Jean AUBERT

LE VAL-D' AUTREFOIS

Collection : Vie quotidienne autrefois

HORVATH Les documents utilisés pour l'illustration de cet ouvrage proviennent principalement des Archives départementales du Val d'Oise que nous remercions de leur amabilité. Quelques collectionneurs, M. Jean-Pierre Bousquet, M. François Collin, nous ont aussi permis de puiser dans leurs collections. La documentation historique provient des souvenirs de Val d'Oisiens ou Val d'Oisiennes, plus qu'octogénaires ou disparus, des monographies des instituteurs écrites en 1899 et de nombreux ouvrages d'histoire locale. Merci à tous.

Couverture : Conception Alain BOULDOUYRE Copyright Editions HORVATH 104, rue Tronchet - 69006 ISBN : 2-7171-0887-4 IS,-SN- : 1255-0760" AVERTISSEMENT

Officiellement, le département du Val d'Oise est né de la loi du 10 juillet 1964, portant réorganisation de la région parisienne. Cette loi substituait aux départements de la et de Seine-et- Oise, sept unités administratives nouvelles : , ville et départe- ment ; les Hauts-de-Seine, la Seine-Saint-Denis et le Val de , formés d'une partie de la périphérie parisienne à laquelle s'ajou- taient quelques rares cantons de Seine-et-Oise adjacents ; les départements de l', des et du Val d'Oise, chacun issu de l'ancienne Seine-et-Oise. Enfin, le département de Seine- et-Marne ne bougeait pas. C'est cette structure nouvelle qu'on retrouve dans la "fleur" de l'Ile de suffisamment répandue pour qu'on n'insiste pas davantage. Chaque département nouveau a sa spécificité, mais est formé de plusieurs parties venant d'arrondissements différents. Ainsi le Val d'Oise a-t-il pour ossature l'ancien arrondissement de , amputé de toute la partie Est de celui-ci (cantons d'Aulnay-sous- Bois et du Raincy - seize communes, la plupart semi-urbaines -) mais accru du canton de Magny-en- (vingt-huit communes rurales rattachées à l'arrondissement de Mantes-la-Jolie) et d'une partie du canton d' (7 communes urbaines sur 9, totali- sant à l'époque entre 130 000 et 150 000 habitants). Le Val d'Oise n'a pas d'unité démographique ou économique ; on compte une trentaine de communes de moins de 200 habitants face à quelques villes cent ou quatre cents fois plus grandes ; sa superficie est très réduite ; la ville chef-lieu - Pontoise - n'est pas la plus importante ville du département : environ 18 000 habitants, contre 80 000 habitants à Argenteuil et une explosion qui commence à l'Est : . Le département fut aussitôt doté d'un préfet énergique qui comprit les difficultés de celui-là : André Chadeau. Sa gestion resta confiée au Conseil Général de l'ex-Seine-et-Oise jusqu'en 1967. Ce qui explique la dualité entre deux dates de "fondation" du département : 1964 selon certains qui regardent l'administration centralisatrice, 1967 selon d'autres pour qui le département n'existe que lorsqu'une assemblée élue statue sur son destin. Depuis 1967, les cantons se sont multipliés, peut-être plus rapi- dement que l'évolution démographique. Aux 9 de 1960 répondent les 39 d'aujourd'hui, ce qui, en moyenne fait plus de 25 000 habi- tants pour chacun, mais des écarts importants demeurent entre les cantons ruraux (plus importants en superficie et plus faibles en population) et les cantons urbains qui ont obligé à des divisions subsidiaires complexes dans des villes comme Argenteuil ou Sarcelles). Un rôle modérateur et rééquilibrant est assumé par la ville nouvelle de -Pontoise, dont les communes regroupent aujourd'hui près de 300 000 (habitants). Certaines communes (Cergy, Vauréal, Jouy-le-Moutier par exemple) ont à peu près décuplé leur population en moins de vingt ans. Rien d'étonnant que la mémoire du passé rural soit totalement perdue aujourd'hui ! Par simplicité de langage, chaque fois que nous utiliserons dans cet ouvrage le terme "Val d'Oise" et quelle que soit l'année de référence, c'est bien de l'espace géographique d'aujourd'hui qu'il s'agira, même si le "Val d'Oise" n'existait pas alors. Il en sera de même, bien que beaucoup plus rarement, quand nous évoquerons les "Yvelines" ou "Seine-Saint-Denis". De longues périphrases seraient peut-être plus historiquement logiques pour évoquer 1'"autrefois" d'un département qui n'existait pas. Nous n'avons pas cru bon de nous y résoudre. Il faut savoir s'imposer des contraintes et s'y tenir. LE VILLAGE

