Le Toponyme Latara/Lattara

Le Toponyme Latara/Lattara

LATTARA 1 — 1988 Le toponyme Latara/Lattara par Guy Barruol Dans le cadre des recherches Rhône— les indications suivantes (II, 80): toponymie (fig.1). Les étangs des Volques entreprises à Lattes depuis quelques Ultra sunt stagna Volcarum, Ledum correspondent au minimum aux étangs années —dont une partie des résultats flumen, castellum Latara, Mesua collis de Mauguio, de Pérols et du Méjean, mais sera consignée dans la présente série de incinctus mari paene undique, ac nisi sans doute aussi, si l'on prend en compte publications— il est apparu nécessaire de quod angusto aggere continenti l'appellation moderne de Méjean (= du faire le point sur le nom même de adnectitur insula. Tum ex Cebennis milieu), aux étangs de l'Arnel, de Vic et l'antique cité —Latara— en partant des demissus Arauris juxta Agatha, d'Ingril, tous ces plans d'eau n'étant pas sources antiques et médiévales. secundum Beterras Orbis fluit. alors cloisonnés comme ils le sont "Au-delà [des bouches du Rhône] sont aujourd'hui. Les stagna Volcarum 1. Le toponyme Lattes dans les les étangs des Volques, le fleuve Ledus auraient donc été au minimum cette sources antiques (le Lez), le castellum de Latara (Lattes), véritable "mer intérieure" qui, à l'abri du la colline de Mesua (Mèze), entourée cordon littoral, déjà constitué en grande 1.1. Les sources littéraires presque de tous côtés par la mer et qui partie (Etangs 1986: Ambert, 19-20), serait une île si elle n'était reliée au s'étendait de l'embouchure du Vidourle à Trois auteurs de l'Antiquité citent continent par un étroit cordon. Puis l'est à l'extrémité méridionale du massif l'agglomération ou l'étang de Lattes: l'Arauris (l'Hérault), descendu des de la Gardiole à l'ouest. Si l'on admet Cévennes, coule tout près d'Agatha avec Strabon (IV, 1, 12) que les Volcae 1.1.1. Pomponius Méla, dans son (Agde) et l'Orbis (l'Orb) le long de Arecomici ont occupé tout le Languedoc traité De Chorographia, consacré essen- Beterrae (Béziers)". méditerranéen du Rhône aux Corbières tiellement à la description des côtes et La description du géographe espagnol (Barruol 1973, 54, note 20), on pourrait des pays riverains de la Méditerranée, —qui a pu connaître le littoral de la même comprendre sous cette dénomina- traité rédigé sous Claude, peu avant le Gaule méridionale— est en tous points tion très générale "d'étangs des Volques" milieu du Ier siècle de notre ère, apporte conforme à ce que nous savons de cette le bassin de Thau (1). Les identifications sur le littoral languedocien— décrit d'est région au début de notre ère par les du Lez (2), de l'Hérault et de l'Orb ne en ouest à la suite de la vallée du sources littéraires, l'archéologie et la font pas difficulté, ni non plus celles de (1) Taurus chez Aviénus, Ora marit., v. 609-612. (2) Ledus est un hydronyme assez répandu: Leco en 853 (Cart. Aniane), Lesus en 1070 (Cart. Gellone) pour le Lez de Lattes; pour le Lez, affluent du Rhône près de Bollène (Vaucluse), on a les formes suivantes: mutatio ad Letoce (Itin. de Jérusalem) et flumen Licii en 640 (Barruol 1969-1976, 263). 6 GUY BARRUOL Fig.1: Carte du littoral du Bas Languedoc dans son état actuel. Lattes et de Mèze. Lattes est qualifiée de 1.1.2. Pline l'Ancien, dans son Est provinciae Narbonensis et in castellum, terme qui semble désigner ici Histoire naturelle, dédiée en 77 au futur Nemausiensi agro stagnum Latera une bourgade de moyenne importance, empereur Titus, ne cite pas l'agglo- appelatum, ubi cum homine delphini peut-être fortifiée (3); Mèze enfin est mération de Lattes dans sa description societate piscantur (IX, 29). décrite comme une presqu'île, qu'elle est géographique et ethnographique de la "Il y a dans la province de Narbon- réellement, même si la langue de terre Gaule Narbonnaise (livre III); en revan- naise, sur le territoire de Nimes, un étang qui unit le promontoire —sur lequel est che, au livre IX (29-32), consacré aux appelé Latera, où les dauphins pêchent attestée une occupation antique— à la animaux, il décrit longuement la pêche de société avec l'homme" (suit la curieuse terre ferme n'est plus aussi étroit des mulets dans l'étang de Latera, près de description de cette pêche). aujourd'hui que ne l'indique Mela Nîmes, pêche pour laquelle les hommes Cet "étang de Lattes" ne peut être (contra: Thomas 1865, 114). se font aider par des dauphins: qu'un des "étangs des Volques" proche de (3) En Narbonnaise, Mela qualifie d'urbes opulentissimae Vienne, Vaison, Avignon, Nimes, Toulouse, Orange, Arles, Béziers (II, 5, 75); de vicus, Elne (II, 5, 84); de