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Neige et précarité

Quand oublie ses douars

Si à Tiaret, on se targue aujourd’hui d’avoir enregistré un recul sur le taux global de pauvreté, la réalité est indéniablement autre quand on sait que la précarité gagne davantage du terrain.

Les dernières chutes de neige l’ont confirmé à travers plusieurs douars des localités de Sidi-Bakhti, , Meghila, Mahdia, Hammadia, , … qui étaient isolés durant toute la période qu’auront duré les intempéries. Ainsi, la définition et la mesure d’un tel aléa sont rendues ardues par l’absence d’études méthodiques et comparables dans le temps. Ce qui donne lieu à un déséquilibre flagrant entre les zones urbaines, plus avantagées, et les zones rurales, mises aux oubliettes. “Les trois jours de neige ont été vécus dans un calvaire inextricable avec les coupures fréquentes d’électricité, le manque de gaz butane et de certains aliments comme le pain”, nous affirmera un homme d’un certain âge rencontré à Sidi-Ali, une localité relevant de Mechra-Sfa. Ce dernier nous a avoué avoir acheté une bonbonne de gaz à 700 DA alors que son prix réel était de 200 DA. Un phénomène que l’on dirait indirectement prémédité par les pouvoirs publics dans la mesure où la carence ne se faisait pas sentir dans le passé quand les centres enfûteurs privés étaient en exercice. “En 2005, nous avions vécu la même calamité climatique, mais le problème de gaz ne s’était pas posé grâce aux efforts consentis par les camionneurs de GBS qui nous livraient quotidiennement le produit”, dira un citoyen de Azioua, un douar perché sur les hauteurs de la daïra d’Oued-Lili. Le même avis est partagé par de nombreux habitants de , Meghila, et autres qui font porter le chapeau à Naftal qui n’a rien fait pour leur venir en aide. Néanmoins, les coupures d’électricité ont été aussi pour quelque chose quant à la précarité qui a sensiblement touché ces populations contraintes à un isolement singulier. Certains, compte tenu de ces désagréments, ont estimé que la wilaya de Tiaret est constituée de deux couches sociales, à savoir les riches qui s’enrichissent davantage et les pauvres qui s’appauvrissent de plus en plus. Argumentant leur point de vue, ces derniers considèrent que la richesse et les moyens de cette wilaya sont mal répartis. En effet, de nombreux douars éloignés ont été oubliés et carrément isolés durant cette sinistre période où même les enfants ne pouvaient prendre le chemin de l’école par manque de moyens de transport. Pendant que ces derniers ont été mis aux oubliettes, les engins de la direction des travaux publics et ceux des autres départements étatiques se satisfaisaient à déblayer le centre-ville du chef-lieu de la wilaya où l’on avait remarqué l’absence totale des responsables et des élus. À Sougueur, ce sont neuf familles, portant les séquelles des intempéries vécues après avoir été chassées du haouch de fortune qu’elles occupaient, qui ont tout simplement pris en otage le siège de l’APC qu’elles occupent toujours. “Nous n’avons pas où aller, et c’est pour cela que nous avons occupé ces lieux et nous comptons résister jusqu’au moment où les autorités locales solutionneront notre problème”, nous dira un chef de famille rencontré sur place. À Dar El-Bosri, c’est une population médusée qui nous a accueillis pour nous étaler la souffrance perpétuelle qu’elle endure. Il a suffi d’un changement climatique pour que cette dernière soit plongée dans un anonymat apparent tant l’isolement était grossier. ”Durant cette période où il a neigé, il m’est arrivé de passer toute une journée en ville, voire à Oued-Lili, pour avoir une bonbonne de gaz butane et quelques baguettes de pain”, dira ce vieillard qui soulignera avoir fait 10 kilomètres à dos d’âne. Il y a des vieux et des femmes qui, selon son témoignage, ne peuvent pas faire comme lui pour des raisons de santé ou autres. “Heureusement que l’esprit de solidarité existe toujours chez nous, notamment en de pareils moments où les gens pensent à s’entraider. Quant aux pouvoirs publics, ils ne nous connaissent que quand les élections arrivent”, s’indignera une vieille femme qui jure par tous les saints de ne plus mettre les pieds dans un centre de vote. Cette dernière est rejointe par une autre qui nous révélera avoir été secourue in extremis de la mort par une voisine. “Je n’avais rien à manger et je grelottais de froid au point où j’avais perdu conscience et je suis revenue de loin grâce à ma voisine qui s’est inquiétée pour moi avant de venir s’enquérir de ma situation”, affirmera la misérable vieille.

R. S