Le Val d'Oise est essentiellement rural, surtout si l'on se réfère à la seconde moitié du XIXe siècle et au début du XXe. Posez à un élu - susceptible, pense-t-on, de mieux appréhender l'évolution d'un territoire - une question simple : "Combien y avait-il de communes de plus de 10 000 habitants dans le départe- ment, il y a moins de cent vingt-cinq ans, disons, au recensement de 1876" ? Lélu va chercher, supputer, répondre "trois ou quatre"... Hélas ! la réponse est ZERO ! Zéro, oui, Monsieur l'Elu ! Regardons les résultats du recensement de cette année 1876 : 6 500 habitants à Pontoise, mais la ville des bords de l'Oise n'était déjà plus la ville la plus peuplée du département d'aujourd'hui : en vingt ans, Argenteuil était passée de 4 767 à 8 990 habitants (cependant, rappelons-le, Argenteuil n'appartenait pas à l'arrondis- sement de Pontoise). Montmorency, ville éminemment historique, deuxième en population, ne compte que 4 088 habitants. Ainsi, les trois villes les plus importantes ne totalisent-elles pas 20 000 habi- tants ! A elles trois, beaucoup moins que la seule ville de Montreuil- sous-Bois, à l'Est de Paris ! Le Val d'Oise est, exclusivement ou presque, fait de villages.

Le Val d'Oise est un département essentiellement rural.

Qu'en est-il vingt-cinq ans plus tard ? Cindustrialisation (mot bien pompeux quant aux résultats observés !) a-t-elle beaucoup inversé le phénomène ? Eh bien non ! Les cinq communes les plus importantes, en 1901, sont Argenteuil (17 375 habitants), Pontoise (8 180 habitants), Montmorency (5 419 habitants), Enghien-les- Bains (4 067 habitants) et (3 521 habitants). En tout, cinq des villes les plus importantes du Val d'Oise d'aujourd'hui (38 562 habitants) représentent, une fois encore la même comparaison, à peu près l'équivalent de Montreuil ! Il faut bien s'imprégner de cet état de fait pour comprendre la vie du Val d'Oise entre 1850 et 1914. Pontoise, chef-lieu d'arron- dissement, n'a que les aspects d'un gros bourg, avec son marché, son tribunal et sa vie militaire. Argenteuil, touché par les créations d'usines, est encore plus réputé pour son vin, ses asperges et ses figues que pour ses constructions mécaniques. Bezons tient dans la foulée. Quant à Montmorency, ville de villégiature, son grand attrait reste dans les promenades à dos d'âne en forêt. Une touche urbaine : la jeune ville d'eaux d'Enghien-les-Bains (la commune fut créée en 1851) qui attire, nombreux, les Parisiens le dimanche, les rend le soir à la capitale, mais accueille, lentement mais sûre- ment, les premiers tenants d'une déconcentration. Pas de quoi fouetter un chat !

Autour des agglomérations qui atteignent rarement 400 habitants, il peut y avoir trois ou quatre hameaux de 30 à 40 personnes. Nous sommes en plaine et à vingt ou trente kilomètres de Paris !

