau L'ECOLE A FLAXLANDEN Marc GLOTZ Le mot du maire Le ou du maire, avec lesquels il formait la fameuse trilogie dirigeant du village. En fouillant les archives et en recueillant une multitude de témoignages, Marc Glotz a su, de main de maître ( d'école), retracer l'histoire des enseignants qui se sont succédés pendant 377 ans à Flaxlanden. Cet ouvrage est le reflet du passé de notre commune et un magnifique album de famille que chaque habitant de Flaxlanden feuillettera avec plaisir et émotion. En le refermant, vous aurez comme moi la conviction «qu'un village qui n'a plus d'école est un village qui meurt ». Gilbert VALENTIN Ancien Directeur d'Ecole et Maire de Flaxlanden Préface Voici une bien intéressante étude à laquelle s'est livré notre ami Marc Glotz, membre du comité de la Société d'Histoire Sundgauvienne. Avec la conscience qui le caractérise, il a fouillé les archives les plus diverses pour nous donner le maximum de renseignements relatifs à l'école élémentaire de Flaxlanden. Il y a pris la succession de nombreux enseignants qui ont connu les vicissitudes inhérentes aux époques où ils ont dû disttribuer le savoir à leurs jeunes élèves, voire à d'autres déjà d'âge mûr. Remontant dans le temps, il nous conduit du début du XVIIème siècle à nos jours, à travers les périodes de guerre et de paix que connut l'Alsace. Un événement important fut l'arrivée à Flaxlanden, de la pre- mière soeur religieuse, chargée de l'enseignement des filles et appartenant à l'ordre des soeurs de la Divine Providence de Ribeauvillé. On ne rendra jamais assez hommage au travail de ces religieuses dans nos villages sundgauviens, jusqu'à la période récente où, par suite de la diminution des vocations, elles ne furent plus remplacées. Pendant 113 ans, elles exercèrent leur ministère et prodiguèrent leur dévouement à Flaxlanden. Cet ouvrage m'incite à rappeler quelques souvenirs de, ce que j'ai vécu à Hirtzbach après la guerre de 14-18. J'avais commencé mes études en Allemagne, où ma famille était évacuée depuis fin décembre 1915. A mon retour à Hirtzbach, mes parents m'envoyèrent à l'école primaire pour apprendre le français, que nous parlions évidemment, mais que je ne savais pas lire. Le maître, Aloïs Emberger, de formation germanique, éprouvait passablement de difficultés à nous enseigner ce que lui-même ne savait pas très bien ! Son langage,. fortement marqué par notre accent alsacien, était émaillé d'expressions cocasses, qui prètent aujourd'hui à sourire, mais qu'évidemment nous ne pouvions apprécier à l'époque, n'étant pas encore de vrais bilingues. C'est ainsi qu'il voulut une fois nous marquer la différence de prononciation entre « chez, j'ai, geai, jet, chai ». Cela donnait toujours la même chose: «chai, chai, chai »... on n'y comprenait rien. Un jour il nous dicta «les Drvoits de l'Homme et du Citvoyen ». Ayant une prédilection pour interroger un certain Auguste, il lui demanda « Citvoyen, qu'est-ce que c'est ? » « — M'sieur, c'est comme dans la chanson auss armes citvoyens. — Très bien ! Asseyez-vous ! » En fait, ce texte sur les droits de l'homme fut dicté dans un tel sabir, que ma mère dut m'en corriger toutes les erreurs. Je n'y compris d'ailleurs pas davantage. Selon la tradition, la classe débutait le matin par la prière, suivie des différents exercices. Lorsque nous commencions à nous endormir, le maître nous faisait lever et rasseoir une dizaine de fois pour nous réveiller. C'était une méthode très en usage en Allemagne. Les élèves turbulants étaient envoyés « dans le cvoin » ou recevaient quelques coups de baguette sur la paume des mains. Nous n'allions certes pas nous plaindre chez nos parents, car nous n'aurions pas évité un supplément. Après la courte pause passée à jouer aux billes ou à chahuter, un certain nombre d'élèves demandaient l'autorisation de quitter l'école pour apporter le casse-croûte à leur père, employé à l'usine Lang à Hirsingue. Pendant la récréation, les élèves qui appartenaient à la chorale de l'église étaient sensés répéter des chants. En fait, ils se dissipaient, mais quand ils entendaient que Monsieur Emberger allait entrer dans la classe, vite, ils entonnaient « gloria patri et folio...», encouragés par un «Très bien, continuez!» du maître. Celui-ci tenait l'orgue de l'église en semaine et le dimanche, tout en nasillant les motets. Il exerçait aussi les fonctions de secrétaire de mairie, C'est pourquoi mon père, qui était maire, essayait de l'aider à perfectionner son français, mais ce brave homme avait une nette préférence pour le dialecte. De temps en temps, le maire faisait une visite impromtue à la classe. Tous les élèves se levaient, moi y compris, et d'une seule voix saluaient le