portus, Marseille (II, 5, 77); et de locus, Cerbère (II, 5, 84). Parlant des rivages de Gaule méridionale, le géographe écrit (II, 5, 76) "qu'il s'y trouve quelques lieux habités (loca) aux diverses dénominations, que les villes (urbes) y sont rares parce que rares y sont les ports (portus) et que toute la côte est exposée à l'auster et à l'africain". A la fin du Ier s. av. n. è., Tite-Live, évoquant le franchissement des Alpes par Hannibal en 218 (XXI, 33, 2 et 11), emploie, pour désigner les agglomérations rurales de la vallée de la Maurienne, les termes de castella (bourgs?) et de viculi (hameaux?); l'un de ces castella était "le chef-lieu de cette région". LE TOPONYME LATARA/LATTARA 7 l'agglomération de Lattes, soit l'étang du Si Calum n'est pas connue, Sextantio Quoiqu'il en soit, il n'en demeure pas Méjean, mais sans doute cette appellation correspond, on le sait, à Castelnau-le-Lez moins qu'il y a une difficulté réelle d'in- recouvrait-elle aussi les étangs voisins de (Hérault), agglomération antique située terprétation du v. 559; aussi n'excluera-t- l'Arnel, de Pérols et de Mauguio, qui en bordure du Lez à quelques kilomètres on pas la possibilité de voir dans latera le n'étaient pas alors compartimentés en amont de Lattes. nom de Lattes (5) introduit par erreur par comme ils le sont de nos jours. Ce même quelque transcripteur: en ce cas, la juxta- texte plinien nous apprend que cet étang Le deuxième texte cite, à la suite: position de Latera et de Pyrene/Portus communique avec la mer par "d'étroits ...Fossis Marianis (Fos), Nemausus Veneris/Port Vendres cesse de surprendre, goulets" (angustis faucibus stagni in (Nimes), Megalona (Maguelone), Ca- quand on sait qu'il s'agit dans les deux mare...), qui ne sont autres que ces lum(?), Latara (Lattes), Sextantione cas de ports fréquentés à période passages appelés graus en langue d'oc (Castelnau-le-Lez)... ancienne par les Massaliètes... (Etangs 1986: Ambert, 24; Richard 1973, Il s'agit là certes d'un texte très tardif, Si cette mention devait être retenue, 157-159). qui, bien que peu fiable, pourrait porter ce serait la plus ancienne, les sources La manière à la fois très vivante et témoignage de l'existence de la cité de d'Aviénus remontant, on le sait, au Ve ou détaillée dont est racontée cette pêche Lattes au haut Moyen-Age —sans doute à au VIe s. av. J.-C. peut faire imaginer que Pline lui-même l'emplacement du bourg médiéval— à eût été témoin d'une de ces scènes: on moins que ces listes ne soient que des 1.2. Les sources épigraphiques sait en effet qu'il a été procurateur des catalogues de villes antiques simplement biens impériaux en Narbonnaise vers 70 mis à jour par le compilateur. Deux inscriptions, trouvées ces der- de n.è. (Pflaum 1978, 120 et 130-131) et nières années, l'une à Lattes même, l'autre procurateur en Espagne Tarraconaise 1.1.4. On ne saura jamais si, au IVe s. à Maguelone, évoquent le nom de Lattes, dans les années suivantes (72-74?); j'ai par de n. è., Aviénus, dans ses Ora maritima la première sous forme d'ethnique, la ailleurs souligné (Barruol 1969-75, 16) (Rivages maritimes), évoquait Lattes, les seconde d'ethnique ou de théonyme; qu'il était certainement venu dans le Sud- trois vers où il aurait pu en parler (v. 618- toutes deux sont conservées au Musée est de la Gaule, puisqu'aussi bien il 620) étant malheureusement perdus. archéologique de Lattes. affirme avoir vu chez les Voconces un Quant au mot latera, qui figure dans météorite tombé du ciel (N.H., II, 150); il l'édition princeps de Victor Pisanus en 1.2.1. L'inscription de Saint-Sauveur semble bien également qu'il ait aussi 1488 reproduisant un manuscrit unique à Lattes (Hérault) (fig.2) visité la célèbre source de la Sorgue, à aujourd'hui perdu, les éditeurs postérieurs Vaucluse, qu'il décrit de manière pitto- (Pithou 1590; Schulten 1922; Chalon- Elle a été découverte fortuitement en resque (XVIII, 190). Gayraud 1980, 45; Villalba 1987, 43) 1965, à la suite de labours profonds, sur considèrent, pour des questions de le domaine de Saint-Sauveur à Lattes, à 1.1.3. Dans sa Cosmographie, l'Ano- métrique et de grammaire, qu'il s'agit proximité de la zone actuellement en nyme de Ravenne, à la fin du VIIe s., d'une adjonction, peut-être une note cours de fouilles (à l'ouest de la zone donne par deux fois (IV, 28 et V, 3) une marginale passée dans le texte qui, explorée). Sauvée par H. Prades, elle a liste des civitates de la province de corrigé, serait le suivant (4): fait aussitôt l'objet d'une publication Septimanie, sans ordre très apparent.

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