C'est pourquoi le "village" nous paraît être la référence la plus juste concernant cette époque. Que l'on soit sur le plateau du Vexin ou dans la plaine de France, dans la vallée de l'Oise ou de ses sous-affluents de la rive droite, le village est modeste : un regroupement de maisons autour du clocher et de la maison commune à laquelle s'adosse l'école quand elle n'est pas incorporée, malhabilement, dans l'étage. Les rares voies vicinales sont mal entretenues : poules, poussins et canards y vivent une partie de la journée ; le passage des moutons et des vaches y laisse les traces que l'on peut imaginer ; il arrive encore que des dépôts de fumier soient amoncelés sur la voie publique et qu'un rigolet de purin se promène... Irrégulièrement disposées par rapport à l'axe de cette voie, les maisons sont des obstacles à la circulation d'une charrette ou d'un tombereau ; quand deux véhicules doivent se croiser, il faut garer l'un d'eux dans l'espace disponible. Au large de cette agglomération qui atteint rarement trois ou quatre cents habitants (très souvent moins, même encore aujourd'hui), il peut y avoir deux, trois ou quatre grosses fermes, lesquelles ont conditionné la construction de quelques maisons souvent bâties en pierres de récupération, où habitent des ouvriers ou des professionnels qui dépendent de la ferme. Ainsi, au mieux, répétons-le, trois ou quatre hameaux de vingt à quarante per- sonnes peuvent graviter autour du centre du village. Une mauvaise route - plutôt un chemin de terre encaissé entre des champs - relie chaque hameau au centre du village. Chaque village est nettement séparé de son voisin : 5 kilomètres entre et Arthieul, 4 entre Cléry-en-Vexin et Nucourt, 5,5 entre et , 5 entre Le Mesnil-Aubry et Epinay-Champlâtreux, près de 4 entre Fontenay-en-Parisis et ou Le Plessis-Gassot, 5 entre et . N'oublions pas que nous sommes en plaine, et à vingt ou trente kilomètres de Paris. Leau ne manque que rarement, ce qui explique l'autonomie des fermes et des hameaux. Mais les cours d'eau exploitables sont rela- tivement rares : l'Epte, bien sûr, en frontière, la Viosne, le Sausseron et les deux Aubettes dans le Vexin, l'Isieux, la Thève, le Petit-Rosne et le Croult dans la plaine de France. Ces rivières ani- ment des moulins utilisés les uns pour moudre la farine, d'autres pour teiller le chanvre ou fouler le lin, quelques-uns pour fouler les peaux. Les moulins sont utilisés pour moudre la farine, teiller le chanvre, fouler le lin ou les peaux. Le vieux moulin de , qui existe encore, moulait le blé. Les inondations de l'Oise de mars 1910 à L'Isle-Adam. On assistera, entre 1870 et 1910, à la production de force motrice affectée par certains d'entre eux, à des travaux artisanaux (menuiserie, tournage) ou industriels (petites productions d'objets métalliques comme les tire-bouchons, les tire-boutons ou objets de petit usage courant). Mises à part ces activités ponctuelles, le village apparaît comme un ensemble de maisons dans lesquelles seront exercées les fonc- tions les plus indispensables à l'autonomie du village. On trouve à peu près dans chaque village (jusqu'en 1914) une épicerie-buvette. Le terme recouvre une activité beaucoup plus complexe : l'épicerie est aussi mercerie, la buvette aussi marchand de vins ou de cidre, voire de bois pour ceux qui n'en auraient pas d'une manière ou d'une autre par relation dans le village. On trouve, à l'épicerie, l'almanach de l'année et éventuellement de l'encre, un porte-plume et un crayon. Elle fait aussi, surtout dans les petits villages, dépôt de pain, alimenté deux ou trois fois par semaine. C'est le centre des nouvelles du village, les hommes qui viennent "y boire un coup" colportant l'annonce des naissances et des décès, et aussi les habituelles médisances fondées ou non. A l'exception des villages les plus petits, on trouve aussi un menuisier. Jusqu'en 1900 on y trouvait presque toujours un tisse-

Dans chaque village, comme ici à Mériel, jusqu'en 1914, une épicerie-buvette assure l'approvision- nement en de multiples marchandises et la diffusion des nouvelles. Les confréries de charité disparurent presque toutes dans les vingt dernières années du XIXe siècle. Lune des dernières, qui exis- tait encore au début du XXe siècle, officia à Wy-dit-Joli-Village jusqu'en 1904 ou 1905. Du berceau à la tombe, le rapport à Dieu était permanent pour presque tous, même si l'on n'était pas un pratiquant régulier. Tradition et coutume se mêlaient à un certain culte à la divinité et aux saints. Rares étaient ceux qui n'étaient pas allés une fois au pèlerinage de Saint-Clair, à Saint-Clair-sur-Epte, ou de Saint- Romain à Génainville ou de Notre-Dame, à Pontoise. Tout cela se passait au du département de Seine-et-Oise, sur le territoire devenu le Val d'Oise, autrefois... TABLE DES MATIÈRES

Avertissement 3 Le village 5 Le bourg 17 La ville 26 La vie au village 47 Profession : maraîcher 64 Les ouvriers d'Argenteuil 72 La vie de château 81 Petits métiers de 1900 88 Employés à Paris 98 Les enfants 103 Les artistes d'Auvers-sur-Oise ...... 116 Que mange-t-on en 1900 ? ...... 124 La relation à Dieu ...... 133