premier magistrat de la commune par un «bonjour M'sieur le Maire». Tous les élèves arrivaient en sabot à l'école, et les déposaient dans le couloir pour rester en chaussons. Dans mes débuts, j'avais des souliers. Voulant absolument ne pas me différencier de mes camarades, j'ai harcelé mes parents jusqu'à ce qu'ils me donnent aussi des sabots. Le curé du village, l'abbé Dietrich, nous enseignait le catéchisme dans l'école des filles. C'était un érudit qui savait l'hébreu. Ses leçons se faisaient en allemand, et la bible que nous avions était écrite en gothique. Il y avait parfois du chahut dans ses cours et je me souviens d'un certain Beck, dit « Meckek», qui s'était particulièrement distingué par son insubordination. Un jour, le curé, à bout de patience, l'empoigna, le coucha à plat ventre sur le banc devant moi et lui administra une bonne fessée avec un bâton, ce qui souleva un nuage de poussière dont je me souviendrai toujours ! Ma présence à l'école de Hirtzbach ne dura en fait que quelques mois. A la Saint Blaise, j'allai avec mes parents me faire bénir le cou. Voici que quelques jours plus tard, j'eus mal à la gorge et n'osai rien dire à ma mère, qui aurait pu me soupçonner de vouloir manquer la classe. Mais mon mal ne fit qu'empirer et je dus avouer à Valérie, une des filles de notre garde-chasse Xavier Froesch, qui s'occupait de mois que je souffrais réellement. Elle en informa ma mère, qui fit venir le Docteur Meyer, de Hirsingue. Il considéra mon état très grave, mais réussit à me tirer d'affaire, un vrai miracle ! Pendant ma maladie, Monseigneur Ruch, évêque de Strasbourg, en tournée de confirmation, me rendit visite et je reçus sa bénédiction dans un demi-brouillard. Je ne devais plus retourner à l'école après ma guérison, et mes parents me confièrent à des préceptrices, avant de m'envoyer au collège. A Hirtzbach exerçaient également plusieurs religieuses de Ribeauvillé, qui obtenaient de bons résultats jusqu'à leur départ définitif après la première guerre. La « soeur-chef» Adelwina faisait la police à l'église et on la voyait souvent pointer son index en direction des garçons, où se manifestaient quelques trublions. Elle était secondée en cela par notre suisse d'église, Jean Kaufmann, dit Kiefferhantz, qui exerçait aussi les fonctions d'appariteur de la commune. Pour calmer les jeunes excités, il distribuait de temps en temps des «becker » sur le crâne des plus insupportables. Quand je revenais du collège pour les vacances de Pâques, au début de la semaine sainte, ce n'était pas très réjouissant. Comme à cette époque on respectait rigoureusement les prescriptions de l'Eglise, à savoir le jeûne, je n'avais pas l'occasion de remplir mon estomac, rétréci par la nourriture du collège ! Il fallait aussi être assidu aux offices, en particulier à celui des ténèbres en fin de journée. Les gamins arrivaient munis de crécelles. Quand la dernière bougie du luminaire, représentant le Christ, était portée derrière l'autel, c'était le déferlement d'un chahut monstre. Toutes les crécelles se mettaient en mouvement. Ceux qui n'en avaient pas tapaient des pieds sur le plancher, engendrant un barouf à faire trembler les murs. Tels sont les quelques souvenirs que je voulais évoquer, car ils vont bien dans le droit fil de ce qui se passait dans les autres écoles et paroisses rurales du Sundgau. Avec le mémoire de Marc Glotz, je souhaite aux lecteurs un agréable moment d'évasion dans le passé de notre jeunesse. Maurice de Reinach Hirtzbach Président de la Société d'Histoire Sundgauvienne Introduction En mai dernier, un ancien élève de Flaxlanden retrouvait après cinquante ans son école et me prêtait deux photos de classe. Le regard de ces enfants posé sur l'objectif d'un vieil appareil à soufflet m'invitait bientôt à rechercher d'autres photos et à mettre des noms sur les visages. Les habitants de Flaxlanden ont ensuite joué le jeu avec simplicité et enthousiasme, et les voilà soudain rajeunis, pratiquement tous réunis dans la seconde partie de cet ouvrage. Au fil des jours les témoignages se sont multipliés, évoquant des maîtres et des maîtresses sévères mais efficaces devant des classes souvent bondées. A la crainte qu'ils inspiraient alors, a succédé une sorte d'admiration mêlée de nostalgie. Les documents d'archives m'ont permis de plonger dans le temps, quand la photo n'existait pas encore, jusqu'à ce premier maître d'école mentionné en 1612. A l'histoire des hommes s'est ajoutée celle des pierres, celle du bâtiment scolaire de Flaxlanden, transformé il y a tout juste cent ans, à l'époque où une vie rude forgeait des liens solides entre les habitants des campagnes.

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